samedi 25 mai 2013

NIGER. Mokhtar Belmokhtar, voyou fanatique


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Le groupe de Belmokhtar revendique l'attaque au Niger et menace de frapper d'autres cibles. Celui qui a perdu un oeil en Afghanistan a longtemps plus pensé au business qu'au djihad. Portrait.

Mokhtar Belmokhtar dit "le Borgne". (AFP)
Mokhtar Belmokhtar dit "le Borgne". (AFP)
(Article publié dans "le Nouvel Observateur" du 24 janvier 2013)
Un oeil mort, une figure en lame de couteau, une veste kaki et une chevelure brune tirée au cordeau. C'est la première fois qu'il apparaît, tête nue, sans son turban, comme s'il voulait, avec cette coquetterie, marquer l'événement. A 41 ans, cet Algérien vient en effet de lancer un défi à l'ensemble de la communauté internationale. Dans une vidéo, Mokhtar Belmokhtar revendique au nom d'Al-Qaida la prise d'otages géante du 16 janvier, sur le site de la société britannique BP à In Amenas. Retour en force spectaculaire de celui que l'on surnomme "Al-Aouar", "le Borgne" ou forfanterie d'un homme plus connu pour ses activités lucratives de contrebandier que pour ses actions d'éclat ?
Sa toute nouvelle katiba (phalange), formée fin décembre et baptisée "Les signataires par le sang", serait bien responsable de ce raid audacieux, selon l'Agence Nouakchott d'information (ANI). Pourtant "le Borgne" perpétue généralement ses actions plus à l'ouest, entre le Mali et la Mauritanie, jusqu'au Sahara occidental annexé par le Maroc en 1975. Certes, selon des témoins, les terroristes auraient lancé, en entrant sur le site gazier : "Nous sommes d'Al-Qaida et notre chef est Mokhtar Belmokhtar."

"Mister Marlboro"

Mais un officier de renseignement français estime que "ce n'est pas une façon très djihadiste de s'annoncer". L'agence mauritanienne assure que le chef du commando, décédé dans l'assaut, était un certain Abou al-Baraa. Mais ce dernier est inconnu des spécialistes du djihad saharo-sahélien. Elle citera ensuite le nom d'Abderahman el-Nigeri, dit "le Nigérien". Quant au ministre algérien de l'Intérieur, il met en cause un dénommé Mohamed el-Amine, selon lui très connu... de ses services. Que serait venu faire Belmokhtar si loin de son désert et de ses commerces illicites ? Il est de notoriété publique en Algérie que l'homme, appelé également "Mister Marlboro", est avant tout un trafiquant de cigarettes mais aussi de drogue et de clandestins. Cela fait vingt-trois ans qu'il écume le Sahara avec ses caravanes.
Né à Gardaïa en 1972, il s'envole à 17 ans pour l'Arabie saoudite, sous prétexte d'accomplir le petit pèlerinage (omra), puis part en Afghanistan combattre les Soviétiques. C'est là qu'un éclat d'obus lui arrache son oeil gauche. De retour en Algérie, il met à profit ses toutes nouvelles connaissances militaires. Mais au service de ses activités criminelles. Curieusement, il n'adhère pas au Front islamique du Salut (FIS), qui vient d'être reconnu par le gouvernement de feu Chadli Bendjedid. Il ne s'engage pas non plus dans l'un des groupes islamiques armés qui pullulent après l'interruption, par l'armée algérienne, du processus électoral, en janvier 1992. La décennie de guerre civile qui s'en suivra fera 150.000 morts et des milliers de disparus. Belmokhtar, lui, s'est lancé dans le "business". Il prend la relève de Hadj Bettou, à l'époque le plus grand contrebandier du Sahara.
La corruption gangrène les pays du Maghreb et les voisins subsahariens à tous les niveaux du pouvoir. Hadj Bettou arrose les douaniers, les gendarmes et les préfets de cette immense région. Il en profite pour revendre à bon prix, au Mali, au Niger et en Mauritanie des produits subventionnés par l'Etat algérien (semoule, riz, huile, farine, lait, etc.). Il fait aussi dans les cigarettes américaines et les armes. Début 1992, sur ordre du président Mohamed Boudiaf, un commando spécial de la gendarmerie le localise dans un dépôt de Tamanrasset, à 2.300 kilomètres d'Alger. Les pandores n'en croient pas leurs yeux. C'est une véritable caverne d'Ali Baba qu'ils découvrent. Transféré à Alger, Bettou sera jugé et condamné à six mois de prison. Depuis, il s'est fait très discret... Peut-être parce que des mauvaises langues affirment qu'il tuyautait le DRS, l'ancienne Sécurité militaire.

4x4 bourrés de cocaïne

On en dit aujourd'hui autant sur Belmokhtar qui serait prêt, lui aussi, à servir tous les maîtres. En 2002, affaibli par les coups de boutoir de l'armée algérienne en Kabylie et dans l'Algérois, le Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC, islamistes armés) se replie vers le sud. Une katiba commence à kidnapper des étrangers dans le Sahara algérien. Son chef, Abdelrazaq, allias "le Para", un ancien des commandos Biskra, les forces spéciales algériennes, purge aujourd'hui une peine de prison à vie pour l'enlèvement de touristes allemands en 2003. Cette irruption n'est pas du goût du "Borgne". Il lui demande de déguerpir de son territoire. Belmoktar craint que "cela ne ramène l'armée", se souvient Ali, un Mauritanien ayant travaillé avec lui. "La 'katiba' du 'Para' a perdu trois hommes au cours d'un accrochage sérieux avec la troupe de Mokhtar", raconte ce Mauritanien.
Mais "le Borgne" sait qu'il va devoir désormais composer avec le GSPC, qui s'est transformé en Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique). Entre-temps, d'autres phalanges affluent vers le Sahel. Sachant que les islamistes ont besoin d'argent, Belmokhtar va leur proposer de se joindre à lui pour aider les narcos colombiens en accompagnant leurs convois de 4x4 bourrés de cocaïne en provenance de Côte d'Ivoire, du Mali ou du Sénégal, vers la Mauritanie. Comme Hadj Bettou, il arrose largement les autorités locales ou nationales et organise de vastes filières. "J'étais chargé avec un Touareg malien d'approvisionner le groupe de Mokhtar en médicaments, seringues, pansements, désinfectant, antibiotiques et des conserves, des bouteilles d'eau, pains. Enfin la logistique, quoi !", raconte par téléphone un autre Mauritanien, Abdallah, un temps employé dans la milice du "Borgne".

"Il pense plus aux affaires qu'au djihad"

Toujours selon Abdallah, Mokhtar se serait disputé violemment au sujet des otages capturés au Niger sur le site d'Areva avec Abid Hammadou, dit Abou Zeid, qui dirige la "katiba des conquérants". "Mokhtar, explique Abdallah, considérait que les kidnappings n'étaient pas bons pour le business. Il pense plus aux affaires qu'au djihad. Il savait depuis la mort du captif français Michel Germaneau, suite au raid manqué des militaires français et mauritaniens pour le libérer, que nous les aurions constamment sur le dos."
Alors qu'il s'oppose aux prises d'otages, pourquoi "le Borgne" aurait-il monté cette opération, à haut risque, dans le désert algérien ? Pourquoi a-t-il créé sa propre katiba tout en rompant avec Aqmi ? S'est-il senti menacé car soupçonné par ses rivaux d'être un agent double ? Ou a-t-il craint de ne plus pouvoir peser, de se retrouver isolé après la prolifération des groupes islamiques qui, aujourd'hui, combattent au Mali ? S'est-il découvert une âme de djihadiste ? Est-il un voyou ou un idéologue, un takfiri adepte de la taqiya (dissimulation) ? Hidjra wa takfir est une secte wahhabite née en Egypte dans les années 1960 qui considère tous les musulmans comme des mécréants qu'il convient de "ré-islamiser" par l'épée. Or pour les takfiri, la pratique du gangstérisme peut être justifiée si elle est faite pour la bonne cause.

Tête mise à prix

Mokhtar Belmokhtar participe-t-il aux combats actuels contre l'armée française ? Une chose est sûre : il ne correspond pas au profil des chefs rebelles du nord du Mali. La plupart de ces nouveaux groupes ont à leur tête des Sahraouis arabophones ou des Touaregs berbérophones. Pour les services occidentaux, cette myriade de bandes armées islamistes est la conséquence des tentatives d'infiltration de ces mouvements par la DRS, le service de sécurité algérien. Une manoeuvre pas toujours réussie destinée à affaiblir le GSPC-Aqmi, principale force djihadiste au Sahel. "Le Borgne" profite de cette atomisation de la mouvance salafiste, mais aussi du désarroi de jeunes Sahraouis désoeuvrés, chômeurs qu'il recrute pour faire passer de la drogue en Espagne.
Ces fils de militants du Front Polisario ou de Sahraouis ralliés au Maroc après l'annexion en 1975 par la monarchie chérifienne de l'ancienne colonie espagnole ont rejoint par dizaines les rangs des djihadistes. Alger et Rabat portent une lourde responsabilité en refusant de débloquer la situation. Ainsi 110.000 soldats marocains et 80.000 soldats algériens se font toujours face, enterrés dans les dunes alors qu'ils pourraient prendre part à la lutte antiterroriste. Un gâchis énorme que les deux pays vont payer cher. "Les islamistes ont ouvert une brèche dans le dispositif de sécurité des Marocains le long de leur frontière", explique un diplomate français. "Curieusement, ajoute-t-il, cette percée se trouve sur le chemin de la drogue vers l'Europe."
De juteux trafics qui pourraient bien se tarir rapidement pour Mokhtar Belmokhtar. Depuis l'assaut du site d'In Amenas, il est devenu l'ennemi public le plus recherché par les services occidentaux et algériens. Une tête mise à prix qu'il ne juge d'ailleurs même plus utile de cacher par un voile.

Attaques au Niger: des failles dans la sécurité des installations d'Areva

NIGER - 
Article publié le : samedi 25 mai 2013 à 05:04 - Dernière modification le : samedi 25 mai 2013 à 05:04


L'entrée du site d'Areva à Arlit, au Niger.
L'entrée du site d'Areva à Arlit, au Niger.
AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO

Par RFI
Le bilan définitif des deux attentats qui ont frappé le Niger, jeudi 23 mai, est de 35 morts, parmi lesquels figurent dix assaillants. Ces deux attaques, et notamment celle d'Arlit, illustrent la capacité de nuisance des jihadistes mais aussi les failles dans la sécurité autour des installations d'explotation d'uranium. Pourtant, depuis l'enlèvement de sept otages à leur domicile d'Arlit en septembre 2010, la sécurité avait été totalement revue. Le bilan officiel des deux attentats qui ont frappé le Niger jeudi 23 mai est de 35 morts, parmi lesquels figurent 10 assaillants.

En septembre 2010 l'enlèvement de sept empoyés d'Areva et de sa filiale Satom avaient provoqué un électrochoc. Pour rappel, si trois d'entre eux ont été libérés, quatre restent encore détenus par Aqmi.
A l'époque, un accord cadre avait été vite négocié entre le groupe nucléaire et le gouvernement nigérien pour définir les termes de la nouvelle sécurisation à mettre en place dans la zone minière : des renforts de militaires et de policiers nigériens avaient été décidés, et l'accord détaillait jusqu'à leurs émoluments. Le tout financé par Areva.
Le groupe avait aussi décidé de se faire assister par une société privée de sécurité qui envoie des experts au nord du pays. Leur mission consistait à mettre en place des moyens de surveillance, du matériel ayant aussi vocation à dissuader.
Une base vie avait été construite avec des règles d'entrée et de sortie très strictes. C'est là que sont logés les expatriés et le personnel nigérien en mission.
Luc Oursel rencontre le président nigérien
Mais manifestement, tout cela n'a pas suffi, confie un employé d'Areva qui rappelle aussi qu'il n'y a pas de risque zéro.
Selon les informations de RFI, le PDG du groupe nucléaire a fait savoir vendredi, dès son arrivée à Niamey, qu'il était prêt à payer le prix nécessaire pour revoir la sécurité de la zone minière et de ses employés. La sécurité sera d'ailleurs au coeur de l'entretien que Luc Oursel doit avoir avec le président nigérien Mahamadou Issoufou ce samedi.
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FICHE PAYS :

Libye - Le bâtiment d'une télévision de Tripoli incendié

    Le bâtiment de la télévision 'La Jeunesse' a été presque entièrement consumé par le feu à la suite d'actes de violence consécutifs à la mort d'un citoyen lors d'une opération de traque d'un trafiquant de drogue à Tripoli, la capitale libyenne.

    Selon des sources sécuritaires, une grande partie du bâtiment qui abrite la télévision 'La Jeunesse', située au centre de Tripoli, a été brûlée par le feu après une attaque perpétrée par des 'hors-la-loi' qui protestaient contre la mort d'un citoyen lors d'une opération de traque menée par les services de lutte contre les crimes contre un trafiquant de drogue dans le quartier de 'Karkach'.

    L'intervention des services de la sécurité a visé un grand site utilisé par les trafiquants de drogue et une personne qui suivait les échanges de tirs entre les policiers et les trafiquants a été mortellement touchée par une balle perdue, ont indiqué les mêmes sources.

    L'accident a mis dans une colère noire les populations qui ont bloqué les principales rues du quartier et perpétré des actes de violence, installant l'anarchie dans cette partie de la capitale libyenne.

    Pana

    « En dix ans, 90 % des attaques dénombrées ont été neutralisées ou ont échoué »



    Gérard Chaliand (géopolitilogue, ancien directeur du Centre européen d’étude des conflits)

    Cet attentat au Niger est-il une conséquence de l’opération française au Mali ?

    Evidemment, les deux sont liés. Il y a un risque terroriste dans l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie au Tchad, c’est d’ailleurs pourquoi N’Djamena nous a appuyés au Mali. Mais ce risque demeure toutefois relatif, ce ne sont pas des vagues d’attaques. Ces dix dernières années, la plupart, environ 90 %, des attaques dénombrées officiellement ou officieusement, ont été neutralisées, ou ont échoué. Il faut donc raison garder. L’affaire malienne constitue au demeurant une sorte de dégât collatéral de l’opération libyenne, à partir de laquelle des djihadistes se sont disséminés avec arme et bagage dans toute la région.

    Cet événement survient au lendemain d’une attaque à Londres menée par ce que les spécialistes appellent des « loups solitaires ». Faut-il s’attendre à une recrudescence de ce type d’incident ?

    Les attaques de Londres, comme celles de Boston, sont caractéristiques d’un malaise, lié à la médiatisation du djihadisme en Syrie, en Irak ou ailleurs. On constate depuis 1973 une réislamisation du monde musulman, encouragée ou financée par une Arabie saoudite en concurrence avec l’Iran. La guerre civile en Syrie est d’ailleurs au coeur de cette confrontation entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, soutenue par les Américains, Européens et Israéliens, en raison de la menace représentée par le programme nucléaire de Téhéran. Rien d’étonnant à ce que, dans cette atmosphère incandescente, d’instrumentalisation et de propagande, surviennent ce genre d’attentats. Mais on n’est pas à Beyrouth dans les années 1980.

    Hier, Barack Obama a annoncé un changement de stratégie dans la guerre contre le terrorisme, en particulier en ce qui concerne l’usage des drones. Est-ce un tournant ?

    L’usage de drones est très important depuis le début de la mandature d’Obama, car il n’est plus question de se lancer à l’assaut avec des troupes au sol, comme au début des opérations en Irak ou en Afghanistan, en raison d’un fait fondamental ; le centre de gravité dans ce genre de conflits est constitué désormais par l’opinion publique occidentale, qui n’accepte plus des pertes, y compris de professionnels volontaires. La date clef dans ce basculement est octobre 1983 avec l’attentat contre les Marines et les légionnaires à Beyrouth, qui conduit au retrait de la France et des Etats-Unis du Liban. Le drone est donc l’arme nouvelle de sociétés occidentales qui ne supportent pas la mort. Dans ce contexte, le fait que ces drones soient désormais sous le contrôle juridique de l’armée ne change pas grand-chose, c’est juste un peu mieux en termes d’image puisque la CIA est réputée adepte de coups tordus…
    Yves Bourdillon,http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202781658819-gerard-chaliand-en-dix-ans-90-des-attaques-denombrees-ont-ete-neutralisees-ou-ont-echoue-568944.php

    Afrique : le Mujao, la relève d’Aqmi ?

    -Le Point.fr – Publié le 
    Les islamistes du Mujao viennent de perpétrer des attentats contre l’armée nigérienne et le groupe Areva. Quels buts poursuivent-ils ? Explications.
    Qui sont donc les djihadistes du Mujao qui viennent de semer la mort dans le nord du Niger ? Le double attentat revendiqué par les islamistes a fait une vingtaine de morts sur une base de l’armée à Agadez, à proximité du site uranifère d’Arlit, siège de l’entreprise française Areva. En septembre 2010 déjà, sept personnes – cinq Français, un Togolais et un Malgache – avaient été enlevées à Arlit par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Quatre d’entre elles sont toujours retenues au Sahara ou en Libye. Depuis ces enlèvements, le Mujao s’est émancipé d’Aqmi et forme désormais un groupe indépendant qui a lancé sa guerre contre la France et les pays africains qui se battent au Mali.
    Si la guerre franco-africaine au Mali a porté un coup dur à Aqmi, elle n’a pas en revanche anéanti le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un groupe ancré plus localement et qui entend réunir les djihadistes originaires du Sahel et de l’Afrique noire.

    Des combattants du Mujao à Gao au Mali en août 2012.

    Des combattants du Mujao à Gao au Mali en août 2012. © Romaric Ollo Hien / AFP
    Le Mujao ne s’interdit pas les attaques en Algérie
    Le mouvement est né en 2011. Son fondateur, Hamada Ould Mohamed Kheirou, 42 ans, est mauritanien. Ce salafiste avait été arrêté une première fois en 2005 à Nouakchott, pour avoir causé des violences dans une mosquée. Il accusait les responsables du lieu saint de ne pas respecter « l’islam véritable ». Au bout de quelques mois, il avait réussi à s’évader déguisé en femme. En 2009, Ould Kheirou rejoint la katiba de Mokhtar Belmokhtar – un des émirs djihadistes d’Aqmi à l’époque – dans l’extrême nord du Mali. Chargé de ravitailler Belmokhtar en armes, il est arrêté peu après à Bamako. Il sortira de prison quelques mois plus tard, lorsque Nicolas Sarkozy demande sa libération en échange, entre autres, de celle du Français Pierre Camatte, en février 2010.
    Hamada Ould Kheirou prend alors ses distances avec Aqmi. Il reproche à son chef, l’émir algérien Abdelmalek Droukdel, de réserver les postes importants d’Aqmi aux seuls Algériens. Il semble qu’il y ait aussi eu entre les deux hommes un contentieux sur le partage des rançons et des bénéfices tirés du trafic de drogue. En 2011, Ould Kheirou quitte donc Aqmi et fonde le Mujao, un groupe djihadiste qui veut intégrer les populations non arabes de la région et dont l’objectif est clairement de s’imposer en Afrique de l’Ouest. Contrairement à Aqmi, le Mujao ne s’interdit pas les attaques en Algérie ni contre les Algériens. En octobre 2011, le Mujao enlève trois humanitaires européens, dont deux Espagnols, près de Tindouf, dans le Sahara algérien. Ils sont libérés contre une rançon. En mars 2012, le Mujao attaque la gendarmerie de Tamanrasset (Algérie) et enlève, en avril 2012, sept diplomates algériens au consulat de Gao. L’un d’eux est assassiné quelques mois plus tard, trois autres seront ensuite relâchés et les trois derniers sont toujours prisonniers.
    Châtiments corporels
    Lorsqu’au printemps 2012, Aqmi, Ansar Dine et le Mujao s’emparent des villes du nord du Mali. Le groupe de Ould Kheirou prend possession de Gao, la ville malienne la plus proche du Niger. Le Mujao recrute et use de violence pour faire appliquer leschâtiments corporels vis-à-vis des populations « déviantes » qui refusent la charia.
    En janvier dernier, lorsque Gao est libérée par les soldats français et nigériens, le Mujao se replie dans les villages avoisinants et est le premier à lancer des actions de guérilla. Dans la nuit du 18 au 19 février, une vingtaine de djihadistes s’emparent de la mairie et de la résidence du gouverneur. Ils sont repoussés par les Français et les Tchadiens. Quelques jours après, deux colonnes de salafistes tentent de prendre la ville en tenailles, minent le palais de justice… Ils vont finalement être chassés de Gao et une partie d’entre eux se réfugient au Niger voisin, où ils ont des connexions.
    En 2012, le Mujao avait beaucoup recruté parmi les jeunes Nigériens vivant dans la région du fleuve. Dans ce pays très pauvre, les djihadistes donnaient entre 100 et 150 dollars et une arme aux nouvelles recrues. Lorsque la guerre a commencé au Mali, plusieurs centaines de jeunes idéologiquement peu convaincus sont rentrés chez eux. Les autorités de Niamey les surveillaient de près. Elles craignaient que certains de ces jeunes « démobilisés » ne soient embrigadés au sein de réseaux dormants que le Mujao pourrait réveiller à tout moment. Le danger est d’autant plus réel que le mouvement djihadiste entretient des liens étroits avec un autre groupe islamiste, la secte nigériane Boko Haram (« l’éducation occidentale est un péché »).
    http://www.lepoint.fr/editos-du-point/mireille-duteil/afrique-le-mujao-la-releve-d-aqmi-23-05-2013-1671611_239.php
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    La boucle du Niger dans « la plus grande France »



    LE MONDE |  Hubert Bonin (professeur d’histoire économique à Sciences Po Bordeaux et à l’UMR GRETHA – université Montesquieu-Bordeaux-IV)
    L'intervention de la France au Mali pour repousser les forces islamistes n'est que l'illustration la plus récente de son intérêt politique et économique pour la région.
    La boucle du Niger séduit les états-majors parisiens depuis plus d’un siècle, l’actualité la plus récente en est une illustration. Si à l’origine des intérêts économiques « impérialistes » inspirent le mouvement militaire, les enjeux géopolitiques dominent, avec « la course à l’Afrique » : dans le sillage du congrès de Berlin (1885), expéditions des géographes et des militaires dessinent la carte des empires français, britannique, belge et allemand.
    Parmi les royaumes autochtones a émergé celui de Samory, avec quelques dizaines de milliers de soldats plus ou moins organisés et armés. Entre 1886 et 1889, depuis le Sénégal, le général Gallieni (1849-1916) conquiert le Fouta-Djalon et la Guinée, puis se porte vers le Niger : Bamako (1883) et le Soudan français (Mali), colonie en 1892 ; c’est un succès du parti colonial, qui fédère hommes politiques, hommes d’affaires et cercles de hauts gradés. Samory Touré et 25 000 soldats résistent entre 1892 et 1895 ; après une progression à sauts de puce en 1895-1897, des colonnes attaquent Samory Touré dans les montagnes des Dioulas ; sa sortie dans la savane permet de le capturer en septembre 1898.
    Ainsi pacifiée, la boucle du Niger devient un enjeu économique pour le Comité de l’Afrique française créé en 1890 et l’Afrique occidentale française instituée en 1895. Un accord signé en 1898 entre la France et le Royaume-Uni institue une vaste zone de libre-échange dans l’espace du Niger, du Nigeria et de la Côte d’Ivoire, jusqu’en 1936.
     OFFENSIVE ÉCONOMIQUE
    Les maisons de commerce rivalisent : CFAO, SCOA, des dizaines de sociétés individuelles et Le Niger français, la filiale d’un groupe anglais (UAC puis Unilever), installent leurs « factoreries » puis des succursales sur les places d’échanges. Depuis le chemin de fer Dakar-Bamako-Koulikoro à l’ouest (650 km construits par l’armée en territoire malien en 1888-1904) ou par les pistes, les besoins des administrations, des troupes, des colons, des entreprises ou des autochtones dotés d’un pouvoir d’achat suffisant sont satisfaits par ces courants d’importations minimes : le Mali n’est pas « central » dans l’économie ultramarine française !
    L’offensive économique prend une autre dimension, utopique ! « La plus grande France », suivant l’idéologie des années 1920-1930, lance un programme de mise en valeur systématique. L’espace de la savane peul et touareg reçoit comme mission de développer son élevage, ce qui conduit à l’installation de stations vétérinaires et à l’arrivée de conseillers : modernisé, il exporte des cuirs et des peaux vers la métropole. Surtout, du Tchad et de la Centrafrique au Mali, on construit un empire du coton français, afin d’alléger la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis ou de l’Egypte.
    Un rêve surgit en 1920 : faire de la Haute-Volta et surtout du Haut-Niger un eldorado, de Bamako à Tombouctou, sur un million d’hectares. Des barrages (Sansanding- Markala, construit de 1934 à 1945, large de 1 813 mètres), des lacs de retenue, des canaux d’alimentation, des réseaux d’irrigation, des écluses de régulation, des digues, des fermes produisant du coton, du riz, de la canne à sucre et des produits vivriers sont prévus par un immense programme, qu’on identifie à l’ingénieur hydraulicien Emile Bélime (1883-1969), responsable de l’Office du Niger créé en 1932, qu’il dirige jusqu’en 1944. On mobilise des dizaines de milliers de Noirs dans les savanes de l’est, surtout dans le cadre du paiement en nature de l’impôt individuel ou familial, du travail forcé, ou grâce à des campagnes auprès de volontaires, surtout dans le pays mossi.
    COOPÉRATION
    De la Guinée à Ségou et, plus en aval, entre Mopti et Tombouctou, se multiplient les zones irriguées, le long du fleuve, avec des sociétés privées ; 6 000 colons s’installent autour de Bamako et du canal de la Sotuba. Au milieu, entre Sansanding et Mopti, le « delta central nigérien » (des marigots correspondant à d’anciens lits du Niger) devient un territoire de colonisation publique. Des dizaines de milliers de Noirs pourraient s’y implanter et devenir des colons agricoles, en reproduisant le modèle de la « France des petits paysans », ce qui conduit à l’installation de 5 000 colons en 1944, qui sont 42 000 en 1961. La réalité de « l’or blanc » cotonnier est sombre : beaucoup de Noirs retournent chez eux, car le travail est dur, le paludisme règne, les ressources vivrières manquent.
    Les travaux se déploient dans les années 1930, reprennent après la guerre avec l’argent du plan Marshall et du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (Fides). Des fermes de petits paysans et des fermes mécanisées avec des salariés se côtoient. On réduit la voilure à 180 000 puis 100 000 hectares et, en 1960, seuls 35 000 hectares sont en culture… Nombre d’entreprises privées françaises (BTP, fabricants d’équipements, de ciment, puis de camions et tracteurs) sont associées au processus. Plus à l’ouest (Kita) et au sud (de Fana à Sikasso), le monde du coton-graine brille.
    A l’indépendance, on repart sur de nouvelles bases : coopération avec la France et l’Europe, mais aussi avec la Chine (pour des usines textiles) et l’URSS, économie socialisante pendant vingt ans (hors zone franc jusqu’en 1967), sociétés d’Etat pour le commerce extérieur (Somiex) et pour la mise en valeur agricole. La Compagnie française pour le développement des fibres textiles (1949) est le partenaire technique de l’Office du Niger (10 000 paysans en régie, 30 000 en fermage) au sein d’une « Françafrique » de coopération, en direct puis par la société mixte Compagnie malienne des textiles (1974), d’où le bond des exportations de coton (41 000 tonnes en 1975).
    LIBÉRALISATION
    Le Mali est entraîné par le mouvement de libéralisation et de privatisation prônées par la Banque mondiale dans les années 1990. Les réseaux d’irrigation se détériorent faute d’entretien de la part d’un secteur public mal géré. Hors des structures étatiques, nombre de Maliens assimilent une sorte d’esprit d’entreprise agricole et marchand ; ils s’approprient l’irrigation à modeste échelle ; le riz l’emporte sur le coton dans la boucle du Niger, et des cultures vivrières, comme le maraîchage, les oignons se développent, ce qui alimente les circuits des marchands Diaoula.
    Loin des schémas planificateurs, « le progrès » se diffuse de façon large et discrète, avec 630 000 exploitations familiales et une forte filière coton (600 000 tonnes en 2006). Cette prospérité (relative) explique le rebond de la CFAO (seule survivante), qui s’est recyclée dans le négoce technique (véhicules, équipements) et la percée de sociétés de commerce privées. Si le Mali connaît des taux de croissance élevés, il n’est pas une chasse gardée des intérêts économiques français.

    Le Niger sur la ligne de front djihadiste



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    Par Thierry Oberlé
    Publié le 24/05/2013 à 20:06


    Des débris du véhicule piégé utilisé dans l'attentat contre la caserne d'Agadez, jeudi. Crédits photo : STRINGER/AFP

    Les kamikazes qui ont frappé à Agadez et à Arlit seraient venus du Sud libyen, où ils ont trouvé refuge.
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    Le Niger vient de payer un lourd tribut à la collaboration à la lutte contre l'islamisme armé dans le Sahel, avec la mort jeudi de 21 de ses ressortissants dans le double attentat au véhicule piégé contre une caserne d'Agadez et une usine d'Areva, le géant français du nucléaire, à Arlit dans le nord-ouest du Mali. Les militaires ont perdu une vingtaine d'hommes, soit un bilan plus lourd que celui des opérations menées par l'armée nigérienne aux côtés des soldats français au plus fort de l'offensive contre les djihadistes dans le nord du Mali.

    Les groupes islamistes ont dit avoir mené leurs opérations meurtrières en raison de sa «guerre contre la charia», et menacé de lancer d'autres attaques.

    L'un d'eux, celui des Signataires par le sang, qui serait selon un communiqué du groupe toujours dirigé par Mokhtar Belmokhtar, a estimé que les attentats «étaient la première réponse à une déclaration du président du Niger (Mahamadou Issoufou, NDLR), inspirée de ses maîtres à Paris, affirmant que les djihadistes ont été écrasés militairement».
    Des troupes actives au Mali

    Le Niger a été, avec le Tchad, le pays africain le plus actif lors des premières phases de l'opération «Serval». Ses troupes se sont rapidement déployées dans la région de Gao. Elles vont rester au Mali dans le cadre de la Misma, la force de maintien de la paix des Nations unies, qui doit peu à peu prendre le relais des forces françaises pour stabiliser le nord du Mali. Selon le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohammed Bazoum, l'engagement de son pays contre le terrorisme n'est pas remis en cause. «Ce qui s'est passé à Agadez et à Arlit indique clairement que nous avons besoin de plus de détermination, plus de moyens et plus d'actions», a-t-il déclaré à RFI.

    C'est la première fois que le Niger est visé par des attentats commis par des kamikazes. Niamey a été confronté depuis 2008 à une série d'enlèvements d'Occidentaux. En janvier 2011, deux jeunes Français, Antoine de Léocour et Vincent Delory, ont été enlevés dans la capitale par un commando islamiste puis tués à la frontière avec le Mali lors d'une tentative de libération menée par les forces spéciales. À chaque fois, les djihadistes venaient de l'étranger en s'appuyant sur des relais locaux rétribués pour leurs informations. Les kamikazes venaient du Sud-Ouest libyen selon le gouvernement nigérien. De nombreux salafistes arabes et touaregs ont trouvé refuge dans ces zones désertiques hors du contrôle des autorités de Tripoli. Certaines tribus ont déjà passé des accords de bon voisinage avec les nouveaux venus qui ont appris à jouer discrètement à saute-mouton avec les frontières.
    Un régime démocratique

    Le Niger a su, jusqu'à présent et contrairement au Mali, se préserver des risques de déstabilisation. Le pouvoir central a su prendre en compte en partie les aspirations de ses minorités arabe et touareg. Le président Mahamadou Issoufou a pris le contre-pied à son prédécesseur Mamadou Tandja, un partisan de la manière forte face aux revendications des gens du Nord. Il a géré avec habilité l'embarrassante question touareg. Des Hommes bleus exercent des responsabilités de premier plan: le premier ministre, le numéro deux de l'armée sont touaregs.

    Élu président en 2011 à l'occasion d'un scrutin régulier, Mahamadou Issoufou bénéficie du soutien de Washington, qui renâcle en revanche à aider le Mali en raison de l'absence à Bamako d'un pouvoir légitime issu démocratiquement des urnes. Des drones américains sans pilote et non armés sont basés sur le territoire pour mener des missions de renseignements. Autant de raisons qui attisent l'ire des djihadistes.

    vendredi 24 mai 2013

    Le Général Toufik ou le « Dieu de l’Algérie »: Le scandale de la Sonatrach était l'arbre qui cachait la forêt


    Publié par
    KhalhilGouna
    post non vérifié par la rédaction
    La mise à l’écart de la scène politique du plus ancien chef des services de renseignement au monde serait-elle imminente ?
    Jeremy Keenan
    Le Général Mohamed « Toufik » Mediène est engagé dans une lutte avec le Président Bouteflika. Photo [GALLO/GETTY]
    Septembre 2010 marque le vingtième anniversaire de la prise de fonction du plus ancien « chef des services de renseignement » en poste dans le monde. L’homme en question est le Général Mohamed « Toufik » Mediène, Directeur du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) algérien.
    Il a été nommé à la tête du DRS en septembre 1990, 15 mois avant que les « Généraux algériens » ou le « Groupe » comme on les appelait à l’époque, et dont Mediène, alors colonel, faisait partie, annulent les élections qui auraient permis de porter au pouvoir le premier gouvernement islamique jamais élu démocratiquement.
    Être le chef des services de renseignement et de la sécurité de l’un des régimes les plus impitoyablement répressifs et corrompus au monde pendant 20 ans relève de l’exploit. Felix Dzerzhinsky, le fondateur de la Tcheka qui deviendra plus tard le KGB, a dans les faits « contrôlé » l’Union Soviétique pendant neuf ans (1917-1926); Lavrenti Beria, chef du NKVD, l’a terrorisée pendant 15 ans (1938-1953); le chef de la police d’Hitler, Heinrich Himmler, s’est suicidé au bout de 11 ans (1934-1945), quant au Général Hendrik van den Bergh, il a dirigé le Bureau of State Security (BOSS), les services de renseignement du régime de l’apartheid en Afrique du Sud, pendant 11 ans (1969-1980). Mediène les a tous surpassés.
    Pourquoi alors, juste au moment où Mediène atteint ce jalon extraordinaire, entend-on des rumeurs concernant sa mise à l’écart imminente de la scène politique ?
    La réponse tient en quelques mots : lorsque le chef du renseignement et de la sécurité d'un pays fait la une de l’actualité, il y a fort à parier qu'il a fait son temps. Au cours des neuf derniers mois, on a beaucoup parlé de Mediène, principalement à cause de la lutte qui l’oppose à Abdelaziz Bouteflika depuis l’élection de ce dernier pour un troisième mandat présidentiel en avril 2009.
    « L’homme fort » de l’Algérie
    Pour comprendre cette lutte, il faut revenir quelques années en arrière. Mediène a gravi les échelons de la hiérarchie sur un « tapis rouge »[i] : il a été formé par le KGB en 1961 et soutenu par les chefs du premier service secret algérien.

    Pendant les années 90, lorsque l’Algérie était plongée dans sa « sale guerre » contre les islamistes, l’homme le plus puissant du pays était le Général Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’armée algérienne. Mais lorsque le pays a renoué avec la paix et que les chars ont regagné les casernes, c’est Mediène qui est devenu « l’homme fort » du pays.

    La transition de la « guerre » à la « paix » et l’ascension de Mediène ont coïncidé avec la période entourant l’élection de Bouteflika à la Présidence de la République en 1999.
    Les faiblesses personnelles de ses semblables, telles que la propension à la corruption et les penchants sexuels, ont été des éléments fondamentaux dans la manière dont Mediène a exercé le contrôle. Il n’est donc pas surprenant que l’élément qui a décidé Mediène à accorder son soutien à Bouteflika en 1999 ait été la condamnation de ce dernier en 1983 dans le cadre d’un détournement de fonds des chancelleries algériennes, pour un montant total correspondant à 23 millions de dollars actuels, pendant qu’il était ministre des Affaires étrangères entre 1965 et 1978.
    Mediène est devenu « l’homme fort » incontesté de l’Algérie après les élections présidentielles d’avril 2004 et le limogeage inattendu de Mohamed Lamari qui a eu lieu quatre mois plus tard. Le complot qui a conduit à la mise à l’écart de Lamari comprenait un accord entre Bouteflika et Mediène visant à donner une nouvelle image de l’Algérie en écartant le général le plus haï à cette époque.
    Une fois Lamari parti, Bouteflika et Mediène se sont effectivement partagé le pouvoir pendant que le Général Smaïn Lamari (aucun lien de parenté avec Mohamed), l’adjoint de Mediène et chef de la Direction du contre-espionnage (DCE) faisait le « sale boulot ».

    Des ambitions grandioses
    Mediène est un homme extrêmement secret. Une seule photo de lui a été publiée et quasiment aucune de ses paroles n'ont été enregistrées. On suppose donc que son ambition de prendre le contrôle effectif du pays, si c’est bien de cela dont il s’agit, remonte à l’époque du départ de Lamari.

    Il existe toutefois un enregistrement de Mediène qui laisse à penser qu’il avait déjà un sens très développé de sa propre importance et de son pouvoir bien avant le « départ à la retraite » de Lamari.

    C’était en 1999, lorsque Fouad Boulemia a été interrogé et torturé par le DRS qui prétendait qu’il avait assassiné le leader du Front Islamique du Salut (FIS) Abdelkader Hachani.

    Au cours de son procès très controversé qui a duré une journée en avril 2001, Boulemia a rapporté qu’après avoir été torturé par des agents du DRS, Mediène est entré et lui a dit : « C’est moi le patron (ana rabha). Tu vas voir ce que je vais te faire. Si tu avoues que tu as tué Hachani, tu écoperas de 15 ans de prison et tes parents pourront te rendre visite. Si tu n’avoues pas, je vais t’emmener chez ta mère et je vais l'éviscérer sous tes yeux. Je suis le Général Toufik, le Dieu de l’Algérie (Rab Edzayer). »
    En dehors de son pouvoir de vie ou de mort sur de simples mortels, les autres attributs divins de Mediène semblent plus relever de l’aspect matériel que spirituel, comme en témoigne l’ampleur de ses participations et investissements dans les ressources naturelles et le secteur immobilier en Algérie.

    Signal d’avertissement
    Les difficultés actuelles du « Dieu de l’Algérie » ont commencé avec l’élection de Bouteflika pour un troisième mandat en avril 2009. En effet, un troisième mandat présidentiel exigeait d'amender la Constitution, mesure que le DRS a soutenue à contrecœur.

    Mais les conséquences de l’élection n’ont pas été celles que Mediène avait prévues. A peine Bouteflika a-t-il été installé dans le fauteuil de son troisième mandat que son « clan », conscient du mauvais état de santé du Président, a commencé à planifier sérieusement sa succession qui devait être assurée par son frère cadet, Said Bouteflika.
    Bien que considéré par beaucoup comme un incapable, Said Bouteflika était néanmoins en train d’établir une base de pouvoir politique. Il était devenu le « portier » du Président, assurait des fonctions de ministre-sans-portefeuille et rassemblait des soutiens parmi l’élite économique du pays. On parlait même d’un nouveau parti politique qui allait être créé pour lui.
    La perspective d'une telle succession dynastique n’était pas exactement ce que le chef des renseignements et de la sécurité avait en tête lorsqu’il avait donné son feu vert au troisième mandat de Bouteflika.

    Mediène observait l’avancée de Said sur le devant de la scène avec dégoût. Bien que le DRS se sente tout à fait capable de gérer le « problème de succession », Mediène était conscient du risque que Bouteflika essaye de se débarrasser de lui au cours de son troisième mandat comme il l’avait fait avec Lamari au début de son deuxième mandat. 
    Le signal d’avertissement est parvenu à Mediène lorsque Said Bouteflika s’est adjoint pour sa campagne les services de l’ancien chef de la sécurité, le Général Mohamed Betchine.

    La corruption comme moyen de contrôle








    Bouteflika a été élu Président de la République algérienne pour un troisième mandat en 2009 [GALLO/GETTY]
    Betchine avait été le chef des services de renseignement du pays et patron de Mediène dans les années 80, avant la création de la DRS en 1990, lorsqu’il a en apparence pris sa retraite.

    A la suite de leur coup d’État de janvier 1992, les Généraux ont gouverné pendant les deux années suivantes par l’intermédiaire du Haut Comité d’État (HCE). Au moment de la dissolution du HCE en janvier 1994, les Généraux ont désigné un de leurs hommes au poste de Président, Liamine Zeroual.
    Déterminé à ne pas être le pantin des Généraux, Zeroual a nommé, en tant que conseillers, les deux Généraux Saidi Fodil et Mohamed Betchine.

    En 1996, Zeroual avait décidé que Mediène était devenu trop puissant et avait programmé de le remplacer par Fodil. La réaction de Mediène ne s’est pas fait attendre : Fodil mourut dans un « accident de la route ».

    Un an plus tard, Zeroual a de nouveau tenté sa chance, en décidant cette fois de nommer Betchine ministre de la Défense afin de se débarrasser de Mediène. Les représailles de Mediène furent de nouveau rapides et catégoriques. Il a organisé des massacres de civils à grande échelle, à Raïs, Bentalha, Beni-Messous et ailleurs, amenant l’horreur et la psychose jusqu’aux portes d’Alger. Au même moment, il a mis la machinerie du DRS en œuvre pour détruire les affaires et la réputation de Betchine, poussant ainsi un homme brisé à la démission. Zeroual a suivi le mouvement.
    La réaction de Mediène à la perspective de voir Betchine ramené au pouvoir par Said Bouteflika a été dévastatrice. Sa stratégie a consisté à détruire toutes les personnes liées à Said Bouteflika en utilisant la bonne vielle combinaison « corruption – chantage ». En effet, l’une des raisons qui avait poussé Mediène à soutenir Bouteflika en 1999 et qui a fait que la corruption est devenue si répandue au cours des dix dernières années est que le DRS l’a encouragée et l’utilise comme moyen de contrôle.

    Chasse aux sorcières
    Mediène a commencé par dévoiler la corruption touchant le projet d’autoroute est-ouest, d’un montant de 12 milliards de dollars, à laquelle furent mêlés le ministère des travaux publics et son ministre Amar Ghoul, un ami de Said Bouteflika. L’avertissement n’a pas été entendu. L’attaque de Mediène, qui rappelle son opération de « destruction » de Betchine en 1998, est donc passée à la vitesse supérieure et s’est dirigée à la fois contre la Sonatrach, le géant du gaz et du pétrole algérien appartenant à l’État et source de 98 % des rentrées de devises de l’Algérie, et contre Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines, ami proche du Président et « symbole » de l’ère Bouteflika.
    Le « scandale de la Sonatrach », qui a éclaté en janvier 2010 avec l’arrestation du PDG de la société, de quatre de ses cinq vice-présidents ainsi que d’autres cadres supérieurs a très rapidement conduit l’économie et le gouvernement dans un état de quasi paralysie. Bouteflika n’est presque plus apparu en public tandis que la chasse aux sorcières menée par le DRS, sous couvert de l’enquête sur la corruption au sein de la Sonatrach, a fait perdre le sommeil à de nombreux membres des élites économiques et politiques du pays.
    A un moment donné, il a semblé que Bouteflika parviendrait à retourner la situation contre Mediène en désignant une « Commission de sécurité indépendante » destinée à enquêter sur certains dossiers non résolus datant d’époques antérieures.

    La commission a notamment cherché à déterminer le rôle joué par le DRS dans les assassinats de Mohamed Boudiaf, le premier Président du HCE, et de Saidi Fodil.

    Deux témoins de haut rang, l’un étant membre d’une unité spéciale du DRS impliquée dans les assassinats de Boudiaf et Fodil et l’autre, officier militaire de haut rang qui a confirmé l’existence de cette unité secrète du DRS, ont confirmé dans leurs déclarations que cette unité, sous le commandement des Généraux Mediène et Smaïn Lamari, avait organisé « l’accident de voiture » qui a coûté la vie à Fodil.

    Nous ne saurons probablement jamais quels sortilèges ont été jetés sur Bouteflika après la publication de ces témoignages mais il suffit de dire que l’on n’a plus jamais entendu parler de cette commission.
    Le remaniement ministériel opéré par Bouteflika en mai 2010 portait en filigrane la trace du scénario vainqueur de Mediène. Chakib Khelil et le ministre de l’Intérieur Nouredine « Yazid » Zerhouni, les deux principaux appuis de Bouteflika au sein du gouvernement, de même que d’autres ministres de moindre importance, ont été limogés. La proposition de donner la succession à Said Bouteflika est devenue de l’histoire ancienne.

    Victoire à la Pyrrhus
    Le fait que Mediène ait réussi à réduire le troisième mandat de Bouteflika à une présidence factice aurait pu lui procurer une certaine satisfaction personnelle, mais cette victoire est une victoire à la Pyrrhus pour au moins deux raisons.

    Premièrement, le scandale de la Sonatrach et l’exposition médiatique qui en a découlé ont coûté très cher à l’économie et à la réputation internationale de l’Algérie. Deuxièmement, un certain nombre d’autres révélations inattendues au cours des deux derniers mois ont été la cause de problèmes particulièrement malvenus pour Mediène.
    Ces révélations proviennent essentiellement d’entretiens récents accordés à Quds Press par l’ancien agent du DRS, Karim Moulay. Non seulement Moulay a rappelé aux algériens et au monde entier l’implication des services de sécurité du pays dans les massacres de 1990, mais, pire encore pour Mediène, il a témoigné publiquement que Mediène en personne avait non seulement ordonné le massacre de Beni Messous du 5 septembre 1997, dans lequel quelque 200 personnes vivant dans des baraques de chantier ont été abattues, mais qu’il s'agissait en fait d'une opération « immobilière » visant à récupérer du terrain au profit de sa propre famille.
    Moulay a également déclaré que le DRS, sous les ordres de Mediène, a planifié et exécuté l’attaque « terroriste » d’août 1994 contre l’hôtel Asni à Marrakech au Maroc, dans lequel deux touristes espagnols ont trouvé la mort et un troisième a été blessé. Reste à savoir si l’Espagne a prévu de rouvrir le dossier et comment le Maroc réagira.
    Les relations entre l’Algérie et le Maroc risquent de se dégrader encore davantage avec les activités d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le Maroc connaît l’implication du DRS dans l’établissement d’AQMI au Sahara et au Sahel. Maintenant que l’on sait qu’Omar Ahmed Ould Sidi Ould Hama, le ravisseur des trois travailleurs humanitaires espagnols enlevés en Mauritanie en novembre dernier, est un membre du Front Polisario, qui est géré de près par le DRS, les protestations du Maroc affirmant que le Front Polisario est instrumentalisé par l’Algérie, ou du moins par le DRS, à des fins « terroristes » sont soudainement prises au sérieux.
    En outre, le nombre croissant d'articles indiquant qu’AQMI au Sahel a été créé de toutes pièces par le DRS suscite un certain malaise à Washington. Là encore, le blâme revient à Mediène.
    Sur le plan intérieur, on estime que le DRS est mis sous pression, peut-être par des éléments au sein de l’armée et de ses propres rangs, par le fait que le « terrorisme » dans le nord du pays est susceptible d'empirer, et non de régresser comme le prétend le gouvernement, et que les troubles civils à travers le pays atteignent des niveaux alarmants.
    Des rumeurs indiquent que des tierces parties intermédiaires auraient parlé avec Mediène et Bouteflika et conclu un accord selon lequel Mediène « prendrait sa retraite » suivi de près par Bouteflika pour raisons de santé, et le pays serait gouverné jusqu’aux élections de 2014 par un ou des Vice-président(s) nommé(s) quelque temps avant le départ de Bouteflika.
    L’Algérie vit au rythme des rumeurs et celle-ci ressemble étrangement à celle du printemps 2001 selon laquelle les troubles Berbères mettraient fin à la carrière de Mediène.

    Mais en 2001, Mediène a été sauvé, à deux reprises, par les attentats du 11 septembre. La première fois parce qu’en ce jour fatidique, il se trouvait dans la partie du Pentagone qui n’a pas été touchée. La seconde fois parce qu'il est immédiatement devenu un allié incontournable de Washington dans sa « guerre globale contre le terrorisme ». 

    Il est peu probable que Washington essaie de lui venir en aide aujourd'hui. Après tout, c’est en grande partie grâce aux erreurs du DRS que nous avons été en mesure de dire que le front du Sahara-Sahel dans la « guerre globale contre le terrorisme » est une création américano-algérienne.

    Jeremy Keenan est professeur et chercheur associé à la “School of Oriental and African Studies” (École des études orientales et africaines) de l'Université de Londres et auteur du livre "The Dark Sahara: Americas War on Terror in Africa" (Sombre Sahara: la guerre de l’Amérique contre le terrorisme en Afrique). 
    Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale d’Al Jazeera.

    Les opinions doivent évoluer au diapason des temps modernes. Il est temps que l'on cesse de penser comme le ministre Mahamadou Karidjo qui fait usage des termes comme « peaux rouges », "un terme utilisé dans cette région pour qualifier les communautés touarègue et arabe" selon RFI


    Les opinions doivent évoluer au diapason des temps modernes. Il est temps que l'on cesse de penser comme le ministre Mahamadou Karidjo qui fait usage des termes comme « peaux rouges », "un terme utilisé dans cette région pour qualifier les communautés touarègue et arabe" selon RFI. Même aux États-Unis, où les amérindiens, premiers habitants de l'Amérique du Nord étaient jadis victimes de cette appellation, ce qualificatif a disparu. Il n' y a aucune raison qu'il réapparaisse au Niger, l'une des premières nations de cultures diversifiées, où la paix dans le cœur de chacun a toujours régné. En tant que citoyen Lambda, je conseillerais à nos hommes politiques, de peser les mots, et de faire des apparitions responsables et novatrices des relations humaines et de la paix; et interdire ce genre d'appellation même au plus fin vagabond de la rue. Au Niger, il n'y a pas des rouges, ni des noirs, ni des jaunes. Il y a un peuple uni, solidaire, où le fond culturel de chacune des ethnies qui le composent est un cordon en acier historique qui la lie définitivement aux autres.

    Iyado tinariwen foreveeeerrr!!

    @Touaregconnections/Tirs à l'arme lourde entendue à Dirkou frontière nigero-libyenne...