dimanche 7 décembre 2014

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Afrique: Pourquoi l’alternance démocratique a du mal à se concrétiser?

Mis en ligne par La Rédaction Samedi 6 déc 2014


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Par Noël Kodia publié en collaboration avec Libre Afrique
En voulant modifier la constitution de son pays pour se maintenir au pouvoir, le président Blaise Compaoré s’est confronté à un soulèvement populaire qui l’a contraint à quitter le pouvoir. Si le Burkina Faso est sur la bonne voie, d’autres pays africains, malheureusement, n’ont pas encore pu goûter aux bienfaits de l’alternance démocratique. Pourquoi celle-ci a du mal à prendre racine en Afrique ?
Deux causes essentielles pourraient se dégager quand on étudie l’histoire sociopolitique du continent qui n’est plus la même avant et après la colonisation.
Le découpage à l’équerre du continent consécutif à la Conférence de Berlin de 1885 a donné naissance à des Etats interethniques où cohabitent majorités et minorités n’ayant pas le même fondement social et sociétal. Ce découpage est source de division ethnique et raciale. On voit par exemple comment les Kongos en Afrique centrale, formant l’entité de l’ancien royaume kongo avec une organisation policée, se retrouvent éparpillés dans trois États limitrophes (Congo, RD Congo et Angola) pour cohabiter avec d’autres peuples et d’autres races. Ce découpage devient source de tension et de conflits à cause des nouvelles frontières aléatoires, ce qui rend l’acceptation de l’autre plus difficile. Un même peuple pouvant se retrouver à cheval sur des frontières héritées de la Conférence de Berlin. Dans ces nouveaux États créés artificiellement, les autochtones n’acceptent pas d’être commandés par les « nouveaux arrivés » qu’ils considèrent comme des étrangers et vice versa.
Quand on y a imposé la démocratie pluraliste, s’est réveillée la conscience tribale et ethnique souvent « soutenue » par la complicité des Occidentaux. Ceux-ci pratiquent la politique de « diviser pour régner » en complicité avec les dictateurs qui veulent se pérenniser au pouvoir tout en sauvegardant les intérêts économiques et géostratégiques des Occidentaux. Aujourd’hui, force est de constater par exemple, que les peuples du sud Mali comme les Bambaras, les Malinkés et autres n’arrivent pas à s’entendre avec les Touaregs du Nord qui luttent pour la libération de l’Azawad. Pour des raisons géostratégiques, l’Occident est obligé de faire respecter les frontières définies par la Conférence de Berlin pour garder la main mise sur les richesses des ex-colonies. Malgré la démocratie pluraliste qu’ils veulent imposer aux Africains, les Occidentaux soutiennent les dictateurs africains quand ceux-ci préservent leurs intérêts. Ils ont, à cette occasion, le privilège d’avoir accès aux matières premières et à l’énergie ; à cela s’ajoutent les contrats militaires mirobolants et certains avantages dans commandes et marchés publics. On l’a constaté au Tchad et au Mali où le président Hollande est intervenu militairement pour protéger les mines d’uranium au Niger, frontalières au Mali. Cette situation encourage les dictateurs à ignorer l’alternance démocratique puisqu’ils sont protégés par la bénédiction des Occidentaux. Certains dictateurs du golf de Guinée se pérennisent au pouvoir en tripatouillant les élections et en voulant modifier leur constitution sans être inquiétés par les Occidentaux qui exploitent outrancièrement leur pétrole. Mais, à ces causes exogènes qui expliquent les difficultés de concrétiser l’alternance politique en Afrique, peuvent s’ajouter celles qui prennent naissance au sein même de la structure sociale du continent.
Ainsi, l’Afrique souffre d’un manque de culture et de maturité politiques. Car une fois au pouvoir dans des conditions souvent peu démocratiques, le dirigeant africain se montre possessif en pratiquant souvent le tribalisme et le népotisme pour se pérenniser au pouvoir. L’armée et l’appareil de l’Etat sont au service de la classe politique dirigeante pour s’enrichir et se maintenir à vie au pouvoir. En outre, on constate la défaillance des partis politiques en Afrique qui n’arrivent pas à inculquer à leurs membres le respect des valeurs démocratiques. Et malgré la démocratie pluripartite, les ethnies minoritaires, quand elles accèdent au pouvoir (souvent par force), bafouent les valeurs démocratiques pour éviter l’alternance comme on le constate au Rwanda où la majorité hutu est écrasée par la minorité tutsi.
Les partis politiques et les élections se fondent majoritairement sur l’ethnicité. On remarque aussi au niveau des partis politiques le non respect des valeurs démocratiques. Souvent il y a dysfonctionnement des institutions qui organisent le jeu politique pour saboter l’alternance. On pratique la corruption des électeurs et des commissions électorales ainsi que l’appareil judiciaire pour gagner les élections. On tente de modifier la constitution pour se pérenniser au pouvoir comme l’a voulu faire le président Compaoré. Mais comment faire pour que l’alternance politique n’ait plus de difficultés à se concrétiser sur le continent ?
Il faut restreindre les pouvoirs des présidents qui apparaissent comme des monarques et qui se croient inamovibles car pratiquant le tribalisme, le népotisme, la corruption et la concussion pour se maintenir au pouvoir. Le pouvoir ne devrait pas paraître héréditaire comme l’a montré le Gabon, le Togo et la RD Congo : Ali Bongo, Faure Gnassigbé et Joseph Kabila ont remplacé leur père sans le consentement de leur peuple. Et ces situations politiques qui empêchent l’alternance sont en général provoquées par la faiblesse des institutions politiques : régime présidentiel, constitutions fragiles, assemblée pratiquement monolithique sans contrepoids solides.
Les impératifs de la démocratie pluraliste exigent une culture de l’alternance politique qui devrait se fonder sur l’indépendance de la justice, la liberté, l’égalité devant la loi, la règle de la majorité et la consultation du peuple par voie électorale comme dans les démocraties occidentales. A la nouvelle génération africaine de provoquer le changement de mentalités. Aux politiques qui ne veulent pas de l’alternance au pouvoir de savoir que la jeunesse africaine est en train d’émerger comme un sérieux contrepoids pour se dresser contre leurs caprices. La jeunesse burkinabé l’a démontré.
Noël Kodia, analyste pour Libre Afrique – Le 5 décembre 2014
Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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1 commentaires
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  1. dabakala6 décembre 2014 à 13:24 -
    « La jeunesse burkinabé l’a démontré »
    Non.
    Elle a juste montré qu’elle peut être une puissance pour renverser un pouvoir, quand elle est poussée a bout et qu’elle est prête a perdre des plumes.
    Mais pas plus !!
    Le système dont elle hérite au Burkina Faso ne représente pas ses aspirations et comme avant COMPAORE, la peur se réinstalle et personne n’aura le pouvoir d’affronter de nouveau les armes de ceux qui dirigent actuellement et qui ont fleuri sous COMPAORE !!
    Les révolutions et insurrections populaires n’auront pas toujours la chance de s’imposer, surtout quand les régent les redoutent et anticipent intelligemment !
    La suite !!
  2. la conscience ivoirienne6 décembre 2014 à 16:16 -
    Pauvres burkinabes!Priez pour ne pas regretter vos actes en chassant le Pr Blaise.
    Les militaires sont généralement très opportunistes.
    A bon entendeur salut……!

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Pourquoi la France a besoin de l’Algérie


La visite à Paris du Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, intervient trois semaines après l’inauguration d’une usine Renault à Oran. Mais contrairement aux idées reçues, la France a bien plus besoin de l’Algérie que l’inverse. Article de Sarah Diffalah. Après des années de relations extrêmement tendues, Alger et Paris reconnaissent désormais qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Ou plutôt, que la France a de plus en plus besoin de l’Algérie. Et ce, pour plusieurs raisons.
1. L’Algérie, incontournable dans la lutte antiterroriste C’est la menace djihadiste dans le Sahel qui est a l’origine d’un changement de donne dans les relations franco-algériennes : la vigueur de la coopération militaire est, depuis plus d’un an, inédite. D’habitude si prompt à se ranger derrière son sacro-saint principe de non-ingérence, l’Algérie ne se croise plus les bras devant la menace terroriste au Sahel. [...]
Francois Hollande et le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, à l'Elysée le 4 décembre 2014. (AFP/ PATRICK KOVARIK)
2. Un rôle de médiateur avec les Touaregs maliens Il y a un autre domaine dans lequel la France attend beaucoup de l’Algérie, malgré un jeu trouble qui parfois déstabilise les diplomates français : les négociations de paix entre les populations touarègues du nord du Mali et Bamako. L’Algérie est le médiateur classique, traditionnel entre les Touaregs et le pouvoir malien. [...]
3. Un marché économique porteur Dans une Europe en crise, la France a besoin de marchés porteurs, et l’Algérie en fait partie. Détrôné par la Chine, Paris aimerait retrouver sa place de premier fournisseur d’un pays qui a un potentiel économique énorme.
Entre 2010 et 2013, 230 milliards de dollars ont été dépensés pour construire des logements, des routes, des voies ferrées, des hôpitaux…
Bouygues, Accor, Lafarge, Renault, Sanofi, Alstom, toutes les grandes entreprises françaises veulent désormais en être, après s’est frottées pendant des années à la rudesse d’une économie algérienne largement administrée par un Etat refroidissant plus d’une ambition.
Sarah Diffalah
Source: 
Le Nouvel Observateur
Date: 
2014-12-05
Thématiques: 
       
 
 

Commentaires

Le Pouvoir militaire est soutenu par la France
Le Pouvoir militaire a besoin de la " caution politique " de l’Hexagone, mais en complément du " soutien diplomatico-stratégique " du Grand gendarme américain ( qui a pris son Grand morceau au Sahara) : la Junte d’Alger est dans " l’orbite américaine " depuis 2001, se présentant comme un partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme.....que le DRS pratique, manipule et déplace là où il veut (Mitidja, Kabylie, Mzab, Paris-attentats de 95-, etc.) !...En échange, les Généraux, qui sont les vrais détenteurs de la réalité du pouvoir , concèdent des contrats importants en Algérie, et apportent un soutien financier conséquent aux hommes et femmes politiques français, partis, fondations, associations, parlementaires, maitres-espions, médias et autres groupes de pression qui organisent le soutien au Régime dictatorial, observent le silence sur les exactions massives contre les Droits humains, les massacres et assassinats, même ceux dirigés contre des français, comme les Moines et autres....
Il y’a donc désintérêts mutuels, les Généraux sont corrompus et la Classe politique française aussi, secouée en permanence par les scandales (Abus divers, malversations, luxe et extase, maitresses et putes, grosses voitures et demeures somptueuses, etc.). Les Généraux accaparent les richesses du pays et en usent à leur guise, et possèdent des fonds gigantesques en France (Hôtels, Restaurants, Sociétés, PMU, Immobilier, Import-Export, Réseaux de prostitution et de drogue......tout ce qui rapporte gros, de quoi payer leurs " amis " français.....qui se taisent tant qu’ils en reçoivent !).
Entre Alger et Paris, il n’y a pas de " coopération ", c’est un chemin de " non droit " qui repose sur trois axes : 1- la " pratique permanente de la raison d’Etat, 2-la phobie des " boat peoples" en cas de crise grave en Alkhérie, et (3) les " liaisons dangereuses " (crimes, trafics, donnant-donnant, deals, etc., etc.). En France, Droite et Gauche sont les même face à l’autre, à autrui, ont la même politique étrangère. La France n’a pas d’amis, elle ne connaît que ses intérêts , disait le Général......
Voilà comment les " Généraux " parviennent à faire perdurer " la caution politique " de l’Hexagone qui, en soutenant un Pouvoir dictatorial " militaire et mafieux " ( double nature ), tueur et destructeur, corrompu et corrupteur, provocateur et manipulateur, assume " la vengeance posthume du colonialisme " : ce qui n’a pas été détruit par le passé est en train d’être achevé au présent, et de surcroit par des mains d’indigènes, celles de Généraux sanguinaires et prédateurs au pouvoir.....soutenus par De Gaulle dès 62 ( dans ses " Mémoires ", le Général Buis avait corroboré les allégations du Commandant L. Bourga selon qui les troupes de " l’Armée des frontières et des Officiers de l’Armée française " avaient été ravitaillées par Paris, se vengeant ainsi contre le GPRA qui avait décroché la " victoire politique, en dépit de la " défaite militaire ".....).
La " caution politique " de la France, le soutien stratégique et diplomatique du Grand Gendarme américain , les milliards du pétrole et du gaz, l’opposition neutralisée ( tous les partis sont foutus), la population traumatisée.....( ainsi) la Dictature militaire continue !
BURKINA FASO BLAISE COMPAORÉ MICHEL KAFANDO 

Burkina Faso: l’ADF-RDA demande pardon aux Burkinabè

mediaManifestation pro-démocratie le 2 novembre 2014 à Ouagadougou, Place de la Nation.REUTERS/Joe Penney
L’Alliance pour la Démocratie et la Fédération - Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA) sort de son silence depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre dernier. Les responsables du parti ont demandé pardon aux jeunes, aux Burkinabè et à leurs militants pour l’erreur commise en soutenant le projet de modification de la Constitution, qui aboutit à la chute du régime Compaoré, fin octobre.
C’est véritablement une opération repentance, un appel au pardon qu’ont lancé les responsables de l’ADF-RDA. « C’est une conférence de pardon et de réconciliation entre l’ADF-RDA et l’ensemble des Burkinabè », a d’ailleurs déclaré en ouverture Mamadou Diao Koné, le premier vice-président du parti.
Le choix de l’ADF-RDA de soutenir l’ancien parti au pouvoir dans son projet de modification constitutionnelle avait ravivé la colère des Burkinabè. Nombreux observateurs et analystes estimaient qu’un refus du parti aurait évité cette crise.  
Et « en décidant finalement de soutenir le projet de modification de l’article 37 de la Constitution, l’ADF-RDA a commis une erreur politique », a reconnu Mathieu Hien président des cadres libéraux du parti de l’Eléphant.
« Disponibilité »
En toute humilité et tant qu’acteur de la vie politique nationale, le parti reconnait et assume sa part de  responsabilité dans la situation ayant conduit à l’insurrection populaire. L’ADF-RDA présente donc « ses sincères excuses à tous les jeunes du Burkina Faso », selon Mathieu Hien le président des cadres libéraux du parti, et leur adresse ce message : « Vous avez fait preuve de maturité et de responsabilité en démontrant que l’avenir de ce pays est entre vos mains. »
Selon les responsables de l’ADF-RDA, cette rencontre se veut une main tendue à tous les Burkinabè et à tous les démocrates. En outre, dans le cadre du processus de transition, le parti souhaite apporter sa contribution à l’œuvre entreprise par le président Michel Kafando et son équipe.
« Nous réaffirmons notre disponibilité à œuvrer aux côtés des organes de la transition et de tous nos frères burkinabè civils et militaires pour l’approfondissement de notre processus démocratique », a fait savoir Mamadou Diao Koné, le premier vice-président, l’ADF-RDA.
A (re)lire :
 

CANADAHAÏTIFRANCEFRANCOPHONIE

Michaëlle Jean ou « la Francophonie des possibles»

mediaMichaëlle Jean succède à Abdou Diouf à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie.michaellejean.ca
Fille d’un opposant politique haïtien réfugié au Québec, la nouvelle secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a connu l’exil, la privation avant de s'imposer dans son pays d'adoption en tant que journaliste vedette et femme politique de premier plan. C’est le président français François Hollande qui a attiré l'attention de ses pairs francophones sur les qualités de sa candidature, après avoir proposé le poste à Blaise Compaoré, qui l’avait refusé peu avant sa destitution. Avec Michaëlle Jean, c’est une figure aux antipodes de celle de l'ancien homme fort de Ouagadougou qui accède aux manettes de la Francophonie institutionnelle.
« Je mesure la tâche qui m’attend et je veillerai à prendre grand soin de l’héritage que nous lègue le président Diouf. J’entends répondre aux besoins et aux attentes des Etats et gouvernements membres de l’OIF tout en donnant une nouvelle impulsion à la Francophonie…» C’est avec ces mots que la Canadienne Michaëlle Jean a accueilli, le 30 novembre, l’annonce de sa nomination à la tête de la Francophonie. Poste prestigieux que la candidate d’Ottawa et de Montréal a remporté de haute lutte, bataillant ferme contre ses concurrents et plaidant pour une « francophonie moderne et tournée vers l’avenir ». La nouvelle élue, 57 ans, d’origine haïtienne, incarnera désormais la voix et le visage de la Francophonie.
Règle non écrite
C’est une grande première pour cette organisation francophone qui n’a connu au cours de ses quarante-quatre années d’existence que des « pères fondateurs » et n’a eu aux manettes que des patriarches et jamais de femme. La nomination d’une femme, ressortissante d’un pays du Nord de surcroît, contrevient aussi à la règle non écrite que le secrétaire général de l’OIF doit être un Africain. D’aucuns diront que c’est une « chasse gardée » africaine !
Michaëlle Jean n’en a cure. N’a-t-elle pas été la première journaliste noire à la télévision publique canadienne ? Etre noire et issue de la minorité ne l’a pas empêchée d’occuper des fonctions de premier plan dans son pays. C’est une accoutumée des terrains interdits, habituée aussi à repousser les murs des structures mentales que nous nous imposons. Bardée de diplômes, polyglotte (elle parle couramment cinq langues), militante féministe, journaliste et universitaire, Mme Jean a toujours su s’élever au-dessus des clichés de la race et du genre, s’imposant par sa vaste culture et son autorité naturelle de femme de conviction.
L'intérêt de la Canadienne pour la francophonie ne date pas d’hier. Née en Haïti et ayant grandi au Québec, elle a baigné dans la langue française depuis sa plus petite enfance. Nièce du poète-romancier haïtien René Depestre, elle cite ses poèmes de mémoire et voue une admiration sans bornes à Aimé Césaire. « Je suis du Nord et du Sud. Mes ancêtres africains sont " véritablement les fils aînés du monde " », aime-t-elle répéter citant le poète martiniquais.
Elle s’est frottée aussi à la Francophonie institutionnelle, notamment lorsqu’en 2012 Abdou Diouf l’a nommée « grand témoin » pour les Jeux olympiques et paralympiques de Londres, avec pour mission de promouvoir la langue française dans les manifestations sportives internationales. Son arrivée aujourd’hui à la tête de l’OIF est aussi la conséquence logique de la campagne très active qu’elle a menée pour expliquer sa vision de ce qu’elle appelle « la Francophonie des possibles ». Sa jeunesse, son énergie ne sont peut-être pas étrangères au consensus qui s’est dégagé autour de sa personne au Sommet de la Francophonie de Dakar (du 29 au 30 novembre) où les chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’OIF étaient appelés à choisir le successeur d’Abdou Diouf.
Différences
Un monde de différences sépare toutefois Michaëlle Jean de celui qu’elle remplacera à partir du 1er janvier prochain au 19-21 avenue Bosquet, siège de l’OIF à Paris. L’un est Africain, parfaitement rôdé dans l'art du déchiffrement de la diplomatie complexe du continent noir, qui est en train de s’imposer, la démographie aidant, comme le cœur de l’espace francophone. L’autre est Canadienne, pétrie de l’ethos nord-américain.
En 1968, lorsque la jeune Michaëlle n’avait que 11 ans, la famille Jean a fui Haïti pour se réfugier au Québec, échappant au régime dictatorial des Duvalier. Son père, directeur d’école, avait été arrêté et torturé par les Tontons macoutes pour avoir contesté la politique du gouvernement. Il est sorti de prison, défiguré, ses vêtements maculés du sang de son compagnon de cellule mort en détention.
L’exil va se révéler être une chance pour la famille Jean. Elle se plaît dans la Belle Province où les enfants peuvent poursuivre leurs études avec succès. La maîtrise en poche, la jeune Michaëlle Jean s’est lancée dans une brillante carrière de journaliste à la télévision publique canadienne, avant d’être nommée en 2005 par le Premier ministre de l’époque 27e gouverneure générale du Canada, représentante de la reine Elisabeth, chef d’Etat en titre.
Le gouvernorat général est un poste largement honorifique et protocolaire, mais il a permis à celle que ses concitoyens appelaient affectueusement la « Petite Reine » de parcourir, en sa qualité de chef de l’Etat et commandant en chef de l’Armée, une quarantaine de pays étrangers, et surtout de découvrir l’Afrique. Plus tard, devenue, au terme de son mandat de gouverneure générale, chancelière de l’université d’Ottawa, elle a mis en place une politique de coopération éducative très active avec les universités africaines. Elle a aussi été envoyée spéciale de l'Unesco en Haïti afin de superviser la reconstruction  du pays après le séisme dévastateur de 2010.
Fille d’Afrique
Selon les proches de Michaëlle Jean, plus qu’une ambition personnelle, c’est la découverte de l’Afrique qui expliquerait la venue à la Francophonie de la Canado-Haïtienne qui aime se définir comme « arrière-arrière-arrière-petite-fille d’esclaves ». Elle a souvent déclaré combien elle est toujours émue d’être reçue pendant ses déplacements sur le continent « comme une sœur, comme une fille d’Afrique ». Alors, elle s’est lancée dans la campagne, sans toutefois oublier que sa connaissance de l’Afrique politique demeurait déficitaire, notamment par rapport à ses quatre concurrents (le Congolais Henri Lopes, le Burundais Pierre Buyoya, le Mauricien Jean-Claude de L’Estrac et l’Equato-Guinéen Agustin Nze Nfumu). Pour combler ses lacunes, elle a fait campagne tambour-battant, au cours des six derniers mois, dans tous les pays africains qui comptent, rencontrant les chefs d’Etat, mais aussi la société civile.
Ses visites à travers l’Afrique mais aussi sur les autres continents où le français reste encore vivace, permettront à la candidate de peaufiner son projet pour la Francophonie. C’est un projet axé sur le développement économique et sur l’éducation comme « arme de construction massive ». L’ambition de Michaëlle Jean est aussi de donner la parole aux femmes et la jeunesse, comme elle le fait déjà au sein de la fondation qu’elle a créée avec son mari d'origine française, il y a trois ans, pour aider les jeunes en difficulté à travers des programmes axés sur l’art et la culture. Elle pourra étendre cette expérience à l’ensemble de l’espace francophone dont elle a désormais la destinée entre ses mains, au moins pendant les quatre prochaines années.
Pour autant, le « Petite Reine » aurait tort de faire la fière. Ce n’est apparemment pas le genre. La légende veut que, lorsqu’en 2005, le Premier ministre canadien Paul Martin est venu lui proposer le poste de gouverneur général, Michaëlle Jean était en train de préparer sa nouvelle saison pour la télévision publique où elle officiait depuis plus de dix-huit ans. Elle était flattée, mais pour ne pas avoir la grosse tête, elle s’est mise à noter sur une feuille de papier la liste de noms de personnes qu’elle pensait capables tout autant qu’elle pour occuper ces fonctions. « Puis j’ai réfléchi, a-t-elle expliqué dans une récente interview.Pourquoi pas moi, en effet ? » 
L’histoire ne dit pas quelle fut sa réaction dimanche dernier en apprenant sa nomination à la tête de la Francophonie. Elle s'était peut-être retirée pour établir la liste d'autres secrétaires généraux possibles, avant d'aller se joindre sagement à la fête organisée par son équipe de campagne.  En effet, pourquoi pas elle ?
 
Michaëlle Jean en 5 dates :

1957 : naissance à Port-au-Prince en Haïti.
1968 : départ en exil et installation au Québec.
1988 : début de sa carrière comme journaliste à Radio-Canada.
2005 : inauguration du mandat de la 27e gouverneure générale du Canada.
2014 : élection au poste de secrétaire générale de l’OIF.