NOUS, TOUAREGS........
Ce texte a été publié en été 1990 par un groupe d'intellectuels Touaregs. Il avait pour objectif de donner un aperçu de la situation du peuple Touareg.
- Ses problèmes.
- Ses aspirations.
Nous, Touaregs, prenons la liberté d'en appeler à la France et à la communauté internationale afin d'attirer leur attention sur la situation dans laquelle se trouve notre peuple aujourd'hui.
Nous tenons à souligner que notre démarche s'adresse ici en France à la personne de Monsieur le Président de la République, mais qu'elle nous parait devoir concerner également tous les hommes politiques ainsi que chaque citoyen français, qu'elles que soient leurs sensibilités ou leurs appartenances, tant il est vrai que notre histoire et nos drames sont étroitement liés au passé récent de la France.
Nos traditions ne nous prédisposent pas particulièrement à lancer des appels au secours mais la nécessité nous impose de le faire au moment où notre peuple est à l'agonie.
Ce texte a été publié en été 1990 par un groupe d'intellectuels Touaregs. Il avait pour objectif de donner un aperçu de la situation du peuple Touareg.
- Ses problèmes.
- Ses aspirations.
Nous, Touaregs, prenons la liberté d'en appeler à la France et à la communauté internationale afin d'attirer leur attention sur la situation dans laquelle se trouve notre peuple aujourd'hui.
Nous tenons à souligner que notre démarche s'adresse ici en France à la personne de Monsieur le Président de la République, mais qu'elle nous parait devoir concerner également tous les hommes politiques ainsi que chaque citoyen français, qu'elles que soient leurs sensibilités ou leurs appartenances, tant il est vrai que notre histoire et nos drames sont étroitement liés au passé récent de la France.
Nos traditions ne nous prédisposent pas particulièrement à lancer des appels au secours mais la nécessité nous impose de le faire au moment où notre peuple est à l'agonie.
I. REPÈRES HISTORIQUES
On nous permettra de rappeler d'abord que lors du partage de l'Afrique au début de ce siècle, le Sahara fut la dernière région à tomber aux mains de la colonisation.
Pendant plus d'un quart de siècle en effet, les troupes françaises restèrent aux portes de cet immense territoire avec l'espoir permanent d'opérer une jonction entre ses deux rives. La méconnaissance de la région, sa nature hostile, la carence des moyens de transport, avaient, pour une grande part, retardé l'accomplissement de cette entreprise.
Cependant, même quand ces difficultés furent aplanies, les premières tentatives de pénétration du Sahara furent de cinglants échecs comme l'illustre en particulier, le sort tragique de la mission Flatters.
L'armée coloniale devait progressivement reconnaître qu'un obstacle majeur, le facteur humain, n'avait pas été envisagé.
Ce désert, d'apparence vide, abritait des hommes qui, au fil du temps, s'y étaient adaptés, en avaient fait leur pays, et entendaient bien le défendre.
Depuis la nuit des temps, nous avions couvert de notre écriture, les Tifinagh, ses grottes, ses rochers et ses puits.
Les militaires français durent convenir qu'ils se heurtaient à une armée de guerriers courageux et bien organisés.
Cependant, la supériorité des armes à feu sur nos lances et nos sabres, la loi du nombre, la coalition des troupes coloniales avec nos voisins et bien d'autres raisons encore se conjuguèrent pour entraîner notre défaite après de sanglants combats, Tit dans le Hoggar, Tombouctou, Anderamboukane dans l'Azawagh, Tadjmout dans l'Aïr.
Même la paix établie, certains d'entre nous continuèrent la lutte, préférant la mort à la soumission : comme Fihroun ag Alinsar dans l'Azawagh, Allah ag Albacher dans l'Adrar des Ifoghas, Attisi dans le Hoggar, Kawsen dans l'Aïr et d'autres encore dont l'Histoire a oublié les noms.
Ainsi fut conquise notre patrie, le Sahara central.
Pour s'assurer du caractère définitif de notre défaite, on prit soin de nous désarmer et de diviser notre terre.
Comme vous le savez, le point de rencontre des troupes descendant de l'Afrique du Nord et de celles montant de l'A.O.F. devait devenir une frontière partageant notre territoire. Le contact entre les deux armées s'opérant dans une tension très vive opposant les troupes d'Afrique Française à celles qui, parties du Nord, comptaient bien étendre la surface de l'Algérie.
Cette ligne, fruit du hasard, matérialisa pour nous l'ordre colonial, même si, ne faisant que séparer trois administrations différentes de la même République Française, elle permettait encore notre nomadisation.
A partir des années 1920, la paix coloniale nous donna une ère de relative prospérité. Notre peuple fut bien traité et respecté par les autorités militaires françaises. Le mythe des "hommes bleus", né de l'immensité même du désert, de la méfiance mêlée à une certaine admiration de ses habitants, avait été très largement entretenu et développé par les anthropologues et les écrivains.
Peut-être commençait-on à comprendre que nous étions dépositaires d'un mode de vie, d'une culture et de valeurs dont la disparition aurait amputé l'humanité d'une partie de son patrimoine
Ainsi, notre société fut étudiée attentivement sans devoir souffrir une altération, du fait de la faible densité de la colonisation.
Ceci explique également que la scolarisation de nos enfants, envisagée dès le début de la conquête, n'ait commencé qu'en 1947.
Mais cette situation, si elle nous avait permis de garder intact notre système traditionnel, empêcha l'adaptation de notre mentalité aux nouvelles données du monde moderne.
Nous ne fûmes pas non plus concernés par la seconde guerre mondiale ni par les mouvements d'indépendance qui, immédiatement après, agitèrent l'Afrique.
A partir de 1958, nous avons constaté le départ progressif des troupes sans comprendre sa signification ; il nous a été nécessaire d'attendre leur retrait total de notre territoire et leur remplacement par d'autres, dont nous ignorions l'existence, pour entendre prononcer le mot d'indépendance.
Nous sûmes, hélas, rapidement, que cette indépendance n'était pas pour nous, et nous nous demandons encore aujourd'hui, avec amertume, pourquoi la France, rendant sa liberté aux
peuples de l'Afrique de l'Ouest, avait omis la notre, choisissant de la confisquer et de nous livrer ainsi à une nouvelle colonisation.
Sur quelles raisons historiques, politiques ou humaines pouvait s'appuyer une semblable décision? Pourquoi disposait-on ainsi de notre destin ? Avec les conséquences tragiques que nous subissons encore aujourd'hui.
Le Mali et le Niger accédaient ainsi à l'indépendance Leurs frontières tracées par l'administration coloniale de la façon que l'on sait, englobaient notre territoire par la simple logique du système colonial.
Dès leur arrivée, dans nos régions, les soldats maliens et nigériens se distinguent de leurs homologues français par une attitude hostile, comparable à celle d'une armée en pays ennemi. Actes odieux sur la population, viols, réquisition des chameaux, interdiction des échanges caravaniers, lourdes taxes sur le bétail, humiliations publiques des chefs coutumiers...
Ces mauvais traitements répétés ne pouvaient qu'engendrer un mécontentement dont l'aboutissement fut le soulèvement qui éclata en 1962 dans l'Adrar des Ifoghas.
Équipée de blindés, encadrée par les officiers qui avaient participé aux campagnes de France, d'Indochine et d'Algérie, l'armée malienne entra en action contre nous.
Dans le même temps, le président du Mali, Modibo Keita, fort de son succès diplomatique dans la réconciliation de l'Algérie et du Maroc après les incidents frontaliers qui les avaient opposés, obtint de ces deux pays leur appui dans la constitution d'un front commun anti- touareg, nous décrivant auprès d'eux comme des nostalgiques de la colonisation.
Cet accord nous coupait toute retraite vers le nord et laissait les mains libres à l'armée malienne pour nous écraser par une impitoyable répression.
Exécutions sommaires et publiques quotidiennes, campements brûlés à l'essence, minage et empoisonnement des puits, extermination du bétail à la mitrailleuse lourde furent notre seul horizon.
Personne ne tenta d'arrêter ce massacre ni de dénoncer le génocide d'un peuple qui luttait pour sa survie.
La France resta silencieuse.
Cette guerre chassa beaucoup d'entre nous vers les localités des frontières algériennes où ils
durent se sédentariser.
De même, depuis l'indépendance, en 1960, les différents régimes civils ou militaires qui se sont succédés au Niger ont tenu les Touaregs à l'écart de la vie politique et socio-économique du pays.
L'arrivée des militaires au pouvoir en avril 1974 n'a rien changé, elle a au contraire aggravé une situation déjà dramatique.
C'est ainsi qu'a été organisée une répression féroce dans les milieux touaregs, principalement parmi les intellectuels (assassinats, disparitions, tortures, arrestations arbitraires, etc.). A la suite de cette répression, plusieurs centaines de Touaregs ont fui le pays. Parmi eux, Hamed Moussa Amadou, ancien député, condamné à mort par contumace par les autorités nigériennes, Mohamed Ahmadou, conseiller spécial du président de la République, Abdoulaye Mohamed, haut fonctionnaire au ministère du commerce, des professeurs et des officiers.
La plupart de ces gens ont trouvé refuge en Algérie ou en Libye.
Les grandes sécheresses des années 1970 et 1980, en décimant notre cheptel, accentuèrent ce processus. Ces calamités naturelles furent d'ailleurs sournoisement utilisées comme arme politique par les gouvernements pour essayer d'en finir avec nous. C'est ainsi que la grande sécheresse de 1973-74 a été utilisée comme arme pour en finir avec les Touaregs de façon définitive : puits et vivres empoisonnés, aides internationales détournées, population déplacée et abandonnée, etc.
La sécheresse de 1984 a donné une fois de plus aux autorités nigériennes l'occasion de continuer l'extermination des Touaregs comme en 1973-74. Cette répression a été menée par Tanja Mamadou, à l'époque préfet de Tahoua.
Plusieurs milliers de personnes ont fui vers l'Algérie et celle-ci a accepté de les accueillir et de les installer à In Guezzam, poste frontalier nigéro-algérien. Quelques dix-huit mille Touaregs, doublement victimes de la répression politique et de la grande sécheresse y furent dénombrés.
Notre migration en effet bénéficia d'un accueil favorable dans ce pays après le changement de régime intervenu en 1964. L'Algérie répondait ainsi par une fin de non-recevoir aux demandes pressantes du gouvernement malien de nous rapatrier afin d'obtenir une aide internationale en exploitant notre drame.
Cette attitude fut aussi celle de la Libye après les sécheresses des années 1980. Nombre d'entre nous, y travaillant, purent, grâce à des emplois salariés, gagner assez d'argent pour reconstituer partiellement leur cheptel et reprendre une vie décente.
Cette période de répit fut, malheureusement, de courte durée.
Le Mali et le Niger avaient toujours vu d'un mauvais oeil notre expatriation vers le nord et surtout en Libye. Nous étions désignés comme étant les agents manipulés par le colonel Khaddafi en vue de déstabiliser le Sahel, La guerre frontalière du Tchad était un argument précieux pour duper de manière habile l'opinion occidentale en se faisant passer pour menacés.
Ceci permettait d'une part de recevoir une aide économique pour équiper leurs armées, d'autre part de justifier toutes les exactions dont nous étions l'objet dans ces deux pays.
Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone, bons uniquement à payer de lourds impôts et à se débrouiller seuls pour vivre exclus autour des villes et de villages. Notre fonction devient d'attirer des touristes et l'aide internationale.
Le temps a prouvé maintenant que ces pays n'ont aucun désir de nous intégrer. Depuis l'indépendance, aucune réalisation n'a intéressé nos régions et certaines postes à responsabilités nous sont toujours fermés (peu de hauts cadres touaregs dans l'armée et la fonction publique).
Le Mali et le Niger ont choisi de nous combattre à cause de notre différence culturelle. Nous devenons, chaque jour un peu plus, étrangers sur notre propre terre à la merci des abus de toutes sortes : un peuple qui meurt.
Nous n'avons plus le droit de parler notre langue et nos enfants sont contraints d'apprendre celle des autres, nos traditions sont bafouées et notre jeunesse incitée à les mépriser ? Nos filles sont à la merci de la soldatesque malienne et nigérienne.
Nos biens et nos animaux sont saisis et leurs propriétaires emprisonnés pour le franchissement de frontières imprécises.
Nos aires de pâturage sont piétinées et détruites pour nous réduire à la misère.
Est-il nécessaire de rappeler à la France que nous avons une culture, une Histoire une langue, une écriture et que nous avions jadis un pays?
Devons nous disparaître pour qu'éclate enfin dans le monde le scandale de l'injustice qui nous est faite?
Avons-nous tort de vouloir vivre libres selon nos coutumes et notre culture, qui ne sont pas plus que les autres fermées aux échanges et à la modernité?
Depuis les indépendances nous n’avons connu que l'administration militaire, la loi du fusil, le mépris l'injustice et la haine.
Pendant plus d'un quart de siècle en effet, les troupes françaises restèrent aux portes de cet immense territoire avec l'espoir permanent d'opérer une jonction entre ses deux rives. La méconnaissance de la région, sa nature hostile, la carence des moyens de transport, avaient, pour une grande part, retardé l'accomplissement de cette entreprise.
Cependant, même quand ces difficultés furent aplanies, les premières tentatives de pénétration du Sahara furent de cinglants échecs comme l'illustre en particulier, le sort tragique de la mission Flatters.
L'armée coloniale devait progressivement reconnaître qu'un obstacle majeur, le facteur humain, n'avait pas été envisagé.
Ce désert, d'apparence vide, abritait des hommes qui, au fil du temps, s'y étaient adaptés, en avaient fait leur pays, et entendaient bien le défendre.
Depuis la nuit des temps, nous avions couvert de notre écriture, les Tifinagh, ses grottes, ses rochers et ses puits.
Les militaires français durent convenir qu'ils se heurtaient à une armée de guerriers courageux et bien organisés.
Cependant, la supériorité des armes à feu sur nos lances et nos sabres, la loi du nombre, la coalition des troupes coloniales avec nos voisins et bien d'autres raisons encore se conjuguèrent pour entraîner notre défaite après de sanglants combats, Tit dans le Hoggar, Tombouctou, Anderamboukane dans l'Azawagh, Tadjmout dans l'Aïr.
Même la paix établie, certains d'entre nous continuèrent la lutte, préférant la mort à la soumission : comme Fihroun ag Alinsar dans l'Azawagh, Allah ag Albacher dans l'Adrar des Ifoghas, Attisi dans le Hoggar, Kawsen dans l'Aïr et d'autres encore dont l'Histoire a oublié les noms.
Ainsi fut conquise notre patrie, le Sahara central.
Pour s'assurer du caractère définitif de notre défaite, on prit soin de nous désarmer et de diviser notre terre.
Comme vous le savez, le point de rencontre des troupes descendant de l'Afrique du Nord et de celles montant de l'A.O.F. devait devenir une frontière partageant notre territoire. Le contact entre les deux armées s'opérant dans une tension très vive opposant les troupes d'Afrique Française à celles qui, parties du Nord, comptaient bien étendre la surface de l'Algérie.
Cette ligne, fruit du hasard, matérialisa pour nous l'ordre colonial, même si, ne faisant que séparer trois administrations différentes de la même République Française, elle permettait encore notre nomadisation.
A partir des années 1920, la paix coloniale nous donna une ère de relative prospérité. Notre peuple fut bien traité et respecté par les autorités militaires françaises. Le mythe des "hommes bleus", né de l'immensité même du désert, de la méfiance mêlée à une certaine admiration de ses habitants, avait été très largement entretenu et développé par les anthropologues et les écrivains.
Peut-être commençait-on à comprendre que nous étions dépositaires d'un mode de vie, d'une culture et de valeurs dont la disparition aurait amputé l'humanité d'une partie de son patrimoine
Ainsi, notre société fut étudiée attentivement sans devoir souffrir une altération, du fait de la faible densité de la colonisation.
Ceci explique également que la scolarisation de nos enfants, envisagée dès le début de la conquête, n'ait commencé qu'en 1947.
Mais cette situation, si elle nous avait permis de garder intact notre système traditionnel, empêcha l'adaptation de notre mentalité aux nouvelles données du monde moderne.
Nous ne fûmes pas non plus concernés par la seconde guerre mondiale ni par les mouvements d'indépendance qui, immédiatement après, agitèrent l'Afrique.
A partir de 1958, nous avons constaté le départ progressif des troupes sans comprendre sa signification ; il nous a été nécessaire d'attendre leur retrait total de notre territoire et leur remplacement par d'autres, dont nous ignorions l'existence, pour entendre prononcer le mot d'indépendance.
Nous sûmes, hélas, rapidement, que cette indépendance n'était pas pour nous, et nous nous demandons encore aujourd'hui, avec amertume, pourquoi la France, rendant sa liberté aux
peuples de l'Afrique de l'Ouest, avait omis la notre, choisissant de la confisquer et de nous livrer ainsi à une nouvelle colonisation.
Sur quelles raisons historiques, politiques ou humaines pouvait s'appuyer une semblable décision? Pourquoi disposait-on ainsi de notre destin ? Avec les conséquences tragiques que nous subissons encore aujourd'hui.
Le Mali et le Niger accédaient ainsi à l'indépendance Leurs frontières tracées par l'administration coloniale de la façon que l'on sait, englobaient notre territoire par la simple logique du système colonial.
Dès leur arrivée, dans nos régions, les soldats maliens et nigériens se distinguent de leurs homologues français par une attitude hostile, comparable à celle d'une armée en pays ennemi. Actes odieux sur la population, viols, réquisition des chameaux, interdiction des échanges caravaniers, lourdes taxes sur le bétail, humiliations publiques des chefs coutumiers...
Ces mauvais traitements répétés ne pouvaient qu'engendrer un mécontentement dont l'aboutissement fut le soulèvement qui éclata en 1962 dans l'Adrar des Ifoghas.
Équipée de blindés, encadrée par les officiers qui avaient participé aux campagnes de France, d'Indochine et d'Algérie, l'armée malienne entra en action contre nous.
Dans le même temps, le président du Mali, Modibo Keita, fort de son succès diplomatique dans la réconciliation de l'Algérie et du Maroc après les incidents frontaliers qui les avaient opposés, obtint de ces deux pays leur appui dans la constitution d'un front commun anti- touareg, nous décrivant auprès d'eux comme des nostalgiques de la colonisation.
Cet accord nous coupait toute retraite vers le nord et laissait les mains libres à l'armée malienne pour nous écraser par une impitoyable répression.
Exécutions sommaires et publiques quotidiennes, campements brûlés à l'essence, minage et empoisonnement des puits, extermination du bétail à la mitrailleuse lourde furent notre seul horizon.
Personne ne tenta d'arrêter ce massacre ni de dénoncer le génocide d'un peuple qui luttait pour sa survie.
La France resta silencieuse.
Cette guerre chassa beaucoup d'entre nous vers les localités des frontières algériennes où ils
durent se sédentariser.
De même, depuis l'indépendance, en 1960, les différents régimes civils ou militaires qui se sont succédés au Niger ont tenu les Touaregs à l'écart de la vie politique et socio-économique du pays.
L'arrivée des militaires au pouvoir en avril 1974 n'a rien changé, elle a au contraire aggravé une situation déjà dramatique.
C'est ainsi qu'a été organisée une répression féroce dans les milieux touaregs, principalement parmi les intellectuels (assassinats, disparitions, tortures, arrestations arbitraires, etc.). A la suite de cette répression, plusieurs centaines de Touaregs ont fui le pays. Parmi eux, Hamed Moussa Amadou, ancien député, condamné à mort par contumace par les autorités nigériennes, Mohamed Ahmadou, conseiller spécial du président de la République, Abdoulaye Mohamed, haut fonctionnaire au ministère du commerce, des professeurs et des officiers.
La plupart de ces gens ont trouvé refuge en Algérie ou en Libye.
Les grandes sécheresses des années 1970 et 1980, en décimant notre cheptel, accentuèrent ce processus. Ces calamités naturelles furent d'ailleurs sournoisement utilisées comme arme politique par les gouvernements pour essayer d'en finir avec nous. C'est ainsi que la grande sécheresse de 1973-74 a été utilisée comme arme pour en finir avec les Touaregs de façon définitive : puits et vivres empoisonnés, aides internationales détournées, population déplacée et abandonnée, etc.
La sécheresse de 1984 a donné une fois de plus aux autorités nigériennes l'occasion de continuer l'extermination des Touaregs comme en 1973-74. Cette répression a été menée par Tanja Mamadou, à l'époque préfet de Tahoua.
Plusieurs milliers de personnes ont fui vers l'Algérie et celle-ci a accepté de les accueillir et de les installer à In Guezzam, poste frontalier nigéro-algérien. Quelques dix-huit mille Touaregs, doublement victimes de la répression politique et de la grande sécheresse y furent dénombrés.
Notre migration en effet bénéficia d'un accueil favorable dans ce pays après le changement de régime intervenu en 1964. L'Algérie répondait ainsi par une fin de non-recevoir aux demandes pressantes du gouvernement malien de nous rapatrier afin d'obtenir une aide internationale en exploitant notre drame.
Cette attitude fut aussi celle de la Libye après les sécheresses des années 1980. Nombre d'entre nous, y travaillant, purent, grâce à des emplois salariés, gagner assez d'argent pour reconstituer partiellement leur cheptel et reprendre une vie décente.
Cette période de répit fut, malheureusement, de courte durée.
Le Mali et le Niger avaient toujours vu d'un mauvais oeil notre expatriation vers le nord et surtout en Libye. Nous étions désignés comme étant les agents manipulés par le colonel Khaddafi en vue de déstabiliser le Sahel, La guerre frontalière du Tchad était un argument précieux pour duper de manière habile l'opinion occidentale en se faisant passer pour menacés.
Ceci permettait d'une part de recevoir une aide économique pour équiper leurs armées, d'autre part de justifier toutes les exactions dont nous étions l'objet dans ces deux pays.
Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone, bons uniquement à payer de lourds impôts et à se débrouiller seuls pour vivre exclus autour des villes et de villages. Notre fonction devient d'attirer des touristes et l'aide internationale.
Le temps a prouvé maintenant que ces pays n'ont aucun désir de nous intégrer. Depuis l'indépendance, aucune réalisation n'a intéressé nos régions et certaines postes à responsabilités nous sont toujours fermés (peu de hauts cadres touaregs dans l'armée et la fonction publique).
Le Mali et le Niger ont choisi de nous combattre à cause de notre différence culturelle. Nous devenons, chaque jour un peu plus, étrangers sur notre propre terre à la merci des abus de toutes sortes : un peuple qui meurt.
Nous n'avons plus le droit de parler notre langue et nos enfants sont contraints d'apprendre celle des autres, nos traditions sont bafouées et notre jeunesse incitée à les mépriser ? Nos filles sont à la merci de la soldatesque malienne et nigérienne.
Nos biens et nos animaux sont saisis et leurs propriétaires emprisonnés pour le franchissement de frontières imprécises.
Nos aires de pâturage sont piétinées et détruites pour nous réduire à la misère.
Est-il nécessaire de rappeler à la France que nous avons une culture, une Histoire une langue, une écriture et que nous avions jadis un pays?
Devons nous disparaître pour qu'éclate enfin dans le monde le scandale de l'injustice qui nous est faite?
Avons-nous tort de vouloir vivre libres selon nos coutumes et notre culture, qui ne sont pas plus que les autres fermées aux échanges et à la modernité?
Depuis les indépendances nous n’avons connu que l'administration militaire, la loi du fusil, le mépris l'injustice et la haine.
II. LES ÉVÉNEMENTS ACTUELS AU NIGER ET AU MALI
C'est dans ce contexte que surviennent les événements actuels du Niger et du Mali.
Après la mort du général Kountché à la fin de 1987, le nouveau président, Le général Ali Saïbou, a montré une volonté d'ouverture envers les touaregs nigériens, notamment par une amnistie générale à tous les exilés. Les Touaregs et leurs responsables désireux de rentrer dans "leur pays" ont accepté d'y revenir, étant assurés d'y pouvoir vivre comme tous les Nigériens.
Ainsi, à la fin du mois d'août 1989, huit cents personnes sont arrivées à Niamey par trois vols spéciaux venant directement de Tripoli. De la fin de décembre 1989 au début de janvier 1990, ce sont quelques dix-huit mille personnes réfugiées à In Guezzam depuis 1984-1985 qui arrivent à Tchin Tabaraden selon les accords signés à Tamanrasset entre le Niger, l’Algérie et le F.I.D.A.( Fonds international pour le développement agricole ).
Après le retour de ces réfugiés, on a constaté un changement d'attitude des autorités nigériennes. La plupart de ces réfugiés ont été cantonnés dans des camps autour de Tchin Tabaraden.
Les 4 et 5 mai, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées à Tchin Tabaraden pour avoir osé demander des explications aux autorités locales au sujet de l'interruption de l'aide internationale et à propos de la surveillance dans les camps de regroupement dont les nouveaux arrivant faisaient l'objet (interdiction de voyager, d'envoyer les enfants à l'école, d'avoir des activités commerciales, manque de soins élémentaires, etc.).
Le 7 mai 1990, quelques jeunes Touaregs, excédés par cette situation, décidèrent d'aller à la prison de Tchin-Tabaraden libérer leurs camarades arrêtés quelques jours auparavant. Dans l'altercation avec les gardiens de la prison, un de ces derniers trouva la mort. Après cet incident, le groupe de jeunes, redoutant la réaction des autorités, disparaîtra dans la nature. La nouvelle parvient quelques heures plus tard à Tahoua et Niamey qui dépêcheront immédiatement des centaines de militaires avec l'ordre de quadriller toute la région. Dès leur arrivée à Tchin-Tabaraden, ceux-ci se mirent à bombarder la ville sans même y entrer pour savoir ce qui se passait. Des dizaines de personnes furent ainsi tuées par l'armée qui procéda ensuite à des arrestations massives de Touaregs dans toute la région. Plusieurs exécutions publiques ont été opérées par l'armée à TILLIA, TCHIN-TABARADEN et TAHOUA . Pendant deux mois l'armée s'était livré à un véritable " nettoyage ethnique " , et ceci dans l'indifférence générale de la communauté internationale. Différentes sources estiment à plus de 1500 morts, le bilan de ces massacres. Pendant plusieurs semaines, le gouvernement essaya par une multitude de communiqués contradictoires , de nier la nature et l'ampleur de ces événements. Le ministre de l'intérieur de l'époque, TANJA MAMADOU est considéré par les Touaregs comme étant le véritable instigateur de ces massacres. Celui-ci n'a d'ailleurs jamais caché sa volonté " d'en finir " avec les Touaregs en menaçant de raser des villages entiers. Quelques mois après ces événements, alors que des centaines de Touaregs croupissent encore en prison, ALI SAIBOU annonça La tenue d'une " Conférence Nationale".
Dans la même semaine, Ibra Galadima, membre du Conseil supérieur d’orientation national, instance suprême du régime, fut applaudi par le président de la République, Ali Saïbou, et par les membres du gouvernement pour avoir déclaré en Conseil des ministres : “Il faut dénombrer tous les Touaregs et les exterminer.”
Une chasse aveugle aux Touaregs a ainsi été déclenchée dans tout le pays par le gouvernement nigérien, ce même gouvernement qui a confié la tâche au tristement célèbre ministre de l’Intérieur Tanja Mamadou qui fut, rappelons-le, préfet de Tahoua de 1984 à 1988 et, à ce titre, premier responsable de la répression dont furent victimes les Touaregs en 1985.
Les militaires ont occupé pendant des mois les puits d'eau, en saison sèche, les Touaregs doivent presque chaque jour aller au puits pour chercher de l’eau et abreuver les troupeaux. Les soldats les y attendaient et en profitaient pour tirer sans raison aucune sur tous ceux qui s’approchaient des puits. Certains campements ont été totalement anéantis. D’autres ont perdu tous leurs éléments mâles. Des gens ont été tués à la cravache, coupés en morceaux, pendus, brûlés vifs, enterrés vivants. Il y eut des exécutions publiques, des femmes furent violées. Plus d’un millier de Touaregs fut tué à travers tout le pays et d’autres furent envoyés dans les bagnes de Tillabery, de Dirkou et de Bilma, où ils sont restés des mois.
- A Tahoua, plus de trois cents Touaregs ont été arrêtés, torturés en raison de la couleur de leur peau. Certains ont été sommairement exécutés. Dans cette même ville, des blessés ont été achevés sur ordre des médecins qui estimaient que leurs soins coûteraient trop cher.
- A Dosso, un député touareg, Roni Issoufou, a failli être lynché parce qu’il est touareg.
- A Maradi, une dizaine de Touaregs ont été arrêtés et un a trouvé la mort à la suite de tortures.
- A Abalak, quinze fonctionnaires ont été arrêtés : deux sont morts à la suite de tortures, treize ont été emprisonnés à Tillabery.
- A Tassara, un groupe de vingt-cinq personnes a été arrêté : vingt-quatre d'entre-elles ont été exécutées et une emprisonnée à Tillabery.
- A Dakoro, le sous-préfet, qui est touareg, et ses proches ont été arrêtés ; un de ses neveux est mort.
- A Tillia, des adolescents ont été exécutés publiquement, en présence du chef de poste administratif.
- A l’ouest de Kao, des campements comprenant plusieurs familles ont été anéantis : hommes, femmes, enfants et animaux.
- Dans les vallées de Tchin Zigaren, de Tchin Fessaouaten, au puits d’Amazazedar, au puits de Tchin Talabaouen, plusieurs massacres ont eu lieu.
Au Mali, dès le mois d’avril 1990, la tension est brutalement montée d’un cran. C’est en effet à cette époque que 300 familles ont été rapatriées d’Algérie, avec leur consentement, et dans l’espoir nourri par de belles promesses, de retrouver une vie décente. Des maisons, des animaux pour reconstituer le cheptel, des écoles, des antennes sanitaires étaient promis aux Touaregs, par l’intermédiaire du projet F.I.D.A. (Fonds International pour le Développement Agricole). Comme leurs frères nigériens, rassurés par les promesse d’amnistie, les Touaregs maliens sont rentrés confiants.
Malheureusement, ils ont du vite déchanter. Parqués dans les oueds de Tin Zaouaten, Boughessa, Tedjeret et Kidal dans des camps contrôlés et encerclés par l’armée, ils n’avaient plus aucune possibilité de circuler. Le ravitaillement n’étant pas assuré, ils ont subsisté sur les maigres provisions rapportées d’exil, et ont attendu en vain une hypothétique aide internationale. La misère était totale.
De plus, les hommes et les jeunes des camps étaient soumis à de mauvais traitements : arrêtés et, la plupart du temps, torturés pour qu’ils avouent la raison profonde et les circonstances de leur séjour en Algérie ou en Libye.
Certains sont morts sous la torture
Dans cette situation, les exactions commises par l’armée nigérienne dans la région de Tchin Tabaraden, et les massacres qui y furent perpétrés, finirent d’exaspérer la population touarègue malienne.
Aussi, l’internement par la gendarmerie malienne de paisibles caravaniers touaregs ayant fui les massacres au Niger, et la menace d’extradition à leur égard, furent l’étincelle qui déclencha la révolte.
Des représailles, parfois massives, et couvertes par l’état d’urgence et la déclaration du couvre-feu pour toute la région Nord (régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka), sont exercées à l’encontre des populations civiles. Les arrestations se multiplient. Dans la plupart des villes, villages ou campements, les hommes se cachent ou s’enfuient. Certains rejoignent les rangs de la résistance.
Les fonctionnaires maliens d’origine touarègue restés à leur poste sont arrêtés ou vivent dans l’inquiétude. Les arrestations se font sur des motifs divers : héberger d’autres Touaregs, porter le chèche, et même porter un slip, considéré comme l’indice que l’on vient de l’étranger... Les conditions de détention sont elles-mêmes déplorables : les détenus ne sont ni nourris ni abreuvés. Nombre d’entre eux ont succombé pour cette raison.
Une multitude d'exactions a été commise sur les populations civiles.
A la fin du mois d'août 1990, le bilan était déjà de 277 Touaregs tués, dont plus de 80 femmes, une cinquantaine d'enfants et plus de 20 vieillards de plus de soixante ans.
Après la mort du général Kountché à la fin de 1987, le nouveau président, Le général Ali Saïbou, a montré une volonté d'ouverture envers les touaregs nigériens, notamment par une amnistie générale à tous les exilés. Les Touaregs et leurs responsables désireux de rentrer dans "leur pays" ont accepté d'y revenir, étant assurés d'y pouvoir vivre comme tous les Nigériens.
Ainsi, à la fin du mois d'août 1989, huit cents personnes sont arrivées à Niamey par trois vols spéciaux venant directement de Tripoli. De la fin de décembre 1989 au début de janvier 1990, ce sont quelques dix-huit mille personnes réfugiées à In Guezzam depuis 1984-1985 qui arrivent à Tchin Tabaraden selon les accords signés à Tamanrasset entre le Niger, l’Algérie et le F.I.D.A.( Fonds international pour le développement agricole ).
Après le retour de ces réfugiés, on a constaté un changement d'attitude des autorités nigériennes. La plupart de ces réfugiés ont été cantonnés dans des camps autour de Tchin Tabaraden.
Les 4 et 5 mai, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées à Tchin Tabaraden pour avoir osé demander des explications aux autorités locales au sujet de l'interruption de l'aide internationale et à propos de la surveillance dans les camps de regroupement dont les nouveaux arrivant faisaient l'objet (interdiction de voyager, d'envoyer les enfants à l'école, d'avoir des activités commerciales, manque de soins élémentaires, etc.).
Le 7 mai 1990, quelques jeunes Touaregs, excédés par cette situation, décidèrent d'aller à la prison de Tchin-Tabaraden libérer leurs camarades arrêtés quelques jours auparavant. Dans l'altercation avec les gardiens de la prison, un de ces derniers trouva la mort. Après cet incident, le groupe de jeunes, redoutant la réaction des autorités, disparaîtra dans la nature. La nouvelle parvient quelques heures plus tard à Tahoua et Niamey qui dépêcheront immédiatement des centaines de militaires avec l'ordre de quadriller toute la région. Dès leur arrivée à Tchin-Tabaraden, ceux-ci se mirent à bombarder la ville sans même y entrer pour savoir ce qui se passait. Des dizaines de personnes furent ainsi tuées par l'armée qui procéda ensuite à des arrestations massives de Touaregs dans toute la région. Plusieurs exécutions publiques ont été opérées par l'armée à TILLIA, TCHIN-TABARADEN et TAHOUA . Pendant deux mois l'armée s'était livré à un véritable " nettoyage ethnique " , et ceci dans l'indifférence générale de la communauté internationale. Différentes sources estiment à plus de 1500 morts, le bilan de ces massacres. Pendant plusieurs semaines, le gouvernement essaya par une multitude de communiqués contradictoires , de nier la nature et l'ampleur de ces événements. Le ministre de l'intérieur de l'époque, TANJA MAMADOU est considéré par les Touaregs comme étant le véritable instigateur de ces massacres. Celui-ci n'a d'ailleurs jamais caché sa volonté " d'en finir " avec les Touaregs en menaçant de raser des villages entiers. Quelques mois après ces événements, alors que des centaines de Touaregs croupissent encore en prison, ALI SAIBOU annonça La tenue d'une " Conférence Nationale".
Dans la même semaine, Ibra Galadima, membre du Conseil supérieur d’orientation national, instance suprême du régime, fut applaudi par le président de la République, Ali Saïbou, et par les membres du gouvernement pour avoir déclaré en Conseil des ministres : “Il faut dénombrer tous les Touaregs et les exterminer.”
Une chasse aveugle aux Touaregs a ainsi été déclenchée dans tout le pays par le gouvernement nigérien, ce même gouvernement qui a confié la tâche au tristement célèbre ministre de l’Intérieur Tanja Mamadou qui fut, rappelons-le, préfet de Tahoua de 1984 à 1988 et, à ce titre, premier responsable de la répression dont furent victimes les Touaregs en 1985.
Les militaires ont occupé pendant des mois les puits d'eau, en saison sèche, les Touaregs doivent presque chaque jour aller au puits pour chercher de l’eau et abreuver les troupeaux. Les soldats les y attendaient et en profitaient pour tirer sans raison aucune sur tous ceux qui s’approchaient des puits. Certains campements ont été totalement anéantis. D’autres ont perdu tous leurs éléments mâles. Des gens ont été tués à la cravache, coupés en morceaux, pendus, brûlés vifs, enterrés vivants. Il y eut des exécutions publiques, des femmes furent violées. Plus d’un millier de Touaregs fut tué à travers tout le pays et d’autres furent envoyés dans les bagnes de Tillabery, de Dirkou et de Bilma, où ils sont restés des mois.
- A Tahoua, plus de trois cents Touaregs ont été arrêtés, torturés en raison de la couleur de leur peau. Certains ont été sommairement exécutés. Dans cette même ville, des blessés ont été achevés sur ordre des médecins qui estimaient que leurs soins coûteraient trop cher.
- A Dosso, un député touareg, Roni Issoufou, a failli être lynché parce qu’il est touareg.
- A Maradi, une dizaine de Touaregs ont été arrêtés et un a trouvé la mort à la suite de tortures.
- A Abalak, quinze fonctionnaires ont été arrêtés : deux sont morts à la suite de tortures, treize ont été emprisonnés à Tillabery.
- A Tassara, un groupe de vingt-cinq personnes a été arrêté : vingt-quatre d'entre-elles ont été exécutées et une emprisonnée à Tillabery.
- A Dakoro, le sous-préfet, qui est touareg, et ses proches ont été arrêtés ; un de ses neveux est mort.
- A Tillia, des adolescents ont été exécutés publiquement, en présence du chef de poste administratif.
- A l’ouest de Kao, des campements comprenant plusieurs familles ont été anéantis : hommes, femmes, enfants et animaux.
- Dans les vallées de Tchin Zigaren, de Tchin Fessaouaten, au puits d’Amazazedar, au puits de Tchin Talabaouen, plusieurs massacres ont eu lieu.
Au Mali, dès le mois d’avril 1990, la tension est brutalement montée d’un cran. C’est en effet à cette époque que 300 familles ont été rapatriées d’Algérie, avec leur consentement, et dans l’espoir nourri par de belles promesses, de retrouver une vie décente. Des maisons, des animaux pour reconstituer le cheptel, des écoles, des antennes sanitaires étaient promis aux Touaregs, par l’intermédiaire du projet F.I.D.A. (Fonds International pour le Développement Agricole). Comme leurs frères nigériens, rassurés par les promesse d’amnistie, les Touaregs maliens sont rentrés confiants.
Malheureusement, ils ont du vite déchanter. Parqués dans les oueds de Tin Zaouaten, Boughessa, Tedjeret et Kidal dans des camps contrôlés et encerclés par l’armée, ils n’avaient plus aucune possibilité de circuler. Le ravitaillement n’étant pas assuré, ils ont subsisté sur les maigres provisions rapportées d’exil, et ont attendu en vain une hypothétique aide internationale. La misère était totale.
De plus, les hommes et les jeunes des camps étaient soumis à de mauvais traitements : arrêtés et, la plupart du temps, torturés pour qu’ils avouent la raison profonde et les circonstances de leur séjour en Algérie ou en Libye.
Certains sont morts sous la torture
Dans cette situation, les exactions commises par l’armée nigérienne dans la région de Tchin Tabaraden, et les massacres qui y furent perpétrés, finirent d’exaspérer la population touarègue malienne.
Aussi, l’internement par la gendarmerie malienne de paisibles caravaniers touaregs ayant fui les massacres au Niger, et la menace d’extradition à leur égard, furent l’étincelle qui déclencha la révolte.
Des représailles, parfois massives, et couvertes par l’état d’urgence et la déclaration du couvre-feu pour toute la région Nord (régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka), sont exercées à l’encontre des populations civiles. Les arrestations se multiplient. Dans la plupart des villes, villages ou campements, les hommes se cachent ou s’enfuient. Certains rejoignent les rangs de la résistance.
Les fonctionnaires maliens d’origine touarègue restés à leur poste sont arrêtés ou vivent dans l’inquiétude. Les arrestations se font sur des motifs divers : héberger d’autres Touaregs, porter le chèche, et même porter un slip, considéré comme l’indice que l’on vient de l’étranger... Les conditions de détention sont elles-mêmes déplorables : les détenus ne sont ni nourris ni abreuvés. Nombre d’entre eux ont succombé pour cette raison.
Une multitude d'exactions a été commise sur les populations civiles.
A la fin du mois d'août 1990, le bilan était déjà de 277 Touaregs tués, dont plus de 80 femmes, une cinquantaine d'enfants et plus de 20 vieillards de plus de soixante ans.
III. CE QUE NOUS VOULONS
Par ce document, nous vous lançons un appel désespéré ; nous savons que vous pouvez user de votre influence auprès des pays qui nous persécutent pour faire que cela cesse et défendre ainsi les principes fondamentaux gravés aux frontons de vos édifices publics.
Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des états trouve ses limites lorsque ces états violent chaque jour les droits élémentaires reconnus à tous les peuples.
Dans les événements actuels, le Mali et le Niger dévoilent la véritable politique dont ils ont toujours usé à notre égard : identification par la couleur de la peau, interdiction collective de circuler, maquillage des actions de nos populations désespérées en opérations de banditisme ou en exactions de mercenaires à la solde d'on ne sait quel complot international, étouffement de la vérité et de l'information pour mieux exterminer des populations innocentes, exacerbation de haines raciales ou tribales...
Nous refusons d'être considérés comme "la minorité" de nos pays. Nous revendiquons pour notre peuple le même droit à l'existence que chacune des multiples minorités qui, à elles toutes, forment le tissu social de ces pays.
Nous refusons l'image de vendeurs d'esclaves et de pillards que l'on continue à donner de nous et dans laquelle on voudrait nous enfermer pour dresser contre nous les autres peuples de la région qui ont pratiqué eux aussi, cet "esclavage".
Nous souhaitons que face aux états qui nous oppriment aujourd'hui et qui ont la mémoire assez courte pour oublier ce qu'ils revendiquaient hier, la France, elle, nation chargée d'histoire, reste fidèle aux principes pour lesquels elle a versé tant de sang.
Mais votre pays doit savoir qu'on ne résoudra pas nos difficultés en nous venant en aide par des actions contre la faim. Nous refusons cette politique de l'assistanat qui masque en réalité
les vraies problèmes. Nous avons des moyens suffisants pour vivre et la connaissance parfaite de notre environnement, et plus que jamais aussi, la volonté, l'énergie et la détermination de nous prendre nous-mêmes en charge.
Nous ne demandons pas autre chose que de bénéficier de garanties reconnues à tous les autres peuples. Ce qui nous manque, et ce que nous revendiquons, est la liberté de pouvoir disposer de nous-mêmes pour assumer notre destin.
Ceci ne peut se concevoir sans un espace qui nous soit internationalement reconnu, par conséquent inaliénable, sur lequel nous pourrons exercer notre mode de vie nomade ou sédentaire, élever nos enfants dans notre propre culture. Sur cet espace, nous désirons pouvoir bâtir, des villes et des villages avec des écoles où notre langue et notre histoire seront enseignées comme celles des autres peuples.
Nous ne souhaitons, en aucune manière, attenter à la souveraineté des états voisins, ni encore moins nuire aux intérêts de la France dans cette région. Nous en appelons à la France, acteur d'abord, témoin ensuite de notre drame et nous aimerions qu'elle sache notre détermination inflexible à recouvrer la liberté et la dignité sans lesquelles nous sommes de ceux qui n'ont plus rien à perdre.
Face à la situation actuelle au Mali et au Niger, nous demandons :
- Harassé de provocations, meurtri d'indignation et d'injustices, notre peuple a choisi de se défendre même au prix d'un suicide collectif.
Nous ne savons pas échanger notre honneur contre la vie dans la dépendance. Entre deux façons de mourir, nous avons toujours choisi la plus digne.
Nous supplions la France, pendant qu'il en est encore temps, d'assumer ses responsabilités historiques et actuelles et de sortir de cette hypocrisie qui ne trompe personne.
Nous savons, en effet la nature des relations que la France entretient avec ces deux pays et à quel point sa position peut être déterminante dans l'issue de ce conflit.
Mesurant les conséquences qu'entraînerait un long conflit dans cette région pour les uns et les autres, nous espérons que la France voudra bien prendre au sérieux notre désespoir afin que la raison et la paix l'emportent sur la haine et la guerre.
Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des états trouve ses limites lorsque ces états violent chaque jour les droits élémentaires reconnus à tous les peuples.
Dans les événements actuels, le Mali et le Niger dévoilent la véritable politique dont ils ont toujours usé à notre égard : identification par la couleur de la peau, interdiction collective de circuler, maquillage des actions de nos populations désespérées en opérations de banditisme ou en exactions de mercenaires à la solde d'on ne sait quel complot international, étouffement de la vérité et de l'information pour mieux exterminer des populations innocentes, exacerbation de haines raciales ou tribales...
Nous refusons d'être considérés comme "la minorité" de nos pays. Nous revendiquons pour notre peuple le même droit à l'existence que chacune des multiples minorités qui, à elles toutes, forment le tissu social de ces pays.
Nous refusons l'image de vendeurs d'esclaves et de pillards que l'on continue à donner de nous et dans laquelle on voudrait nous enfermer pour dresser contre nous les autres peuples de la région qui ont pratiqué eux aussi, cet "esclavage".
Nous souhaitons que face aux états qui nous oppriment aujourd'hui et qui ont la mémoire assez courte pour oublier ce qu'ils revendiquaient hier, la France, elle, nation chargée d'histoire, reste fidèle aux principes pour lesquels elle a versé tant de sang.
Mais votre pays doit savoir qu'on ne résoudra pas nos difficultés en nous venant en aide par des actions contre la faim. Nous refusons cette politique de l'assistanat qui masque en réalité
les vraies problèmes. Nous avons des moyens suffisants pour vivre et la connaissance parfaite de notre environnement, et plus que jamais aussi, la volonté, l'énergie et la détermination de nous prendre nous-mêmes en charge.
Nous ne demandons pas autre chose que de bénéficier de garanties reconnues à tous les autres peuples. Ce qui nous manque, et ce que nous revendiquons, est la liberté de pouvoir disposer de nous-mêmes pour assumer notre destin.
Ceci ne peut se concevoir sans un espace qui nous soit internationalement reconnu, par conséquent inaliénable, sur lequel nous pourrons exercer notre mode de vie nomade ou sédentaire, élever nos enfants dans notre propre culture. Sur cet espace, nous désirons pouvoir bâtir, des villes et des villages avec des écoles où notre langue et notre histoire seront enseignées comme celles des autres peuples.
Nous ne souhaitons, en aucune manière, attenter à la souveraineté des états voisins, ni encore moins nuire aux intérêts de la France dans cette région. Nous en appelons à la France, acteur d'abord, témoin ensuite de notre drame et nous aimerions qu'elle sache notre détermination inflexible à recouvrer la liberté et la dignité sans lesquelles nous sommes de ceux qui n'ont plus rien à perdre.
Face à la situation actuelle au Mali et au Niger, nous demandons :
- Harassé de provocations, meurtri d'indignation et d'injustices, notre peuple a choisi de se défendre même au prix d'un suicide collectif.
Nous ne savons pas échanger notre honneur contre la vie dans la dépendance. Entre deux façons de mourir, nous avons toujours choisi la plus digne.
Nous supplions la France, pendant qu'il en est encore temps, d'assumer ses responsabilités historiques et actuelles et de sortir de cette hypocrisie qui ne trompe personne.
Nous savons, en effet la nature des relations que la France entretient avec ces deux pays et à quel point sa position peut être déterminante dans l'issue de ce conflit.
Mesurant les conséquences qu'entraînerait un long conflit dans cette région pour les uns et les autres, nous espérons que la France voudra bien prendre au sérieux notre désespoir afin que la raison et la paix l'emportent sur la haine et la guerre.