jeudi 18 décembre 2014

URGENT

Mali: le chef traditionnel des Ifoghas, Intallah ag Attaher, est décédé ce soir à Kidal à l’âge de 87 ans

L'amenokal, le chef traditionnel des Ifoghas, Intallah ag Attaher 87 ans, est décédé à Kidal dans le nord du Mali. Il était souffrant depuis une semaine. La nouvelle est confirmée jeudi soir à RFI par son fils et par des notables de Kidal. Il fut une figure respectée et écoutée du monde touareg jusqu'à ces derniers jours.

MESSAGE A LA NATION DE S.E.M. MAHAMADOU ISSOUFOU, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, CHEF DE L’ETAT, A L’OCCASION DU 56ème ANNIVERSAIRE DE LA REPUBLIQUE

Aboubacar Yacouba Barma a ajouté 3 nouvelles photos.

NIGERIENS, NIGERIENNES,
MES CHERS CONCITOYENS,
Je suis heureux, en cette veille du 56ème anniversaire de la République, de dire qu’il sera, désormais, ajouté dans les statistiques économiques du Niger, aux côtés notamment des infrastructures routières et énergétiques, une ligne relative au réseau ferroviaire. Notre pays est, on s’en souvient, le seul de notre sous-région à n’en avoir pas hérité au moment de son indépendance.
Un des facteurs de la première révolution industrielle, celle des machines textiles, de la sidérurgie au coke et de la machine à vapeur, le chemin de fer, développé en Europe entre 1830-1840, permet à lui seul de mesurer l’ampleur de notre retard par rapport aux sociétés développées : presque deux siècles. Je me suis engagé à combler ce retard et je me réjouis de ce que, en dépit des difficultés rencontrées, l’engagement de notre partenaire stratégique en vue de la réalisation de la boucle ferroviaire, j’ai nommé l’entreprise Bolloré, ne faiblit pas. Je le félicite et l’encourage. Certes, j’avais souhaité que la ligne ferroviaire Niamey-Dosso soit inaugurée le 18 Décembre mais, après avoir attendu l’arrivée du train pendant 80 ans, nous pouvons avoir la patience de l’attendre encore quelques mois de plus.
Oui, le train nous donne la mesure du retard enregistré dans nos efforts de développement mais, malheureusement, ce retard n’est rien à côté de celui que nous enregistrons dans d’autres secteurs. Il est encore plus prononcés si on tient compte des progrès réalisés par l’humanité suite à la deuxième révolution industrielle, celle du pétrole et de l’électricité, puis suite à la troisième révolution industrielle en cours, celle des nouvelles technologies de l’information, notamment internet.
En effet, des drones et des satellites tournent au-dessus de nos têtes pendant que nos paysans travaillent péniblement la terre à la houe et à la hilaire. L’homme a fait ses premiers pas sur la lune depuis une cinquantaine d’années, alors qu’aujourd’hui encore certains de nos concitoyens n’ont pas accès à l’alimentation, à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé. Des sondes, porteuses d’un message symbolique de l’humanité, lancées depuis une quarantaine d’années, sont aujourd’hui au-delà du système solaire, dans l’espace interstellaire, alors que le taux d’alphabétisation dans notre pays est à peine de 30%.
Mes chers Concitoyens,
Le 31 Décembre et le 07 Avril prochains, à l’occasion respectivement des vœux du nouvel an et du quatrième anniversaire de mon accession à la magistrature suprême, je ferai respectivement, plaise à Dieu, le bilan chiffré de l’année 2014 et celui de quatre années de mise en œuvre du Programme de Renaissance. A ces occasions je reviendrai, dans les détails, sur les grandes priorités du Programme de Renaissance, c'est-à-dire sur les questions institutionnelles et sécuritaires, sur les infrastructures, sur l’initiative 3N, sur les secteurs de l’éducation, de la culture, de la santé, de l’eau, de l’assainissement et de l’emploi.De ces bilans, je peux d’ores et déjà l’affirmer, il apparaîtra qu’il y a un secteur où les efforts du Gouvernement doivent se concentrer davantage si nous voulons avancer plus rapidement sur la voie du progrès et réduire le fossé abyssal qui nous sépare des pays développés : le secteur culturel. En effet, les différentes révolutions industrielles, que le monde a connues jusqu’ici, sont nées d’évolutions culturelles et institutionnelles qui les ont portées. Le comportement des hommes et leurs valeurs culturelles ont été le moteur de ces révolutions. Or, si sur le plan institutionnel des progrès notables ont été enregistrés avec la vitalité démocratique que connaît notre pays, sur le plan culturel, par contre, celui-ci s’enfonce dans une situation d’arriération prononcée comme l’illustrent le recul de l’éthique du travail notamment dans la fonction publique, le développement d’une mentalité d’assisté, notre rapport avec le temps, notre comportement par rapport aux biens publics, aux questions démographiques et à l’école particulièrement s’agissant de la scolarisation des filles. Pour surmonter ces obstacles il faut, sans tarder, créer les conditions d’une profonde rupture et d’une renaissance culturelles qui passent par une révision de certaines de nos valeurs sociales.
Mes chers Concitoyens,
La mentalité dominante dans notre pays est celle d’une société d’autoconsommation, d’une société de subsistance. Cette mentalité ne correspond pas au stade de développement auquel noussouhaitons hisser notre pays, celui d’une économie marchande en voie de développement, celui d’un pays à revenus intermédiaires, voire d’une économie émergente.
Cela se voit dans notre rapport à l’assistanat et à la solidarité, qu’ils soient le fait de la cellule familiale ou de l’Etat. Ainsi, alors que dans les économies développées l’assistanat, notamment la charité, est vécu comme une humiliation par le bénéficiaire, dans notre société il est considéré comme un dû. Ainsi en est-il de la solidarité : preuve du visage humain hérité des sociétés traditionnelles, elle devient un frein au progrès si elle est perçue comme une rente viagère qui dispense de vivre à la sueur de son front.
Cela se voit, également, dans notre rapport au travail. C’est bien connu, dans les sociétés développées, le travail est perçu comme une des conditions de la liberté. Il yest perçu, non seulement comme un droit, mais surtout comme un devoir, comme une voie de salut.Dans ces sociétés, c’est par le travail que l’homme s’accomplit, s’anoblit, assure sa dignité et devient responsable. C’est pourquoi quand on a la chance d’y avoir un emploi on fait tout pour mériter de le conserver et quand on n’en a pas on fait tout pour en trouver. Par contre, dans notre société on constate un comportement inverse :complaisance dans l’oisiveté d’un côté, absentéisme, manque de conscience professionnellede l’autre. Ainsi beaucoup de nos compatriotes sans emploi ne se considèrent pas comme des chômeurs et vivent comme si leur situation est normale car la notion de chômage n’existe pas dans les sociétés de subsistance.
Il revient au Gouvernement de poursuivre et de renforcer les actions déjà engagées afin de créer les conditions d’une rupture totale d’avec les comportements propres aux sociétés d’autoconsommation. Le Gouvernement doit amener nos compatriotes à tourner le dos à l’assistanat, à la charité et au parasitisme. Il doit créer les conditions d’une rupture d’avec la mentalité d’assisté sous toutes ses formes. Il doit continuer à insuffler à nos compatriotes une volonté de combattre l’oisiveté.Il doit leur insuffler l’amour du travail, du travail bien fait. C’est par le travail que les sociétés occidentales se sont développées, ce n’est que par le travail que notre pays atteindra les objectifs du programme de renaissance. D’ailleurs, n’est- ce pas au travail que nous invite notre prophète (paix et salut sur lui), quand, après avoir questionné quelqu’un qui lui demandait de l’argent en aumône, il lui ordonna de vendre la couverture et le récipient à boire qu’il possède, de nourrir sa famille avec une partie du produit de la vente et d’acheter une hache avec la partie restante pour couper et vendre du bois afin de disposer d’un revenu régulier tout en insistant sur le fait que «cela est beaucoup mieux que la mendicité qui va être une marque sur ton visage le jour de la résurrection » ? « Chaque fois qu’un serviteur ouvre une porte de mendicité, Dieu lui ouvre une porte de pauvreté », « parmi les péchés, il en est qui ne peuvent être expiés que par le travail », « la main haute est mieux que la main basse ; la main haute est celle qui donne, la main basse est celle qui reçoit », disait le prophète qui a toujours conseillé aux hommes capables de travailler, de ne pas mendier, afin de préserver leur honneur et leur dignité. Le travail, c’est la rédemption.Le devoir de travailler vient juste après celui de la prière car il est dit dans le coran : « lorsque la prière est achevée, dispersez-vous sur terre, recherchez la grâce d’Allah …. » c'est-à-dire recherchez les moyens de subvenir à vos besoins.C’est l’esprit de l’initiative 3N qui cherche à substituer l’aide à la production à l’aide humanitaire d’urgence. C’est le sens du combat du Gouvernement pour accroître la productivité du travail dans l’administration. Le travail, ne l’oublions jamais, est un acte d’adoration et de combat dans la voie de Dieu. Puisons donc dans nos valeurs islamiques les ressources morales de notre développement comme d’autres l’ont fait, pour citer un exemple, à partir du protestantisme. Il est interdit de rester oisif et de se contenter de dire « mon Dieu donne-moi ». Le ciel ne nous viendra en aide que dans la mesure où nous nous aidons nous-mêmes.Le prophète David n’était-il pas forgeron, le prophète Noé menuisier et le prophète Zacharie charpentier ? Ils ne se sont pas contentés de prier et de dire « dieu donne-moi ». Ils ont à la fois prié et travaillé. C’est dire que nous avons le devoir d’utiliser la raison et l’action pour réaliser nos objectifs de développement. La mystique du travail, tel doit être notre credo. C’est, dit-on, par le travail de ses mains et de son cerveau que l’homme accomplit son destin. C’est par le travail que l’homme se réalise.
Mes chers Concitoyens,
Dans mon discours d’investiture, prononcé le 07 Avril 2011, je disais, en parlant de l’aide que j’attends de vous : « le changement de comportement est la principale aide que j’attends de tous : changement de comportement dans la gestion du temps qui est la ressource la plus gaspillée dans notre pays, changement de comportement par rapport au travail, changement de comportement dans le rapport avec les biens publics, etc…Nous devons lutter contre les forces de l’habitude et faire l’effort de nous changer nous-mêmes…..Dieu a dit : « je ne change pas un peuple tant qu’il ne se change pas lui-même ». Nous devons donc changer nos comportements si nous voulons changer nos conditions de vie. ». Je viens de dire que nous n’avons pas suffisamment progressé dans notre comportement par rapport au travail. Qu’en est-il par rapport au temps et par rapport aux biens publics ? Je disais, dans mon discours d’investiture,que le temps est la ressource que nous gaspillons le plus. « Ayant toujours du mal à entrer dans une culture de production, l’Afrique n’attache aucune valeur au temps. Des comportements irrationnels, laxistes….sont justifiés par une référence à ce qu’il est convenu d’appeler l’heure africaine. ». Cette citation exprime avec d’autres mots ce que j’ai voulu dire. Le Programme de Renaissance comporte des objectifs clairs pour le développement économique et social de notre pays. Or, le temps du développement n’est ni celui de la nonchalance, ni celui de l’immobilisme, ni celui de l’insouciance. Le temps du développement c’est celui de la ponctualité au travail, c’est celui de l’utilisation optimale du temps, c’est celui de zéro instance. Nous sommes loin encore de cette conception du temps. Dans les Ministères les dossiers s’entassent parce que traités avec lenteur et insouciance. Les taux de consommation de crédit sont faibles alors qu’il nous faut davantage d’écoles, de points d’eau, de centres de santé, de routes, de logements sociaux, d’électricité et de produits agro-pastoraux. Notre classement s’est dégradé dans le domaine du climat des affaires parce que nous n’avons pas fait certaines réformes à temps. Nous devons donc changer notre rapport au temps. Il nous faudra engager ici encore une rude bataille culturelle qui, je le sais, sera de longue haleine. Je sais que le Gouvernement s’attèle à remettre les agents de l’Etat au travail. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif de mettre fin à l’absentéisme. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif la ponctualité et au moins huit (08) heures de temps de travail effectif par jour, mais les résultats sont encore faibles. Il doit donc faire davantage pour augmenter la productivité au sein des administrations, pour accélérer notamment la consommation des crédits et le climat des affaires. Le Gouvernement doit, de manière générale concevoir un programme de sensibilisation et d’éducation de masse pour inculquer aux citoyens l’utilisation optimale du temps, pour leur inculquer une culture de développement, une culture deproduction et donc de progrès.
Mes chers Concitoyens,
Notre rapport au travail et notre rapport au temps ne sont pas les seuls sujets de préoccupation dans notre quête de progrès économique et social. Les comportements par rapport aux biens publics, aux questions de transition démographique et à l’école constituent d’autres contraintes. Depuis bientôt quatre (4) ans, le Gouvernement s’efforce d’améliorer la gouvernance politique et économique du pays. En particulier, grâce aux actions de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), notre pays est passé entre 2011 et 2014, du 134ème au 103ème rang dans le classement mondial de l’indice de perception de la corruption publié chaque année par l’ONG Transparency. Nous pouvons donc nous féliciter des progrès relatifs réalisés mais nous ne devons pas nous en contenter. En effet, nous n’avons toujours pas atteint nos objectifs de rétablissement total du monopole fiscal de l’Etat et d’une efficacité optimale de la dépense publique. Le Gouvernement doit redoubler d’effort et ici encore l’obstacle majeur c’est la force de l’habitude, c’est le rapport aux biens publics. Le Gouvernement doit s’attaquer à la conception que notre société a des biens publics, conception selon laquelle ces biens, appartenant à tout le monde, n’appartiennent à personne. La même conception considère qu’il faut se servir au lieu de servir. De cette conception, il découle de graves conséquences : absence du respect des biens publics se traduisant par l’absence de leur entretien, détournement des biens publics, notamment des deniers publics, creusement des inégalités et accroissement de la pauvreté. Le Gouvernement doit donc poursuivre le combat contre la fraude et la corruption dans l’administration fiscale et dans l’attribution des marchés publics. « Que celui d’entre vous qui voit le mal le change de ses mains. S’il ne le peut pas, qu’il le fasse par sa langue et si cela lui est impossible qu’il le fasse dans son cœur, ce qui est le minimum que lui impose la foi », dit le hadith. C’est dire que, au-delà du Gouvernement, c’est la société toute entière qui doit se mobiliser pour faire face au fléau de la corruption. Avec l’installation de la ligne verte, le Gouvernement offre à chaque citoyen la possibilité de participer à ce combat salutaire pour notre développement économique et social.
Mes chers Concitoyens,
La question de la transition démographique fait partie des défis majeurs auxquels est confrontée notre société. J’ai eu, à maintes occasions, à intervenir sur ce sujet brûlant. Face à cette question, on retrouve le même obstacle, celui de la rigidité de nos mentalités, celui de l’ignorance des préceptes religieux. « Vous êtes tous des bergers et tout berger est responsable de son troupeau. ». « Il suffit à l’homme comme péché d’abandonner ceux dont il a la charge. ». C’est en ayant à l’esprit ces hadiths que j’avais déclaré devant les cadres de commandement, à Maradi, en Avril dernier, que nous avons le devoir de procréer avec responsabilité, c'est-à-dire le devoir de faire des enfants que nous pouvons nourrir, éduquer et soigner. Notre pays a le taux de fécondé le plus élevé au monde. Plus grave, une enquête récente révèle que le nombre d’enfants désirés, aussi bien par les femmes que par les hommes, est supérieur au taux de fécondité. Ne nous voilons pas la face, nous devons créer, comme c’est le cas dans beaucoup de pays musulmans, notamment arabes, les conditions de la transition démographique. Notre pays doit chercher à bénéficier du dividende démographique qui est l’union de la transition démographique et du développement durable. Je félicite le Gouvernement, les leaders traditionnels et religieux ainsi que les partenaires au développement pour les efforts consentis dans ce domaine. Je les encourage à poursuivre le combat. En particulier, je les encourage à continuer la sensibilisation contre les mariages précoces et pour le maintien de nos enfants à l’école, notamment les jeunes filles, au moins jusqu’à l’âge de 16 ans conformément aux promesses du Programme de Renaissance.
Mes Chers Concitoyens,
Le Gouvernement, depuis quatre ans, a obtenu beaucoup de succès dans la mise en œuvre du Programme de Renaissance. J’en ferai, comme je l’ai déjà dit, le bilan détaillé à d’autres occasions. Ces succès doivent être amplifiés. Pour y arriver il nous faudra une superstructure culturelle rénovée, un socle culturel assaini, capable de porter nos ambitions. Une rupture mentale s’impose. Je voudrais que le signal de cette rupture parte de la cité des Djermakoye, de Dosso qui accueille cette année la fête tournante de la République, Dosso qui a bénéficié d’investissements importants dans le cadre du programme Dosso Sogha. Ce signal de rupture que j’attends de Dosso, c’est l’entretien et la protection des infrastructures coûteuses réalisées, par le Gouvernement, au bénéfice de sa population. La prochaine fête de la République, je le confirme, se déroulera, plaise à Dieu, à Maradi. Le Gouvernement prendra toutes les dispositions pour que le programme Maradi Koliya démarre sans tarder. Joyeuse fête de la République à toutes et à tous.

JE VOUS REMERCIE!

50 nuances de haine : la réponse de Kamel Daoud, menacé par un appel à la fatwa

Alors qu'un imam salafiste algérien vient d'appeler à le "condamner à mort publiquement", l'auteur de "Meursault, Contre-enquête" a rédigé cette nuit cette chronique.

KAMEL DAOUD est né en 1970 à Mostaganem (Algérie).  (©AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS)KAMEL DAOUD est né en 1970 à Mostaganem (Algérie). (©AFP PHOTO / BERTRAND LANGLOIS)

50 nuances de haine

Question fascinante : d'où vient que certains se sentent menacés dans leur identité, dans leur conviction religieuse, dans leur conception de l'histoire et dans leur mémoire dès que quelqu'un pense autrement qu'eux? La peur d'être dans l'erreur les poussant donc à imposer l'unanimité et combattre la différence? De la fragilité des convictions intimes? De la haine de soi qui passe par la haine de l'Autre? De toute une histoire d'échecs, de frustrations, d'amour sans issue? De la chute de Grenade? De la colonisation? Labyrinthe.
Mais c'est étrange : ceux qui défendent l'islam comme pensée unique le font souvent avec haine et violence. Ceux qui se sentent et se proclament Arabes de souche ont cette tendance à en faire un fanatisme plutôt qu'une identité heureuse ou un choix de racine capable de récoltes. Ceux qui vous parlent de constantes nationales, de nationalisme et de religion sont souvent agressifs, violents, haineux, ternes, infréquentables et myopes: ils ne voient le monde que comme attaques, complots, manipulations et ruses de l'Occident.
Le regard tourné vers ce Nord qui les écrase, les fascine, les rend jaunes de jalousie. Le dos tourné à l'Afrique où l'on meurt quand cela ne les concerne pas: Dieu a créé l'Occident et eux comme couple du monde, le reste c'est des déchets. Il y a des cheikhs et des fatwas pour chaque femme en jupe, mais pas un seul pour nourrir la faim en Somalie. L'abbé Pierre n'est pas un emploi de musulman?
Laissons de côté. Gardons l'œil sur la mécanique: de quoi est-elle le sens? Pourquoi l'identité est morbidité? Pourquoi la mémoire est un hurlement par un conte paisible? Pourquoi la foi est méfiance? Mais que défendent ces gens-là qui vous attaquent chaque fois que vous pensez différemment votre nationalité, votre présent ou vos convictions religieuses? Pourquoi réagissent-ils comme des propriétaires bafoués, des maquereaux? Pourquoi se sentent-ils menacés autant par la voix des autres?
Etrange. C'est que le fanatique n'est même pas capable de voir ce qu'il a sous les yeux: un pays faible, un monde «arabe» pauvre et ruiné, une religion réduite à des rites et des fatwas nécrophages après avoir accouché, autrefois, d'Ibn Arabi et un culte de l'identité qui ressemble à de la jaunisse.
C'est qu'il ne s'agit même pas de distinctions idéologiques, linguistiques ou religieuses: l'imbécile identitaire peut tout aussi être francophone chez nous, arabophone, croyant ou passant. Un ami expliqua au chroniqueur que la version cheikh Chemssou laïc existe aussi: avec la même bêtise, aigreur, imbécillité et ridicule. L'un parle au nom de Dieu, l'autre au nom des années 70 et de sa conscience politique douloureuse et l'autre au nom de la lutte impérialiste démodée ou du berbérisme exclusif.
Passons, revenons à la mécanique: de quoi cela est-il le signe? Du déni: rues sales, immeubles hideux, dinar à genoux, Président malade, une dizaine de migrants tués dans un bus sur la route du rapatriement, dépendance au pétrole et au prêche, niveau scolaire misérable, armée faiblarde du Golfe à l'océan, délinquances et comités de surveillance du croissant, corruption, viols, émeutes.
Rien de tout cela ne gêne. Sauf le genou de la femme, l'avis de Kamel Daoud, le film «l'Oranais», dénoncer la solidarité assise et couchée avec la Palestine, l'Occident en général, le bikini en particulier et l'affirmation que je suis Algérien ou le cas d'Israël comme structure des imaginaires morbides.
Pourquoi cela existe ? Pourquoi l'âme algérienne est-elle encerclée par une meute de chiens aigus et des ogres pulpeux?
Kamel Daoud

Bio express

Né en 1970 à Mostaganem (300 km à l'ouest d'Alger), Kamel Daoud a suivi des études de lettres françaises après un bac en mathématiques. Il est journaliste au «Quotidien d'Oran» où il tient depuis douze ans la chronique la plus lue d'Algérie.
Il est l'auteur de plusieurs récits dont certains ont été réunis dans le recueil «le Minotaure 504» (Sabine Wespieser éditeur, 2011) - initialement paru à Alger sous le titre «la Préface du nègre» (Barzakh, 2008) et distingué par le Prix Mohammed-Dib du meilleur recueil de nouvelles en 2008.
« Meursault, contre-enquête », publié en Algérie par les Editions Barzakh en 2013 et en France par Actes Sud en 2004, est son premier roman. Récompensé par plusieurs prix, dont celui des Cinq Continents, Il a été finaliste du dernier prix Goncourt
Ce mardi 16 décembre, l'imam salafiste Abd El Fattah Hamdache a posté sur sa page Facebook, en arabe, un appel à la fatwa contre lui: "L'écrivain apostat, mécréant, algérien, 'sionisé', criminel insulte Dieu […]. Nous appelons le système algérien à le condamner à mort publiquement." Une pétition a été lancée, en Algérie, pour demander qu'il soit poursuivi en justice
http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20141217.OBS8091/50-nuances-de-haine-la-reponse-de-kamel-daoud-a-la-fatwa-qui-le-vise.html

Libye : Idriss Déby accuse

idriss deby
Le 17 décembre 2014
Ces propos peu diplomatiques ont fait faire la grimace aux représentants de la France présents au Forum.
C’est un assez joli pavé qu’Idriss Déby, président de la République du Tchad, a jeté dans la mare consensuelle du premier Forum international pour la paix et la sécurité en Afrique, réuni à Dakar au début de la semaine.
Le parcours et la personne de M. Déby ne sont certes pas irréprochables. Longtemps compagnon de route du sinistre Hissène Habré, aujourd’hui réfugié au Sénégal et toujours sous la menace d’une éventuelle comparution devant la Cour de justice internationale, Idriss Déby fut de ceux qui, avec le soutien de la Libye de Kadhafi, renversèrent Goukouni Oueddei et mirent la main sur le pays en 1980. Dix ans plus tard, c’est avec l’aide de la France et de la Libye que Déby, après avoir échappé de justesse aux tueurs de Habré, détrôna et remplaça son parrain. Il y a maintenant près de vingt-cinq ans qu’il gouverne le Tchad d’une main de fer, et ce n’est que grâce à l’intervention militaire de la France qui, par deux fois, lui a sauvé la mise et mis en déroute les rebelles, comme lui venus de Libye et comme lui armés et télécommandés par Kadhafi, qu’il règne toujours sur N’Djamena.
Tel quel, Idriss Déby est en première ligne, à nos côtés, dans la guerre qui oppose les gouvernements des pays du Sahel aux différents groupes djihadistes qui ont bien failli instituer un État islamique au Mali il y a près de deux ans, et l’armée tchadienne est la seule force africaine sur laquelle peuvent compter et s’appuyer nos soldats dans ce pays.
C’est donc en homme qui connaît le terrain et le sujet que le président tchadien, devant ses collègues sénégalais, mauritanien, malien, et en présence de notre ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, a dénoncé sans prendre de gants la responsabilité occidentale dans la déstabilisation de la Libye et du Sahel. « C’est l’intervention de l’OTAN et la chute de Kadhafi, a-t-il rappelé, qui sont à l’origine du chaos qui a gagné toute la région. La Libye est devenue l’arsenal où se sont approvisionnés et armés tous les groupes salafistes que nous combattons. L’OTAN a assuré le dépannage mais pas le service après-vente. Or, elle dispose seule des moyens qui lui permettraient de finir le travail. C’est ce que nous attendons d’elle. »
Ces propos peu diplomatiques, mais néanmoins irréfutables et applaudis par le public africain, ont fait faire la grimace aux représentants de la France présents au Forum. Mais ce n’était rien à côté de ce qui suivait.« L’intervention de la France et de la Grande-Bretagne, a déclaré le président Déby, avait pour seule raison d’être et pour seul but d’assassiner Kadhafi ». 
Ainsi, à en croire une des personnes les mieux informées sur ce glorieux épisode dont les protagonistes ont depuis quelque temps cessé de se vanter, ce ne serait pas seulement par pure humanité, dans le louable souci de sauver Benghazi et sa population rebelle, ni même pour les beaux yeux de Bernard-Henri Lévy que M. Sarkozy et M. Cameron se seraient ingérés dans l’urgence et par la force dans la guerre civile libyenne.
Connaîtrons-nous un jour la vérité sur cette affaire, si compromettante qu’elle puisse être pour tous ceux, de tous bords et de tous pays, qui y ont été mêlés ? Les paroles de M. Déby sont comme un éclair dans les profondes ténèbres qui entourent à ce jour l’origine, le déroulement, l’issue de l’opération franco-britannique et les circonstances troublantes de la mort de Kadhafi.
http://www.bvoltaire.fr/dominiquejamet/libye-idriss-deby-accuse,146406
18/12/2014 à 08:36
Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer Envoyer
Nigeria: 32 personnes tuées, des dizaines enlevées par Boko HaramNigeria: 32 personnes tuées, des dizaines enlevées par Boko Haram© AFP
Des membres présumés du groupe islamiste Boko Haram ont tué 32 personnes et en ont enlevé plusieurs dizaines d'autres, dont de nombreuses femmes, dans l'attaque d'un village du nord-est du Nigeria, ont déclaré jeudi un témoin et deux responsables locaux.
Selon les responsables, qui ont requis l'anonymat, on ignore, pour l'instant, combien d'habitants du village de Gumsuri ont été enlevés lors de l'assaut qui s'est déroulé dimanche. Mais ce nombre pourrait dépasser la centaine et comprend des femmes et des enfants.
"Après avoir tué nos jeunes, les insurgés ont emmené nos femmes et nos filles", a dit un habitant, Mukhtar Buba, qui a fui Gumsuri pour se réfugier dans la capitale de l'Etat de Borno, Maiduguri.
Les informations sur cette attaque ont mis quatre jours à émerger, à cause notamment de l'absence quasi-totale de réseau de téléphonie mobile et des routes en mauvais état dans cette région, située à environ 70 km au sud de Maiduguri, fief historique de Boko Haram qui poursuit depuis cinq ans une insurrection meurtrière.
Gumsuri se trouve sur la route qui mène à Chibok, la ville où le groupe a enlevé plus de 200 lycéennes en avril dernier.
Selon un des responsables locaux, le village bénéficie de la protection d'une milice privée anti-islamiste relativement efficace, mais celle-ci a été dépassée par l'attaque de dimanche.
"Depuis un an, les insurgés ont tenté plusieurs fois d'attaquer Gumsuri mais les jeunes du village leur ont résisté", a-t-il déclaré à l'AFP.
Malgré leurs faibles moyens logistiques, les Civilian JTF, ces jeunes réunis au sein de milices pour combattre les islamistes, semblent s'être substitués à l'armée dans plusieurs zones du nord-est, où les attaques de Boko Haram sont quasi quotidiennes.
17/12/2014 à 22:37
Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer Envoyer
Nigeria: 54 militaires condamnés à mort pour mutinerieNigeria: 54 militaires condamnés à mort pour mutinerie © AFP
Une cour martiale nigériane a condamné à mort, mercredi, 54 soldats accusés de mutinerie pour avoir refusé de participer à une opération contre les islamistes de Boko Haram dans le nord-est du pays, a indiqué leur avocat.
"Ils en ont condamné 54 à mort et acquitté cinq", selon l'avocat des droits de l'homme, Femi Falana, à l'annonce du verdict de ce procès qui a débuté le 15 octobre à huis-clos.
Les responsables militaires n'étaient pas immédiatement disponibles pour commenter mais le verdict a été largement repris dans les médias nigérians.
Abonnez-vous pour 11,25€ / mois
Tous droits de reproduction et de représentationImprimerImprimer

Le Mali entre changement et néant

Thomas Cantaloube, journaliste à Mediapart
Le Mali reste un pays sous tutelle où le renouveau politique tant espéré n’a pas encore eu lieu. Il symbolise aussi l’échec d’une vision française très militaire et peu politique
Bamako demeure cette capitale africaine plongée dans la torpeur. La guerre ? Le terrorisme ? Les séparatistes touareg ? Tout cela semble bien loin, là-haut, tout au nord du Mali. Un autre pays, presque. Et les promesses de changement après la prise de contrôle d’une partie du territoire national par des groupes djihadistes en 2012 et l’intervention de l’armée française en janvier 2013 ? Qu’en est-il de ce « Plus jamais comme avant ! » scandé par la classe politique malienne, de sa volonté affichée de reconstruire un pays plus responsable, moins corrompu et à l’écoute des désirs de ses concitoyens ?
Un drapeau malien

Il y a un an et demi, nous publiions dans Mediapart une série d’articles intitulée « Le Mali à reconstruire », puisque le sentiment unanime des élites locales et de leurs partenaires internationaux était que, derrière une façade avenante, le pays s’était effondré, tel un immeuble dont ne resteraient que les murs extérieurs. Tout le monde semblait d’accord : il fallait réformer de fond en comble les institutions, renouveler les dirigeants, re-tisser un lien de confiance avec les populations. Tous nos interlocuteurs de l’époque – intellectuels, élus, diplomates, militants de la société civile – faisaient ce même constat et semblaient optimistes quant à l’alerte qu’avait représentée la crise de 2012-13. Même si personne n’avait repris l’expression mot à mot, tous semblaient convaincus par la maxime de l’ancien conseiller de Barack Obama et actuel maire de Chicago, Rahm Emanuel : « Il ne faut jamais gâcher les opportunités d’une bonne crise. Elle doit permettre de faire des choses jugées impossibles auparavant. »
Un an et demi plus tard, nous sommes donc retournés à Bamako afin d’évaluer la situation politique du Mali. Et la meilleure réponse qui nous a été apportée, celle d’un conseiller malien d’une grande ambassade étrangère, est un condensé d’ironie : « Ça change dans l’immobilisme ! » Autrement dit, et quasiment tout le monde au Mali s’accorde sur ce point, les choses n’ont pas vraiment évolué malgré l’élection d’un nouveau président, malgré la forte présence de la communauté internationale sur place, malgré l’intérêt de la France à capitaliser sur une «success story» malienne.
Que s’est-il donc passé pour que ces promesses de renouveau s’éteignent aussi rapidement, et qu’est-ce que cela dit, en creux, de la politique étrangère interventionniste de François Hollande ?
La crise malienne de 2012-2013 a des causes multiples, proches et lointaines, mais il est clair qu’elle a provoqué l’effondrement d’un régime présidé par Amadou Toumani Touré (ATT) que tout le monde jugeait pourtant solide. Et comme le pays s’apprêtait à tenir des élections qui ont été interrompues par le coup d’État du capitaine Sanogo et l’occupation du Nord, il a été décidé très vite après l’intervention militaire française de début 2013 qu’une élection présidentielle devait se dérouler rapidement. Cette décision était celle de François Hollande et, malgré les nombreux avertissements de ceux qui plaidaient pour la repousser afin de laisser le temps à de nouvelles figures et de nouvelles pratiques politiques d’émerger, elles ont eu lieu en août 2013. Et elles ont produit le résultat escompté : médiocre.
« Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. » Voici comment un universitaire malien décrit le président élu en 2013 Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Vétéran de la politique malienne, ce dernier était à mi-chemin entre deux positions : vieux crocodile du système (il a été premier ministre dans les années 1990) et opposant résolu au président sorti en 2012, ATT. Dans une situation d’urgence, il s’est révélé le candidat idoine, à la fois auprès de ses concitoyens, qui ont cru dans son discours de fermeté, que des grandes puissances, dont la France qu’il a courtisée. À cela, il convient d’ajouter deux autres éléments. Le premier, comme le souligne le politologue Mahamadou Diawara, est que « faire de la politique coûte de l’argent au Mali. Or seule la vieille génération, celle de l’arrivée de la démocratie en 1991, en a les moyens car elle occupe le pouvoir depuis deux décennies». Deuxième élément : IBK est un ancien président de l’Internationale socialiste qui a cultivé pendant des années ses liens avec le parti socialiste français, notamment en venant à plusieurs reprises à la Fondation Jean Jaurès.
«En fait, IBK est fragile et il y a des décisions qu’il ne peut pas prendre»
Ibrahim Boubacar Keïta est donc devenu président du Mali sous les applaudissements de 26 chefs d’État qui avaient fait le déplacement pour sa cérémonie d’investiture, dont François Hollande bien sûr. « Tout le monde s’est empressé d’oublier qu’il faisait partie du groupe des « putschistes honteux », de ceux qui ont condamné du bout des lèvres le coup d’État de 2012 tout en fricotant avec la junte de Sanogo », ainsi que le rappelle l’opposant Tiébilé Dramé, candidat au premier tour en 2013 qui a finalement renoncé, estimant que les conditions pour la tenue des élections n’étaient pas réunies, et qui ajoute : « On a oublié ses casseroles et le fait qu’il était porté sur le luxe et le lucre. » De facto, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que deux scandales n’éclatent, qui renvoient aux vieilles pratiques néfastes que les Maliens semblaient vouloir oublier. Le premier concerne plusieurs contrats passés par le ministère de la défense avec des surfacturations à hauteur de 30 milliards de francs CFA (45 millions d’euros). Le second a trait à l’achat d’un nouvel avion présidentiel, un Boeing 737 pour 30 millions d’euros, dont une partie de la facture comprend une commission versée à Michel Tomi, « truand corsogabonais », incarnation de la Françafrique, possesseur de la seule licence de casino à Bamako et grand ami d’IBK…
Le seul aspect positif de ces deux affaires est qu’elles ont été révélées par un Fonds monétaire international (FMI) courroucé, ce qui a conduit à la suspension (temporaire) des prêts du FMI et de la Banque mondiale et à des demandes d’explications. « Le FMI joue le rôle d’une opposition, voire d’une société civile en demandant des comptes au gouvernement », estime l’anthropologue Birama Diakon. C’est à la fois heureux et pathétique que cela se déroule ainsi, soulignant la faiblesse des élites maliennes en même temps que la mise sous tutelle du pays par la communauté internationale.
« On pensait qu’IBK était un homme de poigne », poursuit Birama Diakon. « En fait, il est fragile et il y a des décisions qu’il ne peut pas prendre. Échapper à la corruption au Mali est extrêmement difficile. La pression des réseaux clientélistes est tellement forte qu’on subit une pression permanente, qu’il s’agisse de faire soigner son fils à l’hôpital ou d’avoir une promotion. » Le slogan de la campagne présidentielle d’IBK était « Le Mali d’abord ». Aujourd’hui, pour ses critiques, c’est « la famille d’abord ». Non seulement il a nommé des parents à des postes officiels hauts placés, mais le ministre de la défense, qui a démissionné suite aux accusations de surfacturation, était l’un de ses proches, tout comme Michel Tomi dans l’affaire du Boeing.
Dans les rues encombrées de Bamako, un changeur de monnaie résume le mandat d’IBK à sa manière : « Le gouvernement a mangé nos sous ! » Comme de nombreux Maliens, il faisait partie de ceux qui avaient modérément soutenu le coup d’État du capitaine Sanogo en 2012 parce qu’il représentait un coup de pied dans la fourmilière qui semblait salutaire à toute cette génération de jeunes étudiants et jeunes chômeurs sans perspective. Il avait ensuite changé d’avis quand son frère, un militaire, lui avait racontéla réalité du pouvoir de Sanogo, qui n’était que la dernière incarnation d’un opportuniste désireux de se nourrir sur le bête, c’est-à-dire l’État, ou ce qu’il en restait.
Depuis plus de vingt ans, une même génération, celle qui est descendue dans la rue en 1991 pour sortir le dictateur Moussa Traoré, a monopolisé le pouvoir et ses prébendes. IBK en fait partie et, d’une certaine manière, il perpétue cet état de déliquescence qui éloigne les Maliens de leur gouvernement, celui qui « mange nos sous ».
Pourtant, selon Moumouni Soumano, le directeur du Centre malien pour le dialogue inter-partis et la démocratie (CMDID), « IBK a toutes les cartes en main pour changer. C’est une des premières fois où des affaires de corruption provoquent un tel tapage, et il s’est engagé sur les questions de corruption comme aucun de ces prédécesseurs ne l’avait fait. Il y a également un paradoxe, car ces gros scandales surviennent alors que le premier ministre est issu d’une nouvelle génération ». C’est en effet l’un des aspects positifs de la présidence d’IBK : il a su promouvoir des jeunes politiciens, dont le premier ministre Moussa Mara, qui ont fait de la « bonne gouvernance », leur principal combat politique. Ce dernier, par exemple, avait publié une déclaration d’intérêt quand il était maire d’un quartier de Bamako. « Il essaie d’être transparent », approuve Moumouni Soumano.
«Le Mali ne fait pas la guerre, c’est la France et la Minusma qui s’en chargent»
Parmi les recrues qui tentent d’incarner un autre Mali, on trouve également Ousmane Sy, le ministre de la décentralisation et de la ville, un spécialiste du développement qui a surtout travaillé en dehors des frontières du pays. Pour lui, « nous ne vivons pas une crise de la nation, au sens où, malgré leurs différences, tous les Maliens veulent continuer à vivre ensemble. Nous vivons une crise de l’État. Il faut parvenir à faire de l’État quelque chose que l’on ne combat pas tous les jours. Dans la conscience des Maliens, prendre de l’argent à l’État pour le donner à sa communauté ou à sa famille n’est pas perçu comme de la corruption, c’est même valorisant ! C’est cela qu’il faut réformer ».
Ousmane Sy fait partie des membres du gouvernement qui se rendent régulièrement à Alger pour mener les négociations avec les rebelles armés du Nord. Ces discussions sont jugées cruciales pour ramener une paix durable dans l’ensemble du Mali, mais elles semblent patiner. Contrairement à ce qui avait été décidé lors de la signature des accords de Ouagadougou en juin 2013 entre le gouvernement malien et les groupes armés touareg, ces derniers n’ont pas été cantonnés. Ils constituent donc une force indépendante dans le Nord qui tient l’État malien à distance – on l’a vu en juin 2014 lorsqu’ils ont attaqué la délégation du premier ministre venu à Kidal. Ce qui fait dire à beaucoup de Maliens que Bamako n’est pas souverain sur l’ensemble de son territoire.
Le ministre Ousmane Sy est optimiste sur l’issue des négociations : « Quand nous nous retrouvons autour de la table, nous sommes tous maliens. Ce sont des gens qui ont travaillé côte à côte et qui font parfois partie de la même famille ou de la même tribu qui se font face. Le processus risque d’être long, mais il aboutira. » D’autres sont plus sceptiques : « C’est un jeu politique déconnecté des réalités », estime le chercheur français Charles Grémont, spécialiste du Sahel. « Il y a une coupure entre ce que les gens vivent sur place, qui vivent en quasi-autarcie, et les discussions qui manient de grands mots derrière lesquels personne ne met la même chose : autonomie, fédéralisme, décentralisation… » Mais comme tout le monde a intérêt à un accord, en particulier la France et l’Algérie, il devrait y en avoir un, sans doute au premier trimestre 2015.
« Il y a tout de même un angle mort », avertit Charles Grémont. « C’est la question d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et des autres mouvements djihadistes, qui continuent d’occuper le terrain. » Dans le contexte actuel, et même si des émissaires de ces groupes discutent à Alger, on les voit mal déposer les armes. «Le Mali n’est pas une île. La crise est enracinée chez nous, mais elle est de plus grande envergure », assène Ousmane Sy. C’est une évidence qui pèse désormais sur le Mali.
Si le pays a toujours été appuyé, comme des dizaines d’autres, par des aides financières et techniques internationales, il est difficile de ne pas le percevoir aujourd’hui comme un pays sous tutelle. Comme évoqué précédemment, ce sont le FMI et la Banque mondiale qui jouent à la fois les rôles de financiers et de contrôleurs de dépenses. L’ONU, qui a pris possession du grand hôtel de luxe du centre-ville de la capitale, s’occupe de la sécurité, de l’aide humanitaire et de « l’appui au dialogue national » dans le pays (opération Minusma). L’Union européenne entraîne l’armée malienne sous l’égide de l’opération EUTM. Et les Français sont plus distants depuis que l’opération Serval s’est transformée en mission Barkhane, mais ils gèrent de facto le contrôle des frontières et la lutte contre les djihadistes dans l’extrême nord du pays.
« Le Mali ne fait pas la guerre, c’est la France et la Minusma qui s’en chargent », déplore le politologue Mahamadou Diawara. « De surcroît, la Minusma joue un rôle d’interposition entre les groupes rebelles du Nord et l’armée malienne. Il y a un black-out total sur la ville de Kidal : le reste du Mali n’a aucune information sur ce qui s’y passe. » Dans ces conditions, difficile pour les Maliens de ne pas éprouver un ressentiment à l’égard de la communauté internationale. Et l’on voit mal comment il pourrait y avoir une « désescalade » de cette présence dans un avenir proche. D’autant que lorsque Hervé Ladsous, le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, est passé par Bamako en octobre dernier suite à la mort de neuf casques bleus nigériens, il n’a pas mâché ses mots en expliquant : « Nous ne sommes plus dans une situation de maintien de la paix, mais dans une guerre asymétrique. Les djihadistes ont repris du poil de la bête. »
Une analyse qui contredit les prises de position publiques de la France, en particulier celles du président et du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian qui avaient imprudemment laissé entendre début 2013 que l’intervention tricolore serait de courte durée. Aujourd’hui encore, un proche conseiller de Hollande assure : « J’ai beaucoup d’estime pour Hervé Ladsous, mais je pense qu’il se trompe. » Paris ne veut effectivement pas entendre parler du Mali comme d’un État failli qu’il faudrait porter à bout de bras pendant des années, à la manière de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Somalie, même si ce sont l’ONU et les autres institutions internationales qui s’en chargent.
«Les élections ne font pas la démocratie ni la stabilité »
« Il est évident que la France souhaite se retirer au plus vite et qu’elle entend le faire dans les meilleures conditions. Elle veut une « success story »», affirme Tiébilé Dramé. « C’est pour cela qu’elle a voulu des élections rapides, quitte à soutenir un candidat sans idée, qu’elle souhaite un accord politique avec les groupes rebelles dans le cadre des négociations d’Alger, et que l’opération Barkhane a pris une dimension régionale, laissant la Minusma se colleter la sécurité dans le pays », poursuit un diplomate européen en poste à Bamako. « S’éterniser, c’est prendre des coups. La stratégie de Barkhane est régionale et la France ne s’occupe pas des problèmes domestiques », confirme le journaliste malien Souleymane Drabo, qui dirige le journal gouvernemental L’Essor.
            Mais la France peut-elle s’extraire aussi aisément ?
Depuis 2012 et l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, celui-ci a lancé deux opérations militaires françaises (Mali et Centrafrique), il participe à une troisième, exclusivement aérienne, contre l’État islamique en Irak, et il s’était préparé à une autre qui n’a pas eu lieu quand Barack Obama a reculé (Syrie). Cela fait beaucoup en peu de temps. D’autant plus qu’à chaque fois, si le volet militaire est bien exécuté et remplit ses objectifs, le volet politique semble quasiment absent.
« Les élections ne font pas la démocratie ni la stabilité. » Cette maxime a été apprise sur le terrain par les États-Unis sous George W. Bush, qui pensaient pouvoir intervenir, organiser des élections, soutenir un candidat modéré, dispenser un peu d’aide, faire intervenir l’ONU, et se retirer au bout de quelques mois en se frottant les mains avec le sentiment du devoir accompli. Il n’en a rien été.
L’Irak est aujourd’hui un pays fracturé qui a donné naissance à un nouvel épouvantail terroriste. Quant à l’Afghanistan, personne n’imagine sérieusement que le pays va rester stable longtemps, à moins d’un accord avec les anciens ennemis talibans.
Le Mali aujourd’hui n’est pas encore dans cette situation. Mais comment concilier le discours du «tout va bien, il ne faut pas s’inquiéter, le Mali évolue dans la bonne direction» qui vient de l’exécutif français, avec d’une part les morts de la Minusma (quarante-trois) et l’accroissement du dispositif Barkhane (actuellement 3 000 soldats mais les gradés en réclament davantage), et d’autre part l’inertie des élites maliennes ?
« La France est comme le reste de la communauté internationale : elle a besoin de stabilité pour se concentrer sur son agenda qui est la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic », analyse un conseiller malien d’une ambassade occidentale. « Mais dans l’esprit des dirigeants ccidentaux, la stabilité, cela signifie juste moins de violence et des communautés qui restent tranquilles, pour pouvoir se retirer rapidement. C’est antinomique avec une politique de paix sur le long terme. »
Soucieux de ne pas apparaître comme un nouvel avatar du colonialisme façon IIIe et IVe République, ni comme un continuateur de la Françafrique gaullomitterrandiste, François Hollande affecte de penser que la France a accompli sa mission au Mali et qu’elle peut maintenant se retirer. Le « state building » demeure évidemment un gros mot dans le champ politique français. Mais le laisser-faire est tout aussi dévastateur. Laisser croire qu’une intervention militaire suivie d’une rapide élection peut remettre sur pied un pays est une dangereuse illusion.
Presque deux ans après le déclenchement de l’opération Serval, la situation profonde du Mali (c‘est-à-dire son clivage Nord-Sud, la nonchalance de ses élites, l’incompétence de ses forces armées) n’a pas changé. Le pays est désormais sous tutelle multinationale et dépossédé de certaines de ses attributions régaliennes (la sécurisation de ses frontières par exemple), mais cette immixtion étrangère semble moins se soucier des intérêts des Maliens que des siens propres. Faire croire le contraire revient à travestir la réalité.
« Pendant dix ans, ce sont les médiocres qui nous ont dirigés. Aujourd’hui, ce sont les bandits qui font la promotion des médiocres. On va avoir du mal à s’en sortir… », avance Houmou Traoré, une restauratrice qui tente de faire exister son établissement selon des critères de qualité des produits. S’il faut se méfier de la sagesse populaire telle qu’on la rencontre dans les « maquis » africains, elle révèle néanmoins l’état d’esprit d’une population malienne qui est fatiguée de se sentir ballottée et si peu maîtresse de son destin.
http://www.mediapart.fr/journal/international/071214/le-mali-entre-changement-et-neant