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Plus de deux mois après le début des frappes de l'Otan, Kadhafi s'accroche au pouvoir. Le point sur un conflit qui s'enlise.
« On en a marre de l'affaire DSK », nous écrivez-vous. Vous réclamez des nouvelles de la Libye dont on parle moins ; la faute à l'actu intérieure et à l'enlisement de l'Otan, engagée dans ce conflit depuis le 17 mars.
Des frappes éclairs initialement prévues pour déloger le colonel Kadhafi au lâchage des Russes, en passant par les missions de bombardement déjà réalisées sans parvenir à déloger le « Guide », Rue89 vous propose un point sur la situation.
Où est le colonel Kadhafi ?
Mouammar Kadhafi n'a pas fait d'apparition publique depuis le 30 avril, après un raid au cours duquel son plus jeune fils a été tué. Au début du mois de mai, unenregistrement sonore diffusé par la télévision libyenne laissait entendre que le Guide avait quitté sa résidence de Tripoli, « pour un lieu secret ».
Cependant, selon toute vraisemblance, Mouammar Kadhafi est toujours dans sa résidence officielle, quotidiennement bombardée par l'Otan, et risque de n'en pas sortir ; la déclaration commune du G8 de ce vendredi 27 mai est déterminée, la coalition « va finir le job ». Le ministre de la Défense Alain Juppé a même avancé que Kadhafi serait bouté dehors d'ici la fin du mois de juin.
Plus aucun pays étranger n'est aujourd'hui prêt à lui offrir l'asile politique. Lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet de Deauville, Dmitri Medvedev a fait savoir que la Russie, jusque-là très réservée sur l'opération militaire en Libye, n'était pas favorable à l'accueil de Kadhafi. Le Président russe s'est déclaré prêt à ouvrir des négociations :
« S'il prend cette décision importante, cela profiterait au pays et au peuple libyen. C'est alors seulement que l'on pourrait discuter de savoir quel pays accepterait de l'accueillir et à quelles conditions. »
Le régime libyen a fait savoir qu'il rejetait les appels à la démission des membres duG8 « sans autre pouvoir qu“économique”. Les Libyens ont également rejeté l'offre de médiation russe mais, désomais, esseulé – le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé son inculpation pour crimes contre l'humanité – et piégé sous les bombardements quotidiens de l'Otan, le Guide, d'après des sources citées par différents médias, serait prêt à négocier son départ.
Le président sud-africain Jacob Zuma doit ainsi en rendre en Libye lundi 30 mai pour »discuter avec le leader libyen d'une stratégie de sortie ».
Où en sont les rebelles ?
Le pays est aujourd'hui divisé. A l'Est, les rebelles sont parvenus à conserver Benghazi, leur capitale et la ville d'Ajdabiya. Des combats violents ont toujours cours à Misrata, troisième ville du pays, et Brega.
A l'Ouest, les rebelles libyens essuient de lourdes pertes. Les villes de Zawiyah et Zliten sont toujours tenues par les forces gouvernementales. Un porte-parole du Conseil national de transition (CNT) évoque une situation dramatique à la frontière tunisienne :
« Toutes les routes sont aux mains des forces de Kadhafi. Les hôpitaux ne reçoivent plus d'approvisionnement […]. La situation est tellement compliquée, proche du désastre, que les blessés sont transportés à dos d'âne par les montagnes vers Nalout [ville à la frontière avec la Tunisie, ndlr]. »
Dans la région du Djebel Nefoussa, les attaques de militaires libyens s'intensifient. A Zentane, une ville tenue par les rebelles à 150 km au sud-ouest de Tripoli, des centaines de roquettes ont été tirées depuis vendredi. On compte plusieurs centaines de blessés. Des obus tirés par les forces loyalistes ont également atteint le territoire tunisien au début du mois.
Des vidéos témoignant de la violence des combats sont régulièrement postées sur lesite du mouvement du 17-Février. Ci-dessous, des images tournées à Misrata. On voit les rebelles tenter de dégager une maison où se sont réfugiés des fidèles de Kadhafi. (Voir la vidéo)
Quel est le bilan humain ?
A la mi-avril, le chef du Conseil national de transition libyen, Moustapha Abdeljalil, parlait de quelque 10 000 morts et 55 000 blessés. Un mois plus tard, aucun bilan officiel n'a été dressé mais plusieurs attaques ont lourdement frappé les civils. La plus meurtrière a fait 19 morts et plus de 130 blessés à Tripoli.
Dans une interview accordée à CNN, la femme de Mouammar Kadhafi a condamné l'action de l'Otan, qualifiant les frappes de « crimes de guerre » et faisant référence au raid qui a tué son fils Seil al-Arab le 30 avril et trois de ses petits enfants :
« Mes enfants sont des civils et ils ont été visés. Mais qu'est-ce qu'ils ont à voir dans tout ceci ? Ils ont tué mon fils, ils tuent le peuple libyen. »
Depuis le début de la guerre, un nombre important de réfugiés s'est massé aux frontières avec l'Egypte et la Tunisie, créant une crise humanitaire importante. Ils sont 750 000, Libyens et étrangers, à avoir quitté le pays. Un rapport établi par la Cimade fait état d'incidents graves dans les camps de réfugiés en Tunisie :
»« Ils brûlent toutes les tentes une à une, on est dans le désert, on voit les tentes qui brûlent et on a peur », nous a déclaré par téléphone […] un réfugié du camp de la Chucha à la frontière tuniso-libyenne. « Toute la journée, il y a eu des agressions et des pillages, on ne sait pas s'il y a eu des morts, mais il y a des blessés. Des hommes sont armés de couteaux et de machettes […]. »La Tunisie a accueilli depuis le mois de février plus de 380 000 exilés de Libye, la plupart au camp de la Chucha à quelques kilomètres de la frontière. Quelques 3 000 personnes sont présentes dans ce camp depuis des semaines, voire des mois et leur inquiétude sur leur devenir s'est transformée […] en cauchemar.Trois mille personnes dont on sait depuis des semaines, contrairement aux dizaines de milliers d'autres qui ont pu rentrer chez elles, qu'un retour au pays n'est pas possible (Somaliens, Erythréens, Ivoiriens, Soudanais etc.). »
Ces incidents ont fait six morts. Désormais détruits, ces camps vont être déplacés. Certains réfugiés vont être rapatriés dans des pays européens et d'Amérique du Nord ayant accepté de leur accorder le statut de réfugié politique.
Photo : des rebelles libyens sur un Jet militaire détruit, du gouvernement, près de l'aéroport de Misrata, le 28 mai 2011 (Zohra Bensemra/Reuters).
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