TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne. Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
lundi 25 mai 2009
Esquisse du contexte politique de la question touarègue...
Esquisse du contexte politique de la question touarègue...
samedi 23 mai 2009, par temoust
Les germes de la crise
L’histoire récente des Touaregs, comme celle de la plupart des peuples du tiers-monde, a été marquée par le contact avec l’homme européen. La colonisation est, en effet, le phénomène majeur de ce siècle qui a orienté le destin du peuple touareg vers ce qu’il est aujourd’hui.
Avant la colonisation, les Touaregs jouissaient d’un pouvoir politique et économique au Sahara et en Afrique Occidentale. Cette influence se traduisait notamment par le contrôle du commerce caravanier. Les liens avec les autres communautés ethniques se caractérisaient par une complémentarité entre pasteurs et cultivateurs. Les différents peuples s’estimaient, malgré les rivalités et les impulsions guerrières qui les animaient tous.
Le colonialisme a mené une politique qui a contribué, d’une part, à la détérioration des relations inter-ethniques et, d’autre part, à la désagrégation des confédérations touarègues pour créer de multiples chefferies artificielles plus faciles à contrôler.
Au moment des indépendances, les Touaregs ne réalisèrent pas la portée des changements qu’ils venaient de subir. Le pays touareg se trouva ainsi morcelé et traversé par des frontières absurdes qui correspondaient uniquement, à l’époque, aux limites de compétences des différents officiers de l’administration coloniale.
Depuis les indépendances, les différents gouvernements qui se sont succédé au Mali et au Niger ont marginalisé ce peuple quand ils n’ont pas cherché, sciemment, à l’effacer.
La résistance...
Les Touaregs vivent ces politiques comme une discrimination ethnique et les ressentent parfois comme des tentatives de génocide. Les régions touarègues se sont vu refuser tout espoir de développement économique et d’épanouissement culturel.
Un climat de contestation / répression s’est instauré sans aucune volonté politique, de la part des autorités nigériennes et maliennes, de traiter cette situation par le dialogue.
Ces graves problèmes d’ordre politique s’ajoutent aux sécheresses dramatiques (1973, 1984) qui frappent régulièrement ces régions. Ces aléas climatiques ont fini par saper les bases traditionnelles de l’économie touarègue en décimant la presque totalité du cheptel. La grande sécheresse de 1973 a été utilisée comme arme pour en finir avec les Touaregs de façon définitive par les pouvoirs centraux : puits et vivres empoisonnés, aides internationales détournées, populations déplacées.
Cela a conduit beaucoup de Touaregs à se sédentariser ou à s’établir, non sans problèmes, autour des centres urbains, voire à s’exiler. Ainsi plusieurs centaines de milliers de Touaregs nigériens et maliens ont fui vers la Libye et l’Algérie.
... au Mali
En 1963, une première insurrection touarègue contre le pouvoir central de Bamako, a été sévèrement réprimée par Modibo Keita, avec l’aide de Ben Bella, qui lui livra les responsables Touaregs réfugiés en Algérie. Cette répression avait déjà fait des milliers de morts dans l’indifférence générale, y compris de la France qui venait pourtant juste de "partir" de la région.
Les trente ans d’indépendances du Mali, jusqu’en 1990, ont été marqués par une absence de la communauté touarègue de la vie institutionnelle du pays. A tel point que les Touaregs étaient perçus par les autres Maliens comme des étrangers qui n’avaient qu’à retourner chez eux en... Algérie ou en Libye.
En 1990 craignant des massacres massifs, comme au Niger voisin, des groupes de jeunes Touaregs prennent les armes et entrent en résistance contre le pouvoir central malien. Par cet acte ils voulaient faire valoir leur droit à la citoyenneté et à la dignité.
Après plusieurs mois de guerre et de massacres, l’Algérie arrive à obtenir des deux parties la signature d’un accord de paix à Tamanghasset en janvier 1991. Mais cet accord n’aura aucune suite à cause de la précipitation dans laquelle il a été signé et surtout de la mauvaise volonté des autorités maliennes qui préféraient une solution militaire du conflit. La guerre continua et les massacres de civils Touaregs redoublèrent d’intensité.
Le massacre qui a le plus marqué la communauté touarègue est celui de Léré (Tombouctou) le 20 mai 1991, quand les militaires ont trié des dizaines de civils Touaregs et Maures sur le seul critère de la couleur de leur peau et les ont exécutés sur la place publique sans même vérifier leur identité. Leurs familles furent retenues en otages par l’armée pendant un an.
Le 11 avril 1992, un "Pacte National" censé mettre fin aux hostilités est signé, toujours sous la médiation algérienne. Ce pacte consacrait "un statut particulier" pour les trois régions du nord du Mali (Gao, Tombouctou et Kidal). La signature de cet accord ne mettra pourtant pas fin aux exactions contre les communautés touarègue et maure.
C’est ainsi que d’autres exécutions sommaires eurent lieu notamment à Gossi le 14 mai 1992, où 12 personnes travaillant pour "l’Aide de l’Église Norvégienne" ont été assassinées par des militaires. Le 17 mai 1992, à Foïta (frontière mauritanienne), 48 éleveurs ont été tués près d’un puits avec leurs animaux. Ces massacres ont eu comme autres conséquences la fuite vers la Mauritanie, l’Algérie et le Burkina Faso de plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont dû abandonner maisons, biens et troupeaux... Toutes les grandes villes du Nord ont été vidées de leurs populations touarègues et maures.
Mais les réfugiés revenus au Mali, à la suite de la signature du "Pacte", n’ont pas tardé à repartir, effrayés par les confiscations arbitraires de leurs biens et troupeaux.
Le 12 juillet 1992, alors que les MFUA (Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad) devaient rencontrer le nouveau président Alpha Oumar Konaré, des Touaregs victimes d’agressions et de pillages ont été obligés de se réfugier dans l’ambassade d’Algérie à Bamako.
Des brigades mixtes composées d’éléments de l’armée et de combattants du MFUA ont été créées pour maintenir l’ordre et ramener la confiance. Ces brigades ont, en fait, été utilisées beaucoup plus contre les groupes touaregs hostiles au Pacte que contre les militaires qui continuaient à terroriser les populations civiles.
A ce jour aucun responsable politique ou militaire n’a été poursuivi pour son rôle dans ce génocide.
Le processus dit "démocratique", avec l’avènement d’un nouveau régime, n’a pas eu l’effet escompté dans le sens de l’apaisement et de la paix.
En effet, les exactions n’ont jamais cessé et la réticence des autorités maliennes à appliquer le Pacte a fini par diviser la résistance touarègue, dont la grande majorité ne croit plus à la volonté politique du pouvoir central à régler ce conflit par la négociation.
Les combats ont repris à la suite du massacre d’une trentaine de Touaregs dans la région de Menaka le 21 avril 1994. Depuis, plus de 1000 civils Touaregs et Maures ont perdu la vie dans les différentes tueries organisées par l’armée malienne et ses milices parallèles. Depuis 1996 une accalmie relative s’est installée au Mali mais le problème touareg reste entier. Les accords signés ne sont toujours pas appliqués par l’État malien.
...au Niger
Au lendemain de l’indépendance, le sort des régions touarègues demeurait incertain.
Plusieurs chefs coutumiers touaregs avaient manifesté leur désaccord sur l’avenir qui leur était imposé par l’administration coloniale. Cette contestation a été vite étouffée par Diori Hamani, premier président du Niger, qui a fait appel à un Touareg, Mouddour Zakara, pour qui il a créé un ministère des "affaires sahariennes et nomades" destiné à rassurer les Touaregs sur les intentions du gouvernement et surtout à faciliter leur intégration au Niger.
Les années 1970 et 1980 ont été marquées par l’implacable dictature de Seyni Kountché dont les Touaregs furent les premières victimes. La répression poussa beaucoup de cadres Touaregs à s’exiler en Algérie et en Libye où ils ont trouvé une forte communauté touarègue d’origine nigérienne et malienne. Une opposition en exil s’est constituée contre le régime militaire au Niger. A la mort de Seyni Kountché en 1987, son successeur, Ali Saïbou, se rendit à Tripoli pour convaincre les responsables Touaregs installés là bas de rentrer au pays. Malheureusement la décrispation annoncée et la réconciliation nationale n’ont pas empêché la poursuite de la répression contre la communauté touarègue.
En effet, dès leur retour les exilés ont commencé à être arrêtés sans autre motif que leur séjour en Algérie et en Libye. Cette répression a atteint son paroxysme avec les massacres de Tchin-Tabaraden en mai-juin 1990. Le gouvernement nigérien prétextant un incident entre un groupe de jeunes Touaregs et les gardiens d’une prison, envoya son armée dans toute la région saccager des campements touaregs, assassinant aveuglément enfants, femmes, vieillards...
La répression se poursuit avec son lot d’arrestations arbitraires, de tortures et d’exécutions publiques :
- A Tahoua, plusieurs centaines de Touaregs ont été arrêtés, exécutés ou torturés puis achevés,
- à Abalak, quinze fonctionnaires ont été arrêtés, deux sont morts à la suite de tortures,
- à Tassara, 25 Touaregs ont été arrêtés et 24 ont été pendus,
- à Tillia, des adolescents ont été exécutés publiquement,
- à Kao, des campements entiers ont été anéantis,
- etc.
Une Conférence Nationale devant amener le pays à la démocratie se tient peu de temps après. Au cours de celle-ci, un débat contradictoire a lieu sur les événements de Tchin-Tabaraden avec des témoignages de victimes et des militaires. Un officier, Maliki Boureima a été applaudi par la salle représentant l’ensemble de la nation nigérienne quand il a raconté comment il avait achevé lui-même un vieillard agonisant. La Conférence Nationale n’a pas voulu prendre les décisions de justice qui s’imposaient envers les responsables des massacres.
Un parti politique, l’UDPS (Union pour le Développement et le Progrès Social), bien implanté dans les régions touarègues, avait défendu l’idée d’un système fédéral pour désamorcer la situation explosive qui prévalait dans le pays. Cette proposition fut rejetée par la Conférence Nationale.
A la suite des événements de Tchin-Tabaraden et surtout de l’échec de la Conférence Nationale, des jeunes Touaregs, habités par un sentiment d’injustice, décidèrent d’engager une résistance armée contre le pouvoir central.
Le gouvernement de transition issu de la Conférence Nationale mena une campagne destinée à soulever les autres communautés contre les Touaregs et à transformer le problème en conflit inter-ethnique. Les arrestations arbitraires et les tortures se sont intensifiées dans les régions touarègues.
En mars 1992, le gouvernement instaure l’état d’urgence dans le Nord et donne les pleins pouvoirs à l’armée. Le 25 mai 1992, 28 Touaregs sont arrêtés à Arlit. Le 27 Août 1992, l’armée procéda à l’arrestation de plus de 300 cadres et responsables touaregs sur l’ensemble du territoire national. Toutes ces personnes ont été arrêtées sur le seul critère de leur appartenance à la communauté touarègue. Ces arrestations arbitraires ont été cautionnées par presque toute la classe politique nigérienne.
Le capitaine Maliki Boureima, qui avait reconnu lors de la Conférence Nationale avoir massacré lui-même des civils touaregs, est considéré aujourd’hui comme un véritable héros national.
Mais le personnage qui s’est le plus illustré pour son attitude ouvertement anti-touareg, est le ministre de l’intérieur de l’époque (1990) Tanja Mamadou, que les Touaregs considèrent comme le véritable instigateur des massacres de Tchin-Tabaraden. Rappelons seulement qu’il connaît bien la région dont il fut préfet auparavant.
Toutes les consultations électorales, qui ont eu lieu pendant la période de transition, ont ignoré la communauté touarègue qui vivait sous état d’urgence et directement administrée par l’armée. Comme au Mali, le "processus démocratique" au Niger se déroule sans la participation de la communauté touarègue qui vit constamment dans une psychose intenable depuis les événements de Tchin-Tabaraden.
La résistance touarègue, continue à revendiquer une autonomie pour les régions touarègues. Les négociations entre les autorités nigériennes et la résistance touarègue ont commencé après plus de deux ans de tergiversations obscures destinées à étouffer le problème. La France, l’Algérie et le Burkina Faso ont assuré la médiation entre les deux parties. Un accord de paix a été signé en avril 1995.
Cet accord prévoit une décentralisation des pouvoirs au profit des régions mais son application reste très limitée aux considérations sécuritaires.
Quel avenir ?
La crise que connaissent les régions du nord du Mali et du Niger aujourd’hui résulte non seulement du caractère artificiel des frontières héritées de la colonisation, mais surtout de la politique désastreuse menée dans ces pays depuis les indépendances et qui a toujours refusé de considérer les Touaregs comme des citoyens à part entière.
Les pouvoirs claniques qui se sont succédé dans ces pays depuis les indépendances ont tous eu une coloration ethnique. Ceci s’est traduit, comme partout en Afrique, par la domination de certaines ethnies qui se sont accaparé l’appareil de l’État dont elles ont fait leur propriété.
Depuis des siècles, les ethnies qui composent aujourd’hui ces pays ont su cohabiter et gérer tant bien que mal leur complémentarité. Les responsables politiques ne se sont jamais souciés d’un quelconque intérêt général pour s’atteler à construire une unité basée sur les réalités locales. Ils se sont enfermés, au contraire, dans des idéologies inadaptées aux réalités africaines et dont l’erreur principale a été d’occulter la spécificité des États africains en voulant leur plaquer des schémas conçus pour des nations qui ont plusieurs siècles d’existence.
On oublie que ces pays sont encore à construire et que seule la volonté des différentes communautés qui les forment peut garantir leur stabilité et leur développement. Ces pays dont la viabilité économique est très loin d’être acquise, continuent à être sous la tutelle internationale de la France qui les maintient encore sous "perfusion économique".
Aujourd’hui, dans un contexte international difficile, le Peuple touareg s’interroge sur son devenir. Il est à la recherche d’une solution qui lui permette de surmonter les mutations de la société, de retrouver sa dignité et d’assurer son existence. En tant que communauté linguistique et culturelle, le Peuple touareg demande que lui soit reconnu le droit de vivre sur son territoire et de gérer son propre développement.
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