1.3.2 L’interprétation structuraliste du concept d’identité
L’influence des cultures sur le comportement est fortement présent dans certaines études anthropologiques de nature structuraliste qui mettent en relation les faits culturels entre eux. L’identité relève d’une dynamique adaptative : « Elle apparaît alors comme une fonction combinatoire instable et non comme une essence immuable, lieu et moment pareillement éphémères, de concours, d’échanges et de conflits auxquels participent seules, et dans une mesure chaque fois infinitésimale, les forces de la nature et de l’histoire» (Lévi-Strauss, 1958, page 19). L’un des apports attendu du projet de recherche, c’est de mettre en lumière ce caractère très particulier de l’espèce humaine : son adaptation culturelle. Dès la naissance, un bébé est totalement immergé dans un environnement culturel qui lui impose une façon de penser, de sentir et de percevoir la réalité. Son entourage lui transmet des connaissances sur le monde qui l’entoure et il développe des habiletés qui lui permettent de s’y adapter. Ainsi, tous les individus sont plongés dans un milieu culturel dès leurs premers balbutiements. Ils en sont tellement imprégnés, qu’ils croient naturelle, ou innée, une série de comportements, de croyances, de pensées et de sensations qui, en fait, sont culturelles. Ce n’est pas le bagage génétique qui permet d’avoir tel type de comportements, mais plutôt le groupe culturel d’appartenance. Il faut être entouré d’autres humains pour devenir un humain.
L’environnement professionnel concourt bien évidemment à l’établissement de ces comportements. Si chaque individu né avec des facultés intellectuelles, pour qu’elles s’expriment et se réalisent, il leur faut un contexte culturel nécessaire à leur développement. L’évolution permet le développement d’une adaptation culturelle pour chacun des groupes humains comprenant entre autre, celui du milieu professionnel. L’aspect physique, par les expériences individuelles et par les facteurs culturels, est sous influence du mode de vie du groupe social. Pour chacun, il y a une constante interaction entre l’aspect biologique et l’aspect culturel. En ce qui concerne le domaine des activités sportives, si toute personne vient au monde avec un certain potentiel de développement physique, bien des facteurs d’ordre culturel peuvent affecter la taille, la morphologie et le poids, prédisposant à la pratique de certaines activités physiques.
Au fil des années, de très nombreux auteurs cernent le concept de culture. Une définition est communément admise : « La culture est une production sociale, qui se fait par un lent et long processus de sédimentation dans la mémoire collective des actes et des messages qui ont marqués la vie sociale. En cela, elle s’oppose à la nature qui est un déjà là » (Lamizet & Silem, 1997, Page 170). Cette définition laisse ressortir le caractère universel et inhérent à l’espèce humaine, un attribut distinctif selon les mots de Claude Lévi-Strauss tout en pointant le périlleux débat entre l’inné et l’acquis.
Contrairement aux traits biologiques qui se transmettent uniquement par l’hérédité comme la couleur des yeux et le groupe sanguin ; les valeurs et les pratiques culturelles sont transmises et apprises par les individus lors des processus d’enculturation et de socialisation, soit à l’intérieur de la famille et de l’école, soit par les contacts sociaux et notamment dans l’entreprise et par l’ensemble des médias. Les traits culturels, la langue par exemple, sont légués d’une manière indépendante des traits biologiques.

L’identification de la culture :
Elle est partagée entre plusieurs membres d’un groupe,
Elle s’apprend et se transmet par des moyens extra biologiques,
Elle transcende les individus d’une génération à l’autre,
Elle est dynamique et se transforme dans le temps,
Elle est diversifiée,
Elle est le propre de l’espèce humaine.
Chaque culture apprend à ses membres un ensemble de pratiques particulières. Elle offre un éventail de modèles pour diverses situations de la vie. Elle indique comment réagir et se comporter dans différentes circonstances, par exemple face à la naissance ou à la mort, au sein de l’école, vis-à-vis des parents ou des étrangers, au sein du groupe sportif ou face à l’autorité dans l’entreprise. Ces phénomènes présentent des effets pervers et conservateurs : « Nous connaissons bien ces groupes où règnent la plus chaude solidarité, l’amitié la plus intense, la motivation la plus forte, la volonté de vaincre ou de réussir. On les trouve aussi bien dans les cercles sportifs ou dans les institutions militantes que dans les entreprises à forte culture et de ce que l’on appelle l’esprit maison. Jusqu’ici, cet esprit de corps était considéré comme un gage à peu près certain de réussite et tout était mis en œuvre pour le renforcer et l’exalter. Aujourd’hui, on se rend compte que cet atout comporte des revers dangereux. En effet, la culture maison est génératrice de stéréotypes, d’attitudes et de valeurs d’autant plus figées que le succès et le leadership ont forgé plus solidement le consensus » (Lassoto, 1989, Page 172).
Chaque culture oriente le développement des sens et leur donne même une signification particulière. Le toucher peut ainsi être très valorisé dans certaines cultures de Méditerranée alors qu’il sera banni des comportements usuels en Europe du Nord. Dans le secteur touristique, les malentendus de cet ordre s’imaginent aisément lors de confrontations de clientèles de toute origine. Il en est de même pour la vue, l’ouïe ou l’odorat. Une odeur tenace de poisson irrite les narines des populations continentales sans gêner celles des populations maritimes. Il est généralement aisé d’observer les comportements et certains traits culturels tels l’habillement ou l’alimentation, par ce qu’ils sont visibles et identifiables. Ils ne sont pas toujours compréhensibles pour autant et peuvent donner lieu à des interprétations fausses. Que les hommes touaregs se voilent devant leurs proches semble plus acceptable que le voilement des femmes islamiques que l’on interprète comme un acte de subordination.
Aucun individu n’est totalement imprégné ou porteur de toutes les manifestations de sa culture. Chacun fait partie de différents groupes d’appartenance que sont les classes sociales, les castes, l’âge, les régions et apprend des particularités de ces ensembles culturels qui le distinguent des autres membres de sa culture. Le groupe social présente une identité commune mais également des particularités individuelles. Le concept de sous-culture permet d’appréhender les variations culturelles qui existent à l’intérieur d’une même culture. Plusieurs facteurs comme l’âge, le niveau socio-économique, le statut, la profession influencent le comportement culturel des membres d’un groupe humain. Les membres d’un groupe partagent cependant un certain nombre de comportements et de valeurs qui les lient et les identifient à celui-ci et peuvent transcender plusieurs générations : la langue ou les pratiques sportives, par exemple mais également des comportements professionnels, un jargon technique, des appellations spécifiques. Ces comportements et valeurs construisent la culture du groupe qui se modifie avec le temps pour s’adapter logiquement au contexte et aux exigences : « La relation entre culture et société est de nature dialectique : la culture évolue sur la longue durée » (Lamiez & Silem, 1997, page 170).
La transformation continuelle de la culture, ou plutôt des valeurs et des comportements, des habitudes et des perceptions, témoigne de sa vivacité et de son caractère dynamique. Les cultures ne sont figées ni dans le temps, ni dans l’espace. Elles se transforment sous l’influence de divers facteurs. Certains individus ou groupes d’individus ont une influence déterminante dans la transformation de leur culture, notamment en faisant des découvertes ou en remettant en question des valeurs ou des comportements. Ainsi le féminisme reconnaît l’apport des femmes au sein des groupes culturels.
Les groupes culturels n’ont cessé, au cours des siècles, d’avoir des échanges et des rencontres qui permettent de transformer différents aspects de leur culture. L’actualité se caractérise par l’intensification des échanges internationaux et chaque groupe culturel y participe. De nombreux groupes culturels profitent de la découverte de l’électricité, des vaccins ; de même, les Occidentaux profitent de la découverte des chiffres arabes et des découvertes en astronomie réalisée au Moyen-Orient et en Asie. Chaque culture fait des emprunts technologiques ou idéologiques qu’elle réinterprète et réorganise en fonction de son contexte. Si les Touaregs profitent des découvertes des pays industrialisés comme la radio, la télévision et les véhicules tout terrain, il n’en reste pas moins de culture Touareg. Nombreuses sont les populations qui profitent des plantes cultivées par les Amérindiens comme la pomme de terre, le maïs et le haricot. De même ; différentes plantes médicinales qui servent à mettre au point de nouveaux médicaments comme la quinine provient d’une écorce péruvienne. Ainsi, la culture des organisations du tourisme sportif s’élabore principalement à partir d’éléments empruntés à plusieurs autres groupes de toute origine dont elle s’inspire tout en les influençant en retour, celles de l’industrie du tourisme et du mouvement sportif.
Quand nos propos s’intéressent à la culture, ils cherchent à saisir la manière dont elle se construit, s’exprime et se transmet. Culture et communication sont intimement liées. «Les règles de la parenté et du mariage servent à assurer la communication entre les femmes, comme les règles économiques servent à assurer la communication des biens et des services et les règles linguistiques, la communication des messages » (Lévi-Strauss, 1958, page 95). L’exploration cherche à connaître la complexité communicationnelle de l’homme à la fois dans son passé, son présent et son avenir.
Pour cela, on projette d’explorer par approche comparative pour comprendre et situer l’objet d’étude dans le cadre général des sociétés humaines d’hier et d’aujourd’hui. La comparaison constitue un outil de travail permettant de voir ce qui se cache derrière la diversité et de mieux comprendre l’espèce humaine.
Pour appréhender l’actualité organisationnelle et communicationnelle, nos travaux se s’engagent dans une phase d’exploration bibliographique qui nous plonge dans l’histoire du management des entreprises en retraçant les principales évolutions, les ruptures et l’actualité.
Le tourisme sportif en quête d’identité
La construction identitaire dans les organisations de tourisme sportif, entre idéologies sportives et matérialité professionnelle marchande
Thèse de doctorat de 3° cycle – Sciences de l’Information et de la Communication
Université de Nice Sophia-Antipolis
Table des matières :
Introduction
Première partie : L’organisation artisanale du sport face à la réalité industrielle du tourisme
1° chapitre : Le contexte professionnel et les réalités du tourisme sportif
1.1 La conjoncture favorable au développement du tourisme sportif
1.1.1 L’émancipation de l’offre sportive vers une logique de loisir
1.1.2 Le cadrage quantitatif des sports de loisir
1.1.3 L’apparition et la définition du tourisme sportif
1.1.4 L’actualité conjoncturelle du secteur touristique
1.1.5 Les réalités locales prédisposent aux activités du tourisme sportif
1.1.6 La conjoncture sensible du tourisme n’affecte pas celle du sport
1.1.7 Les déficiences du couplage entre le tourisme et les sports
1.1.8 Les faiblesses organisationnelles du tourisme sportif
1.1.9 L’origine culturelle de la défaillance de l’offre de tourisme sportif
2° chapitre : L’ambiguïté de la communication dans le monde professionnel
1.2 La référence aux sciences de l’information et de la communication
1.2.1 La complexité organisationnelle du tourisme sportif
1.2.2 Les problèmes relationnels dans l’organisation de tourisme sportif
1.2.3 Les problèmes sociaux engendrés par l’évolution organisationnelle
3° chapitre : L’exploration de la culture professionnelle du tourisme sportif
1.3 Le recours aux concepts de l’anthropologie culturelle
1.3.1 L’investigation de l’identité sous une approche anthropologique
1.3.2 L’interprétation structuraliste du concept d’identité
Deuxième Partie : La place de l’identité professionnelle dans le développement des entreprises
4° chapitre : La construction de l’identité entre similitude et différenciation
2.4 L’exploration du concept d’identité
2.4.1 La dualité du concept d’identité
2.4.2 Les processus d’attribution de l’identité
2.4.3 Le concept d’identité dans une logique constructiviste
2.4.4 Le cadre identitaire de la profession sportive
2.4.5 La gestion malaisée des organisations sportives
2.4.6 Les résistances identitaires face à une communication à logique économique
5° chapitre : L’évolution du management de la fonction vers le lien social
2.5 La genèse de la théorisation de l’expérience managériale
2.5.1 La recherche de rationalisation dans l’organisation
2.5.2 L’émergence d’une quête identitaire des acteurs de l’organisation
2.5.3 L’organisation communique entre rationalité et réalité sociale
2.5.4 La multidimension du management moderne
6° chapitre : La quête de sens au travail dans les entreprises
2.6 La culture, une construction de la nature humaine
2.6.1 La culture comme expression des activités humaines
2.6.2 La culture, expression sociale de l’organisation
2.6.3 Le projet d’entreprise, vision instrumentale de la culture de l’organisation
7° chapitre : La revendication identitaire des acteurs du tourisme sportif
2.7 L’appréhension de la dimension sociale par le management
2.7.1 L’émergence des préoccupations sociales du management
2.7.2 La réforme culturelle du management
2.7.3 L’intégration de la dimension culturelle dans le management
2.7.4 L’identification des facteurs de la motivation au travail
2.7.5 La gestion de l’organisation par ses aspects culturels
2.7.6 La modélisation fonctionnelle de la culture d’entreprise
2.7.7 Les limites d’une approche instrumentale de la culture d’entreprise
2.7.8 L’incohérence de la culture d’entreprise fonctionnelle
2.7.9 La culture d’entreprise gouvernée par sa dimension identitaire
2.8.0 Un management en équilibre entre fonctionnalité et identité
Troisième partie : Le développement du tourisme sportif entre technicité et authenticité
8° chapitre : La dimension professionnaliste de la culture d’entreprise en France
3.8 Les similitudes de la communication interne de 6 firmes françaises
3.8.1 Le premier cas des établissements papetiers Canson-Guarro
3.8.2 Le second cas des industries de construction automobile Renault
3.8.3 La troisième étude de cas du quotidien de presse Ouest-France
3.8.4 La quatrième étude de cas de la compagnie E.D.F.-G.D.F. Services
3.8.5 La cinquième étude de cas de l’entreprise de transport publique R.A.T.P.
3.8.6 La sixième étude de cas de la compagnie New Sulzer France
3.8.7 L’existence d’un lien entre évolution organisationnelle et quête identitaire
9° chapitre : Le particularisme identitaire des loisirs et du tourisme sportif
3.9 L’exploration du processus identitaire par l’enquête
3.9.1 L’élaboration du protocole d’enquête par entretien
3.9.2 Le recueil des avis sur l’organisation de l’offre ludosportive
3.9.3 Les entretiens de moyenne durée, effectués sur les lieux de travail
3.9.4 L’analyse thématique du contenu des entretiens de moyenne durée
3.9.5 Les entretiens de courte durée, effectués en forum
3.9.6 L’analyse du contenu des entretiens de courte durée
3.9.7 Les entretiens de longue durée, effectué en séminaire
10° chapitre : Une profession entre vocation sportive et réalisme professionnel
3.10 La construction identitaire du tourisme sportif
3.10.1 La dimension de l’organisation influence l’identité
3.10.2 Les modalités structurelles intègrent la construction identitaire
3.10.3 L’autonomie des acteurs renforce la construction identitaire
3.10.4 Les liens hiérarchiques souples de l’organisation sportive
3.10.5 L’accompagnement juridique de la construction de l’identité
3.10.6 L’identité contrarie la représentation marchande du sport
3.10.7 La description de l’identité des organisations du tourisme sportif
3.10.8 L’identité au cœur de la stratégie du tourisme sportif
Conclusion