lundi 15 février 2010

Mali-Algérie-France : Marchandage triangulaire autour d’un otage

Abdou ZOURE-Le Pays-15-02-10
Mali-Algérie-France : Marchandage triangulaire autour d’un otage
lundi 15 février 2010
Il n’y a pas de doute. Le Mali est entre le marteau de la France et l’enclume de l’Algérie. Et c’est son grand espace territorial, qu’il n’arrive pas à bien couvrir sécuritairement, qui l’a mis dans cette inconfortable situation. En effet, le grand désert malien est un nid douillet pour les terroristes qui y viennent cacher quasi impunément le fruit de leur chasse : les otages. Et celui français, Pierre Camatte, donne présentement des migraines à Bamako. Doit-il céder au chantage de l’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) et libérer les terroristes qu’il a dans ses geôles ? Assurément, les conséquences seraient joyeuses pour Nicolas Sarkosy qui ne manquera pas alors d’entonner le chant de l’orgueil et de la bravoure.

A contrario, le revers de la médaille ne serait pas très réjouissant pour le Mali. En plus de perdre un excellent moyen de pression sur l’AQMI en échangeant les terroristes contre le Français, le froid qui plane sur ses relations avec Alger risque de s’intensifier.

En effet, ces terroristes relâchés reviendraient assurément vers Alger et ce ne serait pas très bon pour la santé du système sécuritaire de ce dernier. Cependant, ces relations se consolideraient si le Mali, en plus de garder les terroristes, les extradait en Algérie, exauçant ainsi le voeu des Algériens. Ces derniers auront alors à leur disposition une monnaie d’échange à utiliser pour mettre la pression sur la France, si besoin est. En somme, Pierre Camatte ressemble ainsi à un mouton sur lequel les trois pays marchandent à coup d’enchères et de surenchères. Mais la position sur laquelle ATT (Amadou Toumani Touré) est campé, à savoir qu’il n’est pas question de libérer les terroristes, semble ferme. Le président malien ne veut sans doute plus se laisser marcher sur les pieds. Déjà, Alger l’accusait de mollesse dans la lutte contre le terrorisme dans la zone. Si, en plus, il cédait au souhait de la France, cela ne manquerait pas de laisser entendre qu’il a fait montre d’un manque de souveraineté ou de dignité. En tout cas, la position du Mali ne fait que mettre la vie du Français en danger. Et si ce dernier venait à être exécuté, les sourires entre Bamako et Paris risquent à l’avenir d’être crispés.

Mais le Mali pourra-t-il seulement tenir longtemps dans sa fermeté ? Surtout avec le déplacement à Bamako du Secrétaire général de l’Élysée en personne, Claude Gueant, le second de Nicolas Sarkosy. On reconnaît à la France le mérite de lutter pour sauver la vie de son ressortissant. Mais on comprend également que le Mali est en train de lutter, lui, pour préserver la sécurité de toute une région, habitée de millions de vies sur la sérénité desquelles menace de tomber la grêle meurtrière des attaques de l’AQMI. Faut-il privilégier la vie du Français, libérer les terroristes, quitte à livrer ces populations à la rage de ces derniers ? En tout cas, le temps court. La date du 20 février arrive à grands pas. Que faut-il faire ? Mettre en place une opération commando qui jouerait à quitte ou double ? Ou faut-il compter sur la force de persuasion d’un super médiateur ? En l’occurrence, il n’est pas trop osé d’avancer que le président burkinabè soit sollicité par la France. Il allie l’expertise, l’expérience à l’amitié qu’il entretient à la fois avec le Mali, l’Algérie, la France et le monde musulman. Une action discrète de sa part pourrait dénouer la situation. Mais peu importe la solution utilisée. Il suffit qu’elle envoie, au final, de bons signaux.

Par Abdou ZOURE

Le Pays

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