dimanche 5 mai 2013

NOUS, TOUAREGS........ Ce texte a été publié en été 1990 par un groupe d'intellectuels Touaregs. Il avait pour objectif de donner un aperçu de la situation du peuple Touareg.


NOUS, TOUAREGS........
Ce texte a été publié en été 1990 par un groupe d'intellectuels Touaregs. Il avait pour objectif de donner un aperçu de la situation du peuple Touareg.

- Ses problèmes.
- Ses aspirations.
Nous, Touaregs, prenons la liberté d'en appeler à la France et à la communauté internationale afin d'attirer leur attention sur la situation dans laquelle se trouve notre peuple aujourd'hui.
Nous tenons à souligner que notre démarche s'adresse ici en France à la personne de Monsieur le Président de la République, mais qu'elle nous parait devoir concerner également tous les hommes politiques ainsi que chaque citoyen français, qu'elles que soient leurs sensibilités ou leurs appartenances, tant il est vrai que notre histoire et nos drames sont étroitement liés au passé récent de la France.
Nos traditions ne nous prédisposent pas particulièrement à lancer des appels au secours mais la nécessité nous impose de le faire au moment où notre peuple est à l'agonie.
I. REPÈRES HISTORIQUES
On nous permettra de rappeler d'abord que lors du partage de l'Afrique au début de ce siècle, le Sahara fut la dernière région à tomber aux mains de la colonisation.
Pendant plus d'un quart de siècle en effet, les troupes françaises restèrent aux portes de cet immense territoire avec l'espoir permanent d'opérer une jonction entre ses deux rives. La méconnaissance de la région, sa nature hostile, la carence des moyens de transport, avaient, pour une grande part, retardé l'accomplissement de cette entreprise.
Cependant, même quand ces difficultés furent aplanies, les premières tentatives de pénétration du Sahara furent de cinglants échecs comme l'illustre en particulier, le sort tragique de la mission Flatters.
L'armée coloniale devait progressivement reconnaître qu'un obstacle majeur, le facteur humain, n'avait pas été envisagé.
Ce désert, d'apparence vide, abritait des hommes qui, au fil du temps, s'y étaient adaptés, en avaient fait leur pays, et entendaient bien le défendre.
Depuis la nuit des temps, nous avions couvert de notre écriture, les Tifinagh, ses grottes, ses rochers et ses puits.
Les militaires français durent convenir qu'ils se heurtaient à une armée de guerriers courageux et bien organisés.
Cependant, la supériorité des armes à feu sur nos lances et nos sabres, la loi du nombre, la coalition des troupes coloniales avec nos voisins et bien d'autres raisons encore se conjuguèrent pour entraîner notre défaite après de sanglants combats, Tit dans le Hoggar, Tombouctou, Anderamboukane dans l'Azawagh, Tadjmout dans l'Aïr.
Même la paix établie, certains d'entre nous continuèrent la lutte, préférant la mort à la soumission : comme Fihroun ag Alinsar dans l'Azawagh, Allah ag Albacher dans l'Adrar des Ifoghas, Attisi dans le Hoggar, Kawsen dans l'Aïr et d'autres encore dont l'Histoire a oublié les noms.
Ainsi fut conquise notre patrie, le Sahara central.
Pour s'assurer du caractère définitif de notre défaite, on prit soin de nous désarmer et de diviser notre terre.
Comme vous le savez, le point de rencontre des troupes descendant de l'Afrique du Nord et de celles montant de l'A.O.F. devait devenir une frontière partageant notre territoire. Le contact entre les deux armées s'opérant dans une tension très vive opposant les troupes d'Afrique Française à celles qui, parties du Nord, comptaient bien étendre la surface de l'Algérie.
Cette ligne, fruit du hasard, matérialisa pour nous l'ordre colonial, même si, ne faisant que séparer trois administrations différentes de la même République Française, elle permettait encore notre nomadisation.
A partir des années 1920, la paix coloniale nous donna une ère de relative prospérité. Notre peuple fut bien traité et respecté par les autorités militaires françaises. Le mythe des "hommes bleus", né de l'immensité même du désert, de la méfiance mêlée à une certaine admiration de ses habitants, avait été très largement entretenu et développé par les anthropologues et les écrivains.
Peut-être commençait-on à comprendre que nous étions dépositaires d'un mode de vie, d'une culture et de valeurs dont la disparition aurait amputé l'humanité d'une partie de son patrimoine
Ainsi, notre société fut étudiée attentivement sans devoir souffrir une altération, du fait de la faible densité de la colonisation.
Ceci explique également que la scolarisation de nos enfants, envisagée dès le début de la conquête, n'ait commencé qu'en 1947.
Mais cette situation, si elle nous avait permis de garder intact notre système traditionnel, empêcha l'adaptation de notre mentalité aux nouvelles données du monde moderne.
Nous ne fûmes pas non plus concernés par la seconde guerre mondiale ni par les mouvements d'indépendance qui, immédiatement après, agitèrent l'Afrique.
A partir de 1958, nous avons constaté le départ progressif des troupes sans comprendre sa signification ; il nous a été nécessaire d'attendre leur retrait total de notre territoire et leur remplacement par d'autres, dont nous ignorions l'existence, pour entendre prononcer le mot d'indépendance.
Nous sûmes, hélas, rapidement, que cette indépendance n'était pas pour nous, et nous nous demandons encore aujourd'hui, avec amertume, pourquoi la France, rendant sa liberté aux
peuples de l'Afrique de l'Ouest, avait omis la notre, choisissant de la confisquer et de nous livrer ainsi à une nouvelle colonisation.
Sur quelles raisons historiques, politiques ou humaines pouvait s'appuyer une semblable décision? Pourquoi disposait-on ainsi de notre destin ? Avec les conséquences tragiques que nous subissons encore aujourd'hui.
Le Mali et le Niger accédaient ainsi à l'indépendance Leurs frontières tracées par l'administration coloniale de la façon que l'on sait, englobaient notre territoire par la simple logique du système colonial.
Dès leur arrivée, dans nos régions, les soldats maliens et nigériens se distinguent de leurs homologues français par une attitude hostile, comparable à celle d'une armée en pays ennemi. Actes odieux sur la population, viols, réquisition des chameaux, interdiction des échanges caravaniers, lourdes taxes sur le bétail, humiliations publiques des chefs coutumiers...
Ces mauvais traitements répétés ne pouvaient qu'engendrer un mécontentement dont l'aboutissement fut le soulèvement qui éclata en 1962 dans l'Adrar des Ifoghas.
Équipée de blindés, encadrée par les officiers qui avaient participé aux campagnes de France, d'Indochine et d'Algérie, l'armée malienne entra en action contre nous.
Dans le même temps, le président du Mali, Modibo Keita, fort de son succès diplomatique dans la réconciliation de l'Algérie et du Maroc après les incidents frontaliers qui les avaient opposés, obtint de ces deux pays leur appui dans la constitution d'un front commun anti- touareg, nous décrivant auprès d'eux comme des nostalgiques de la colonisation.
Cet accord nous coupait toute retraite vers le nord et laissait les mains libres à l'armée malienne pour nous écraser par une impitoyable répression.
Exécutions sommaires et publiques quotidiennes, campements brûlés à l'essence, minage et empoisonnement des puits, extermination du bétail à la mitrailleuse lourde furent notre seul horizon.
Personne ne tenta d'arrêter ce massacre ni de dénoncer le génocide d'un peuple qui luttait pour sa survie.
La France resta silencieuse.
Cette guerre chassa beaucoup d'entre nous vers les localités des frontières algériennes où ils
durent se sédentariser.
De même, depuis l'indépendance, en 1960, les différents régimes civils ou militaires qui se sont succédés au Niger ont tenu les Touaregs à l'écart de la vie politique et socio-économique du pays.
L'arrivée des militaires au pouvoir en avril 1974 n'a rien changé, elle a au contraire aggravé une situation déjà dramatique.
C'est ainsi qu'a été organisée une répression féroce dans les milieux touaregs, principalement parmi les intellectuels (assassinats, disparitions, tortures, arrestations arbitraires, etc.). A la suite de cette répression, plusieurs centaines de Touaregs ont fui le pays. Parmi eux, Hamed Moussa Amadou, ancien député, condamné à mort par contumace par les autorités nigériennes, Mohamed Ahmadou, conseiller spécial du président de la République, Abdoulaye Mohamed, haut fonctionnaire au ministère du commerce, des professeurs et des officiers.
La plupart de ces gens ont trouvé refuge en Algérie ou en Libye.
Les grandes sécheresses des années 1970 et 1980, en décimant notre cheptel, accentuèrent ce processus. Ces calamités naturelles furent d'ailleurs sournoisement utilisées comme arme politique par les gouvernements pour essayer d'en finir avec nous. C'est ainsi que la grande sécheresse de 1973-74 a été utilisée comme arme pour en finir avec les Touaregs de façon définitive : puits et vivres empoisonnés, aides internationales détournées, population déplacée et abandonnée, etc.
La sécheresse de 1984 a donné une fois de plus aux autorités nigériennes l'occasion de continuer l'extermination des Touaregs comme en 1973-74. Cette répression a été menée par Tanja Mamadou, à l'époque préfet de Tahoua.
Plusieurs milliers de personnes ont fui vers l'Algérie et celle-ci a accepté de les accueillir et de les installer à In Guezzam, poste frontalier nigéro-algérien. Quelques dix-huit mille Touaregs, doublement victimes de la répression politique et de la grande sécheresse y furent dénombrés.
Notre migration en effet bénéficia d'un accueil favorable dans ce pays après le changement de régime intervenu en 1964. L'Algérie répondait ainsi par une fin de non-recevoir aux demandes pressantes du gouvernement malien de nous rapatrier afin d'obtenir une aide internationale en exploitant notre drame.
Cette attitude fut aussi celle de la Libye après les sécheresses des années 1980. Nombre d'entre nous, y travaillant, purent, grâce à des emplois salariés, gagner assez d'argent pour reconstituer partiellement leur cheptel et reprendre une vie décente.
Cette période de répit fut, malheureusement, de courte durée.
Le Mali et le Niger avaient toujours vu d'un mauvais oeil notre expatriation vers le nord et surtout en Libye. Nous étions désignés comme étant les agents manipulés par le colonel Khaddafi en vue de déstabiliser le Sahel, La guerre frontalière du Tchad était un argument précieux pour duper de manière habile l'opinion occidentale en se faisant passer pour menacés.
Ceci permettait d'une part de recevoir une aide économique pour équiper leurs armées, d'autre part de justifier toutes les exactions dont nous étions l'objet dans ces deux pays.
Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone, bons uniquement à payer de lourds impôts et à se débrouiller seuls pour vivre exclus autour des villes et de villages. Notre fonction devient d'attirer des touristes et l'aide internationale.
Le temps a prouvé maintenant que ces pays n'ont aucun désir de nous intégrer. Depuis l'indépendance, aucune réalisation n'a intéressé nos régions et certaines postes à responsabilités nous sont toujours fermés (peu de hauts cadres touaregs dans l'armée et la fonction publique).
Le Mali et le Niger ont choisi de nous combattre à cause de notre différence culturelle. Nous devenons, chaque jour un peu plus, étrangers sur notre propre terre à la merci des abus de toutes sortes : un peuple qui meurt.
Nous n'avons plus le droit de parler notre langue et nos enfants sont contraints d'apprendre celle des autres, nos traditions sont bafouées et notre jeunesse incitée à les mépriser ? Nos filles sont à la merci de la soldatesque malienne et nigérienne.
Nos biens et nos animaux sont saisis et leurs propriétaires emprisonnés pour le franchissement de frontières imprécises.
Nos aires de pâturage sont piétinées et détruites pour nous réduire à la misère.
Est-il nécessaire de rappeler à la France que nous avons une culture, une Histoire une langue, une écriture et que nous avions jadis un pays?
Devons nous disparaître pour qu'éclate enfin dans le monde le scandale de l'injustice qui nous est faite?
Avons-nous tort de vouloir vivre libres selon nos coutumes et notre culture, qui ne sont pas plus que les autres fermées aux échanges et à la modernité?
Depuis les indépendances nous n’avons connu que l'administration militaire, la loi du fusil, le mépris l'injustice et la haine.
II. LES ÉVÉNEMENTS ACTUELS AU NIGER ET AU MALI
C'est dans ce contexte que surviennent les événements actuels du Niger et du Mali.
Après la mort du général Kountché à la fin de 1987, le nouveau président, Le général Ali Saïbou, a montré une volonté d'ouverture envers les touaregs nigériens, notamment par une amnistie générale à tous les exilés. Les Touaregs et leurs responsables désireux de rentrer dans "leur pays" ont accepté d'y revenir, étant assurés d'y pouvoir vivre comme tous les Nigériens.
Ainsi, à la fin du mois d'août 1989, huit cents personnes sont arrivées à Niamey par trois vols spéciaux venant directement de Tripoli. De la fin de décembre 1989 au début de janvier 1990, ce sont quelques dix-huit mille personnes réfugiées à In Guezzam depuis 1984-1985 qui arrivent à Tchin Tabaraden selon les accords signés à Tamanrasset entre le Niger, l’Algérie et le F.I.D.A.( Fonds international pour le développement agricole ).
Après le retour de ces réfugiés, on a constaté un changement d'attitude des autorités nigériennes. La plupart de ces réfugiés ont été cantonnés dans des camps autour de Tchin Tabaraden.
Les 4 et 5 mai, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées à Tchin Tabaraden pour avoir osé demander des explications aux autorités locales au sujet de l'interruption de l'aide internationale et à propos de la surveillance dans les camps de regroupement dont les nouveaux arrivant faisaient l'objet (interdiction de voyager, d'envoyer les enfants à l'école, d'avoir des activités commerciales, manque de soins élémentaires, etc.).
Le 7 mai 1990, quelques jeunes Touaregs, excédés par cette situation, décidèrent d'aller à la prison de Tchin-Tabaraden libérer leurs camarades arrêtés quelques jours auparavant. Dans l'altercation avec les gardiens de la prison, un de ces derniers trouva la mort. Après cet incident, le groupe de jeunes, redoutant la réaction des autorités, disparaîtra dans la nature. La nouvelle parvient quelques heures plus tard à Tahoua et Niamey qui dépêcheront immédiatement des centaines de militaires avec l'ordre de quadriller toute la région. Dès leur arrivée à Tchin-Tabaraden, ceux-ci se mirent à bombarder la ville sans même y entrer pour savoir ce qui se passait. Des dizaines de personnes furent ainsi tuées par l'armée qui procéda ensuite à des arrestations massives de Touaregs dans toute la région. Plusieurs exécutions publiques ont été opérées par l'armée à TILLIA, TCHIN-TABARADEN et TAHOUA . Pendant deux mois l'armée s'était livré à un véritable " nettoyage ethnique " , et ceci dans l'indifférence générale de la communauté internationale. Différentes sources estiment à plus de 1500 morts, le bilan de ces massacres. Pendant plusieurs semaines, le gouvernement essaya par une multitude de communiqués contradictoires , de nier la nature et l'ampleur de ces événements. Le ministre de l'intérieur de l'époque, TANJA MAMADOU est considéré par les Touaregs comme étant le véritable instigateur de ces massacres. Celui-ci n'a d'ailleurs jamais caché sa volonté " d'en finir " avec les Touaregs en menaçant de raser des villages entiers. Quelques mois après ces événements, alors que des centaines de Touaregs croupissent encore en prison, ALI SAIBOU annonça La tenue d'une " Conférence Nationale".
Dans la même semaine, Ibra Galadima, membre du Conseil supérieur d’orientation national, instance suprême du régime, fut applaudi par le président de la République, Ali Saïbou, et par les membres du gouvernement pour avoir déclaré en Conseil des ministres : “Il faut dénombrer tous les Touaregs et les exterminer.”
Une chasse aveugle aux Touaregs a ainsi été déclenchée dans tout le pays par le gouvernement nigérien, ce même gouvernement qui a confié la tâche au tristement célèbre ministre de l’Intérieur Tanja Mamadou qui fut, rappelons-le, préfet de Tahoua de 1984 à 1988 et, à ce titre, premier responsable de la répression dont furent victimes les Touaregs en 1985.
Les militaires ont occupé pendant des mois les puits d'eau, en saison sèche, les Touaregs doivent presque chaque jour aller au puits pour chercher de l’eau et abreuver les troupeaux. Les soldats les y attendaient et en profitaient pour tirer sans raison aucune sur tous ceux qui s’approchaient des puits. Certains campements ont été totalement anéantis. D’autres ont perdu tous leurs éléments mâles. Des gens ont été tués à la cravache, coupés en morceaux, pendus, brûlés vifs, enterrés vivants. Il y eut des exécutions publiques, des femmes furent violées. Plus d’un millier de Touaregs fut tué à travers tout le pays et d’autres furent envoyés dans les bagnes de Tillabery, de Dirkou et de Bilma, où ils sont restés des mois.
- A Tahoua, plus de trois cents Touaregs ont été arrêtés, torturés en raison de la couleur de leur peau. Certains ont été sommairement exécutés. Dans cette même ville, des blessés ont été achevés sur ordre des médecins qui estimaient que leurs soins coûteraient trop cher.
- A Dosso, un député touareg, Roni Issoufou, a failli être lynché parce qu’il est touareg.
- A Maradi, une dizaine de Touaregs ont été arrêtés et un a trouvé la mort à la suite de tortures.
- A Abalak, quinze fonctionnaires ont été arrêtés : deux sont morts à la suite de tortures, treize ont été emprisonnés à Tillabery.
- A Tassara, un groupe de vingt-cinq personnes a été arrêté : vingt-quatre d'entre-elles ont été exécutées et une emprisonnée à Tillabery.
- A Dakoro, le sous-préfet, qui est touareg, et ses proches ont été arrêtés ; un de ses neveux est mort.
- A Tillia, des adolescents ont été exécutés publiquement, en présence du chef de poste administratif.
- A l’ouest de Kao, des campements comprenant plusieurs familles ont été anéantis : hommes, femmes, enfants et animaux.
- Dans les vallées de Tchin Zigaren, de Tchin Fessaouaten, au puits d’Amazazedar, au puits de Tchin Talabaouen, plusieurs massacres ont eu lieu.
Au Mali, dès le mois d’avril 1990, la tension est brutalement montée d’un cran. C’est en effet à cette époque que 300 familles ont été rapatriées d’Algérie, avec leur consentement, et dans l’espoir nourri par de belles promesses, de retrouver une vie décente. Des maisons, des animaux pour reconstituer le cheptel, des écoles, des antennes sanitaires étaient promis aux Touaregs, par l’intermédiaire du projet F.I.D.A. (Fonds International pour le Développement Agricole). Comme leurs frères nigériens, rassurés par les promesse d’amnistie, les Touaregs maliens sont rentrés confiants.
Malheureusement, ils ont du vite déchanter. Parqués dans les oueds de Tin Zaouaten, Boughessa, Tedjeret et Kidal dans des camps contrôlés et encerclés par l’armée, ils n’avaient plus aucune possibilité de circuler. Le ravitaillement n’étant pas assuré, ils ont subsisté sur les maigres provisions rapportées d’exil, et ont attendu en vain une hypothétique aide internationale. La misère était totale.
De plus, les hommes et les jeunes des camps étaient soumis à de mauvais traitements : arrêtés et, la plupart du temps, torturés pour qu’ils avouent la raison profonde et les circonstances de leur séjour en Algérie ou en Libye.
Certains sont morts sous la torture
Dans cette situation, les exactions commises par l’armée nigérienne dans la région de Tchin Tabaraden, et les massacres qui y furent perpétrés, finirent d’exaspérer la population touarègue malienne.
Aussi, l’internement par la gendarmerie malienne de paisibles caravaniers touaregs ayant fui les massacres au Niger, et la menace d’extradition à leur égard, furent l’étincelle qui déclencha la révolte.
Des représailles, parfois massives, et couvertes par l’état d’urgence et la déclaration du couvre-feu pour toute la région Nord (régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka), sont exercées à l’encontre des populations civiles. Les arrestations se multiplient. Dans la plupart des villes, villages ou campements, les hommes se cachent ou s’enfuient. Certains rejoignent les rangs de la résistance.
Les fonctionnaires maliens d’origine touarègue restés à leur poste sont arrêtés ou vivent dans l’inquiétude. Les arrestations se font sur des motifs divers : héberger d’autres Touaregs, porter le chèche, et même porter un slip, considéré comme l’indice que l’on vient de l’étranger... Les conditions de détention sont elles-mêmes déplorables : les détenus ne sont ni nourris ni abreuvés. Nombre d’entre eux ont succombé pour cette raison.
Une multitude d'exactions a été commise sur les populations civiles.
A la fin du mois d'août 1990, le bilan était déjà de 277 Touaregs tués, dont plus de 80 femmes, une cinquantaine d'enfants et plus de 20 vieillards de plus de soixante ans.
III. CE QUE NOUS VOULONS
Par ce document, nous vous lançons un appel désespéré ; nous savons que vous pouvez user de votre influence auprès des pays qui nous persécutent pour faire que cela cesse et défendre ainsi les principes fondamentaux gravés aux frontons de vos édifices publics.
Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des états trouve ses limites lorsque ces états violent chaque jour les droits élémentaires reconnus à tous les peuples.
Dans les événements actuels, le Mali et le Niger dévoilent la véritable politique dont ils ont toujours usé à notre égard : identification par la couleur de la peau, interdiction collective de circuler, maquillage des actions de nos populations désespérées en opérations de banditisme ou en exactions de mercenaires à la solde d'on ne sait quel complot international, étouffement de la vérité et de l'information pour mieux exterminer des populations innocentes, exacerbation de haines raciales ou tribales...
Nous refusons d'être considérés comme "la minorité" de nos pays. Nous revendiquons pour notre peuple le même droit à l'existence que chacune des multiples minorités qui, à elles toutes, forment le tissu social de ces pays.
Nous refusons l'image de vendeurs d'esclaves et de pillards que l'on continue à donner de nous et dans laquelle on voudrait nous enfermer pour dresser contre nous les autres peuples de la région qui ont pratiqué eux aussi, cet "esclavage".
Nous souhaitons que face aux états qui nous oppriment aujourd'hui et qui ont la mémoire assez courte pour oublier ce qu'ils revendiquaient hier, la France, elle, nation chargée d'histoire, reste fidèle aux principes pour lesquels elle a versé tant de sang.
Mais votre pays doit savoir qu'on ne résoudra pas nos difficultés en nous venant en aide par des actions contre la faim. Nous refusons cette politique de l'assistanat qui masque en réalité
les vraies problèmes. Nous avons des moyens suffisants pour vivre et la connaissance parfaite de notre environnement, et plus que jamais aussi, la volonté, l'énergie et la détermination de nous prendre nous-mêmes en charge.
Nous ne demandons pas autre chose que de bénéficier de garanties reconnues à tous les autres peuples. Ce qui nous manque, et ce que nous revendiquons, est la liberté de pouvoir disposer de nous-mêmes pour assumer notre destin.
Ceci ne peut se concevoir sans un espace qui nous soit internationalement reconnu, par conséquent inaliénable, sur lequel nous pourrons exercer notre mode de vie nomade ou sédentaire, élever nos enfants dans notre propre culture. Sur cet espace, nous désirons pouvoir bâtir, des villes et des villages avec des écoles où notre langue et notre histoire seront enseignées comme celles des autres peuples.
Nous ne souhaitons, en aucune manière, attenter à la souveraineté des états voisins, ni encore moins nuire aux intérêts de la France dans cette région. Nous en appelons à la France, acteur d'abord, témoin ensuite de notre drame et nous aimerions qu'elle sache notre détermination inflexible à recouvrer la liberté et la dignité sans lesquelles nous sommes de ceux qui n'ont plus rien à perdre.
Face à la situation actuelle au Mali et au Niger, nous demandons :
- Harassé de provocations, meurtri d'indignation et d'injustices, notre peuple a choisi de se défendre même au prix d'un suicide collectif.
Nous ne savons pas échanger notre honneur contre la vie dans la dépendance. Entre deux façons de mourir, nous avons toujours choisi la plus digne.
Nous supplions la France, pendant qu'il en est encore temps, d'assumer ses responsabilités historiques et actuelles et de sortir de cette hypocrisie qui ne trompe personne.
Nous savons, en effet la nature des relations que la France entretient avec ces deux pays et à quel point sa position peut être déterminante dans l'issue de ce conflit.
Mesurant les conséquences qu'entraînerait un long conflit dans cette région pour les uns et les autres, nous espérons que la France voudra bien prendre au sérieux notre désespoir afin que la raison et la paix l'emportent sur la haine et la guerre.

Exclusive interview with Fathi Ben Khalifa, President of World Amazigh Congress



By Mohamed Eljarh.
Fathi Ben Khalifa, President, World Amazigh Conference
London, 22 April 2013:
The World Amazigh Congress is an international organisation, which was established to protect the Amazigh identity and advocate the rights of Amazigh throughout the world and in particular in the North Africa and Sahel regions. Fathi Ben Khalifa, from Libya, was elected president of the World Amazigh Congress in October 2011.
Despite widespread sympathy among Libyans for the aspirations of the country’s Amazigh community, Ben Khalifa has faced numerous accusations – from being an Israeli agent to working for the partition of Libya, and insulting Islam and the Prophet Mohamed. They are accusations which he emphatically denies.
When asked about the nature of the threats he received, Ben Khalifa had the following to say:
“Threats against me existed since the Qaddafi days. That was to be expected. There is nothing new there because Qaddafi threatened many people and groups. However, in the summer of 2012, I received death threats from a group called Libya’s Revolutionary Brigades. The threat was in the form of a written statement that was posted online and copies of it were submitted to the authorities in Libya. The statement accused me of being an agent for Israel and other Western nations that sought to partition Libya. The statement went on to list the punishment that I should receive which was ‘Death by hanging’ for the charges of treason”
Ben Khalifa is convinced that he was really targeted for  what he stands for, which clashes with the agendas of certain groups in Libya.
When asked about the tactics these groups used to target him, he had the following to say:
“These groups are falsely using videos and recordings of statements I made during my visits to the Tuareg and Tebu tribes in southern Libya, or statements I made during interviews or forums. However, these videos and recordings have been edited and taken out of context, in order to portray me in a certain manner that would enable these groups to issue a statement calling for my death”
Ben Khalifa insists that he has good relations with tribes in the south, from Tuareg to Tebu to Arab tribes, and mentions in this context the tribe of Awlad Suliman in the Sebha region.
He felt that a vindictive and bitter campaign has been launched against him because he stands for “universal rights for all Libyans” – meaning he want standards of justice to apply to everyone in Libya without any discrimination. Ben Khalifa thinks the concept of “universal rights” for all Libyans, regardless of their ethnicity, faith, sex, political, tribal or ideological affiliations, clashes with the agendas of certain groups in the country that would like to impose their own ideology and identity and eliminate anything else that differs from it.
Ben Khalifa adds: “My name is being mentioned whenever trouble occurs in Libya. For example, my name was mentioned in the proselytizing case in Benghazi. There were allegations that I had a hand in it. Also, whenever, there is trouble in the south, my name and what I stand for is tainted by baseless and unfounded allegations that this is what I aspire to do (causing instability and chaos in Libya).”
Ben Khalifa was concerned that the media in Libya is being brain-washed by the constant  repetition of baseless allegations. Public opinion in Libya, he said was being misled. He also said that he had received repeated threats via emails and his social media profiles.
When asked about the response of Libyans officials to the threats he received and the number of baseless allegations against him, Ben Khalifa had the following to say:
“Officials in Libya, both security and government officials, as well as politicians, seem to have lost touch with the reality of the situation in Libya. Their approach to many critical issues has so far been nothing more than anad hoc  that usually backfires and results in further complications to the situation. I could excuse security officials in Libya because their own lives are in danger and many times they have been the victims of violence. Some have lost their lives. In my case, I was advised by senior security and government officials that it wouldn’t be safe for me to return to Libya now, and that I should wait until the situation settles down”.
Despite this advice, Ben Khalifa insists that nothing would keep him away from Libya, and that it would not deter him from continuing to advocate for what he believes in and stands for.
On the issue of Libya’s upcoming constitution, Ben Khalifa had the following to say:
“Politicians in Libya need to understand the significance of the issue of Libyan identity in the constitution. Will Libya be Arab, African or Islamic …. and so forth? The Libyan identity needs to be Libyan and any sort of division or discrimination with regards to the issue of identity would only complicate Libya’s future”
On the rights of Amazigh in Libya’s upcoming constitution, Ben Khalifa had the following to say:
“I don’t support special treatment for the Amazigh or special provisions for the rights of the Amazigh in the constitution. I support the idea that the constitution provides all Libyans with ‘universal rights’, not just the Amazigh, but women, Christians, Jews, disabled people and all segments of the society. No single group should have preference over others in the Libya’s upcoming constitution, because that would create divisions and we would have first-class citizens and second-class citizens. Our constitution should uphold the concept of ‘citizenship for all’ based on justice and equality.”
On the challenges facing Libya’s upcoming constitution and the implications of those challenges on Amazigh rights, Ben Khalifa had the following to say:
“The main challenge facing Libya’s upcoming constitution is the narrow-mindedness of the elite in the Libyan political arena. The serious lack of dialogue and the inability to appreciate differences and disagreements are all challenges facing Libya’s upcoming constitution”
When asked about the extent he would go to see the Amazigh rights guaranteed, safeguarded and protected, Ben Khalifa said:
“As a Libyan I would stand firmly against any bad intentions towards my country and my fellow Libyans. However, it is not hard to understand that marginalisation and oppression would only result in violent confrontations. This is not a threat. This is what history tells us,. This is what the February 17 Revolution teaches you. To get rid of Qaddafi and then keep his practices intact is not what Libyans aspired to when they walked out in the streets against oppression and marginalization.”
Numerous people accused Ben Khalifa of hating Arabs and not supporting  the Palestinians in their struggle against Israel. When asked about this issue, Ben Khalifa said the following:
“I was never against Palestine or the rights of Palestinians in their struggle against Israel. I support Palestine out of my humanistic instincts. However, I firmly believe that the best way to support Palestine and Palestinians is by building a strong Libya, where the values of equality, justice, citizenship for all and respect for diversity are all guaranteed. Supporting Palestine isn’t by issuing statements and playing the role of the hero and the saviour like Qaddafi did and Bashar is still doing. Supporting Palestine should start at home by respecting the rights of all Libyans. This belief has been taken out of context and is being used against me”
Ben Khalifa believes that the 17 February revolution in Libya is a historical event that would not be repeated anytime soon. The positive development after the February revolution according to Ben Khalifa is openness of the public in Libya towards their Amazigh brothers, and there seems to be overwhelming support for ‘universal rights’ for all Libyans without any preference for one group over another.
Ben Khalifa believes that his message and what he stands for clashes directly with the agenda of groups who are taking their orders from outside Libya. When asked to elaborate on this point he said:
“For example we have groups who would like to copy Saudi Arabia and are working hard to eliminate anyone or any group that hold different views on what the Libyan people should look like in the future, as stipulated in its upcoming constitution. I say to them relocate to Saudi Arabia if you are fond of their style of living, because the Libyan identity is here to stay.”
When asked about whether he would support partition of Libya if that was the only way the Amazigh would get their rights, he said:
“I would never support partition of Libya. I know there are other ways by which all Libyans can have their rights protected and safeguarded and that would by celebrating the difference and the diversity of the Libyan society. The history of Libya didn’t start 1400 years ago. Libya existed thousands of years before Islam and the Arabs came to North Africa. All that history should be celebrated and all Libyans should be proud of it”
Finally, Ben Khalifa urged individuals or groups who disagree with him to have open and transparent dialogue so that Libyans can make their own judgment themselves, and not have their minds made up for them. “I would never agree or tolerate misleading of the Libyan public opinion” he said.


Libye : adoption d'une loi controversée, siège des ministères levé



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Graffiti anti-Kadhafi à Tripoli. La ville reste obsédée par l'ancien dictateur.


Le Congrès général nationale libyen a adopté, dimanche 5 mai, avec 115 voix sur 157 une loi controversée qui exclut de la vie politique toute personne ayant occupé un poste de responsabilité sous le régime de Mouammar Kadhafi, depuis l'arrivée de ce dernier au pouvoir en 1969.

Parallèlement, des hommes armés qui cernaient depuis quelques jours les ministères des affaires étrangères et de la justice pour réclamer l'adoption de cette loi ont annoncé qu'ils suspendaient leur mouvement.

Cette loi doit encore être ratifiée par la Commission juridique du Congrès. Elle exclut d'office son président, Mohamed al-Megaryef, qui avait été ambassadeur enInde durant les années 1980. Elle risque d'écarter aussi au moins quatre ministres du gouvernement d'Ali Zeidan et une quinzaine de députés, dont le vice-président du Congrès, Jomaa Atiga, selon un responsable libyen. La loi prévoit la formation d'une commission qui se chargera de son application.

Lire : A Tripoli, l'obsession Kadhafi

Lire (édition abonnés) : L'épuration de l'appareil d'Etat déchire la Libye

Nigeria : au moins 39 morts à Taraba



Dernière mise à jour: 4 mai, 2013 - 20:33 GMT
La carte du Nigeria
La tension est partie d'un différend au sujet d'un terrain de football
Un couvre-feu a été imposé dans une partie de l’Etat de Taraba dans le centre du pays. La décision a été prise à la suite d’affrontement entre des jeunes chrétiens et musulmans qui ont fait au moins 20 morts.
La violence a éclaté vendredi lors des funérailles d’un chef traditionnel dans la ville de Wukari.
Selon des témoins un cortège funèbre composé majoritairement de chrétiens de l’ethnie Jukun a traversé un quartier musulman en scandant des slogans.
Un porte-parole de la police a déclaré que 50 personnes ont été blessées. La tension est montée dans la ville depuis février, quand un différend concernant un terrain de football a dégénéré en violence communautaire

BBC

Mali/L'altermondialiste Aminata D. Traoré PULVERISE Hollande et les 40 voleurs du parti (socialiste...)!!Visez:« Le Mali est à rendre aux maliens »

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« Le Mali est à rendre aux maliens »

« Le Mali est à rendre aux maliens »

« Toute société impérialiste voit dans l’Autre la négation de l’idéal qu’elle s’efforce, elle-même, d’atteindre. Elle cherche à le domestiquer en l’attirant dans le champ d’application de son idéal et en l’y situant au degré le plus bas » Wolfgang Sachs
QUE SOMMES-NOUS DEVENUS AU MALI ?
« A qui allons-nous rendre les clés ? » est la question posée par Pierre Lellouche, député UMP et Président du groupe Sahel de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale française à propos du Mali. C’était le 22 avril 2013, lors du débat parlementaire qui a précédé le vote de la prolongation de l’opération Serval. Comme pour lui répondre, Hervé Morin, ancien ministre (UMP) de la Défense dit « Mais il n’y a personne à qui passer la main ». Comme une lettre à la poste, la prolongation demandée a été adoptée à l’unanimité. S’agissant de l’organisation de l’élection présidentielle en juillet 2013. La France officielle est non seulement unanime mais  intransigeante
Je serai « intraitable » a prévenu le Président François Hollande. Ce mot est dans toutes les têtes ici et nous a blessés. Le ministre de la Défense Jean Yves Le Drian estime à ce sujet qu’ « il faut dire les choses fortement » (RFI). Les Maliens qui ont accueilli le Président François Hollande en libérateur s’imaginaient que l’Opération Serval débarrasserait rapidement leur pays de Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et ses affiliés d’Ansar Dine et du MUJAO et que la vie reviendrait comme avant. L’intervention militaire a incontestablement réduit la capacité de nuisance des djihadistes en en tuant quelques centaines et en détruisant d’énormes stocks d’armes et de carburant. Mais les villes de Gao et Tombouctou sont libérées sans l’être totalement puisque des groupes que le discours officiel qualifie de « résiduels » opèrent dans ces localités et y commettent des attentats. Fait plus préoccupant, Kidal est entre les mains du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) qui interdit à l’armée malienne d’y accéder.
De peur de s’enliser, la France revoit ses effectifs à la baisse sans pour autant se retirer. Sa coopération avec la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la mobilisation des troupes africaines de la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA) étant loin d’être satisfaisante. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies au Mali (MINUSMA) entrera en action en juillet.
La France ne s’enlisera pas. Mais dans quelle aventure a-t-elle embarqué notre pays alors qu’il ne s’y était pas préparé ? Et quel Mali laisserons-nous aux générations futures ? Celui où le départ du dernier soldat français a été l’un des temps forts de sa décolonisation et qui aujourd’hui perd ce qui lui restait de souveraineté ?
Confiant dans son rôle de libérateur, le Président Hollande nous a promis lors de son passage à Bamako une nouvelle indépendance, « non pas contre le colonialisme, mais contre le terrorisme ». Comme s’il appartenait à la France de nous sauver d’un péril auquel elle n’est pas étrangère si l’on remonte à son intervention en Libye.
L’Homme malien est-il suffisamment entré dans l’histoire ? Est-il sujet de son propre devenir de manière à jouir de son droit de dire « non » aux choix et aux décisions qui engagent son destin ?
La militarisation comme réponse à l’échec du modèle néolibéral dans mon pays est le choix que je conteste. Interdite de séjour dans les pays de l’espace Schengen, je regarde avec admiration et respect, la mobilisation et la détermination des peuples d’Europe à lutter contre le même système qui en toute quiétude nous broie, ici en Afrique.
L’EFFONDREMENT DU CAPITALISME MALIEN « GAGNANT »
Le Mali ne souffre pas d’une crise humanitaire et sécuritaire au nord du fait de la rébellion et de l’islam radical et d’une crise politique et institutionnelle au sud en raison du coup d’Etat du 22 mars 2012. Cette approche réductrice est la première et véritable entrave à la paix et la reconstruction nationale. Nous avons assisté surtout à l’effondrement d’un capitalisme malien prétendument gagnant au coût social et humain fort élevé.
Ajustement structurel, chômage endémique, pauvreté et extrême pauvreté, sont notre lot depuis les années 80. La France et les autres pays européens ont juste une trentaine d’années de retard sur le Mali, et ses frères d’infortune d’Afrique, soumis depuis plus de trois décennies à la médecine de cheval du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale.
Selon le CNUCED (rapport 2001), l’Afrique est le continent où la mise en œuvre des PAS a été la plus massive, la plus poussée et la plus destructrice le long des décennies 80 et 90 au cours desquelles les institutions internationales de financement ne se sont préoccupées que de la correction des déséquilibres macro-économiques et des distorsions du marché en exigeant des Etats des documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).
Le credo de Margaret Thatcher « There Is No Alternative » (TINA) marche à merveille sous nos cieux. Il revient à dire au plan économique « libéralisez vos économies à tout prix », au plan politique « Démocratisez selon nos normes et nos critères » et dans le cas du Mali « votez en juillet ». A cet agenda, suffisamment périlleux, s’ajoute, à présent, le volet militaire « sécurisez vos pays selon nos méthodes et conformément à nos intérêts ».
Sacrifié sur l’autel du commerce dit libre et concurrentiel, mais parfaitement déloyal comme l’illustrent les filières cotonnière et aurifère, et sur celui de la démocratie formelle, le Mali est en train de l’être, également, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
La rébellion du Mouvement Nationale de libération de l’Azawad (MNLA), le coup d’Etat, et le recrutement des jeunes chômeurs et affamés au nord comme au sud du pays par AQMI, Ansar Dine et MUJAO s’inscrivent dans un environnement national explosif. Il a été marqué en fin 2011 et début 2012 par des marches de protestations contre la vie chère, le chômage, la précarité, le référendum constitutionnel, la question foncière, la corruption et l’impunité.
Mis à part la petite minorité des nouveaux riches, c’est le peuple malien qui est le grand perdant de l’ouverture de l’économie nationale aux forceps. Il est diverti par le discours mensonger et soporifique sur l’exemplarité de notre démocratie et de nos performances économiques qui étaient semble-t-il les meilleures  de l’UEMOA. Les voix discordantes sont ostracisées.
DENI DE DEMOCRATIE
Démocratique  à l’intérieur de ses frontières, lorsqu’on considère la teneur  et la vivacité du débat dans l’hémicycle et dans la rue sur le mariage pour tous, par exemple, elle se montre intraitable dans ses relations avec le Mali. Ne pas voir le moindre mal dans son retour en force.  Ne rien savoir de ses desseins ou faire semblant de ne pas savoir. Chanter et danser à sa gloire si l’on veut être dans ses bonnes grâces, exister politiquement et circuler librement en Europe. S’y refuser, reviendrait à ne pas être avec elle, donc contre elle. On se croirait au lendemain des attentats du World Trade Center aux Etats-Unis d’Amérique en 2001, au moment où le Président américain Georges W Bush déclarait : « Ou bien on est avec nous, ou bien on est avec les terroristes ». Dans mon cas ce sont les idées de gauche sur les ravages de la mondialisation néolibérale en Afrique qui sont devenues subversives. Elles m’avaient pourtant valu d’être l’invitée du Parti Socialiste à son université de la Rochelle en 2010.
Pour brouiller le sens de mon discours et de mon combat j’ai été qualifiée d’abord de pro-putschiste et d’anti-CEDEAO, avant l’étape actuelle  de mon assignation à résidence. Je suis redevable à Karamoko Bamba du mouvement N’KO de cette pensée africaine selon laquelle « celui qui a le fusil ne s’en sert pas pour prendre le pouvoir. Et celui qui détient le pouvoir l’exerce dans l’intérêt du peuple et sous son contrôle ».
Pourquoi devais-je faire porter l’entière responsabilité de l’effondrement de l’Etat aux laissés-pour-compte d’une armée gangrenée, comme les autres institutions de la République, par la corruption, le népotisme et l’impunité ?
Il ne peut être reproché aux militaires de ne pas savoir défendre un pays dont les élites politiques et économiques, non seulement acceptent de l’ouvrir au marché dans les pires conditions mais en profitent pour s’enrichir. Le naufrage est d’abord le leur pour avoir revendiqué un modèle économique qui rime avec le désengagement et le délitement de l’Etat, la ruine des paysans, la clochardisation des troupes et le chômage endémique. S’ils n’avaient pas les moyens d’appréhender les ravages du système dans les années 80, nos dirigeants politiques ne peuvent plus l’ignorer au regard de l’impasse dans laquelle ce système  a conduit la Grèce, l’Espagne, le Portugal, Chypre et… la France, leur mode de référence.
DE L’OSTRACISATION A LA CRIMINALISATION
C’est le 12 avril au moment de me rendre à Berlin à l’invitation de la gauche allemande (Die Linke) et à Paris à celle du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) que j’ai appris que j’étais devenue persona non grata en Europe à la demande de la France. Il en est de même pour Oumar Mariko, le Secrétaire général du parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance). L’ambassade d’Allemagne m’a donné un visa qui m’a permis de me rendre à Berlin en passant par Istanbul (Turquie) au lieu d’Amsterdam (Pays-Bas) comme initialement prévu. Quant à l’étape de Paris, elle a tout simplement été annulée.
J’ai pris connaissance de mon statut de persona non grata par le message suivant qui m’a été adressé par la Fondation Rosa Luxembourg
« L’ambassade d’Allemagne à Bamako nous a informé ce matin que la condition indispensable pour votre visa pour l’Allemagne est que vous ne voyagez pas via un pays de Schengen. C’est pourquoi nous avons acheté un nouveau ticket (des vols via Istanbul/Turquie) que vous trouvez ci-joint. Je suis désolé que de ce fait vous n’avez pas la chance de rester trois jours à Paris. Mais l’ambassade d’Allemagne nous a informé que la France a empêché qu’on vous donne un visa pour tous les pays Schengen.  On va venir vous chercher à l’aéroport à Berlin lundi. »
L’Association « Afrique Avenir » en co-organisatrice de l’une des conférences à Berlin a protesté et ses principaux partenaires ont réagi à leur tour. Je remercie tous ceux qui m’ont témoigné leur solidarité et rappelle ici le sens de mon combat, pour ceux qui considèrent que la France a le droit de porter atteinte à ma liberté de circulation en raison de mon désaccord avec Paris lorsqu’il ne  pratique que la politique de ses intérêts.
Qui peut me reprocher ce que les auteurs du rapport d’information du Sénat français disent si clairement en ces termes « La France ne peut se désintéresser de l’Afrique qui est, depuis des décennies, sa profondeur stratégique, qui sera demain, plus peuplée que l’Inde et la Chine (en 2050, l’Afrique aura 1,8 milliards d’habitants contre 250 millions en 1950), qui recèle la plupart des ressources naturelles, désormais raréfiées et qui connaît un décollage économique, certes, inégal, mais sans précédent, qui n’est plus, seulement, porté par l’envolée du cours des matières premières, mais aussi, par l’émergence d’une véritable classe moyenne ».
Si le constat sur les enjeux démographiques et économiques est fondé, le « décollage économique » auquel ce rapport fait allusion est incertain, source de conflits parce qu’inégalitaire, ne profitant d’abord qu’aux entreprises étrangères et à une partie de l’élite politique et économique.
Les enjeux de l’intervention militaire en cours sont : économiques (l’uranium, donc le nucléaire et l’indépendance énergétique), sécuritaire (les menaces d’attentats terroristes contre les intérêts des multinationales notamment AREVA, les prises d’otages, le grand banditisme, notamment le narcotrafic et les ventes d’armes), géopolitique (notamment la concurrence chinoise) et migratoires.
Quelle paix, quelle réconciliation et quelle reconstruction peut-on espérer lorsque ces enjeux sont soigneusement cachés au peuple ?
L’INSTRUMENTALISATION DES FEMMES
L’interdiction de l’espace Schengen ne me vise pas en tant que femme mais elle démontre que celles qui refusent d’être instrumentalisées dans la défense des intérêts dominants peuvent être combattues. J’en fais la douloureuse expérience au niveau national depuis longtemps déjà, mais ne m’attendais à être ostracisée de la part du pays des droits de l’homme, précisément, au moment où mon pays est en guerre. Il viole ainsi la résolution 1325, relative à la participation des femmes à la prise de décision à tous les niveaux, à la prévention ou à la résolution des conflits ainsi qu’à la reconstruction.
Dois-je rappeler que le 8 mars 2013, Journée Internationale des Femmes, le Président François Hollande répondait à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy qui s’interrogeait sur la présence de l’armée française au Mali, qu’elle y est allée « parce qu’il y avait des femmes victimes de l’oppression et de la barbarie ! Des femmes à qui l’on imposait de porter le voile ! Des femmes qui n’osaient plus sortir de chez elles. Des femmes qui étaient battues ! ».
A propos de voile, je suis l’une des rescapées maliennes et sahéliennes de l’analphabétisme qui tente de déchirer celui, pernicieux, de l’illettrisme économique qui maintient les Africains dans l’ignorance la plus totale des politiques néolibérales et fait d’eux du bétail électoral. Le Président Hollande se montrerait-il si intraitable quant à la date de l’élection présidentielle au Mali s’il avait devant lui un électorat malien qui place la souveraineté économique, monétaire, politique et militaire au cœur du débat politique ?
A propos des femmes qui ‘’ n’osaient plus sortir de chez elles’’, je sortais jusqu’ici librement de mon pays et parcourais tout aussi librement l’Europe et le monde. Quelle que soit l’issue de la situation que je traverse en ce moment, elle ne peut qu’être dissuasive pour les autres Maliennes et Africaines qui ont envie de comprendre le monde global et de lutter pour ne pas le subir mais en être des citoyennes averties et actives.
AIDE AU DEVELOPPEMENT OU A LA MILITARISATION
Au djihadisme armé il faut, semble-t-il, une solution armée. La voie est ainsi ouverte dans un pays comme le nôtre aux achats d’armement au lieu d’analyser et de soigner le radicalisme religieux qui prospère là où l’Etat, ajusté et privatisé, est nécessairement carencé ou tout simplement  absent.
Faire l’âne pour avoir du foin, est le comportement qui prévaut dans ce contexte de pauvreté généralisée tant au niveau des Etats que de certaines organisations non étatiques. Et la guerre -comble de l’horreur- est aussi une occasion d’injecter de l’argent frais dans notre économie exsangue.
Déçue par les hésitations et les lenteurs de l’Europe dont la solidarité s’est traduite jusqu’ici par la formation de l’armée malienne et de certains soutiens bilatéraux, la France invite au partage de l’effort financier entre Européens dans la défense de leurs intérêts stratégiques en Afrique de l’Ouest. D’autres bailleurs de fonds y seront associés.
Le 15 mai 2013 à Bruxelles, les bailleurs de fonds examineront le plan d’actions prioritaires d’urgence (pour 2013 et 2014). Les ressources qui seront mobilisées (ou annoncées) profiteront-elles au peuple malien, qui ne sait plus où donner de la tête ou  irrigueront-elles les mêmes circuits économiques selon les mêmes pratiques qui ont aggravé la pauvreté et les inégalités.
Dans le cadre de la reprise de la Coopération, le ministre français délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement annonce 240 millions d’euros destinés à financer l’agriculture, les services de bases dont l’eau et l’électricité dans les régions du nord, le retour des populations.
C’est le lieu de rappeler que Tripoli la capitale Libyenne a abrité, les 29 et 30 novembre 2010, le Troisième Sommet Afrique-UE où le Guide libyen, Mouammar Kadhafi, a accueilli, en grande pompe, les dirigeants de 80 pays africains et européens.
La création d’emplois, les investissements et la croissance économique, la paix, la stabilité, les migrations et le changement climatique étaient à l’ordre du jour de ce sommet. Les participants s’étaient mis d’accord sur un « plan d’action » pour un Partenariat Afrique-UE de 2011 à 2013.
L’UE a, à cette occasion, réaffirmé son engagement à consacrer 07% de son PNB à l’aide publique et au développement d’ici 2015 et d’affecter 50 milliards d’euros aux objectifs généraux du partenariat envisagé entre 2011 et 2013. Nous sommes en 2013 et fort loin des objectifs de développement du Millénaire et des voies et moyens de les atteindre en 2020. Car le ver dans le fruit.
La paix, la réconciliation et la reconstruction du Mali, n’ont aucune chance d’aboutir si elles doivent reposer sur des arrangements politiciens en vue d’engranger l’ « aide extérieure ».
L’Etat, ou ce qui en reste ainsi que les rebelles se battent et négocient dans le cadre du même paradigme qui a aggravé le chômage, la pauvreté et les tensions. Les différends se règlent en termes d’investissement, dans les infrastructures, le lieu par excellence de l’enrichissement rapide et de la corruption. La liste des travaux d’infrastructures mal exécutés ou non réalisés est longue. Elle explique en partie le mécontentement des populations du septentrion qui souffrent pendant que des maisons individuelles poussent au su et au vu de tout le monde grâce aux détournements de fonds et l’argent du narcotrafic.
OSONS UNE AUTRE ECONOMIE
Rien ne sera plus comme avant. Ce qui était difficile risque de l’être davantage avec la militarisation qui absorbera des ressources dont nous avons cruellement besoin pour l’agriculture, l’eau, la santé, le logement, l’environnement et l’emploi.
Opération Serval, Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA), Mission Intégrée de Stabilisation Multidimensionnelle des Nations-Unies, la défense de notre pays et notre sécurité, avant d’être militaire, est d’abord un défi intellectuel, moral et politique.
Je me suis reconnue dans les propos du candidat François Hollande lorsqu’il déclara qu’ « il est temps de choisir une autre voie. Il est temps de choisir une autre politique ». Ce temps est, assurément, venu et pour la France et pour ses anciennes colonies d’Afrique. Il est celui des transitions économiques, sociales, politiques, écologiques et civilisationnelles qui n’ont rien à voir avec la feuille de route de la « communauté internationale ». Elles renvoient à un changement de paradigme.
Que les dirigeants africains qui ont intériorisé le discours mensonger sur l’inéluctabilité de cette guerre afin d’en finir le péril djihadiste ne s’y trompent pas : l’effet de contagion qu’ils redoutent, tient moins à la mobilité des djihadistes qu’à la similitude des réalités économiques, sociales et politiques induites par le modèle néolibéral.
Si les chefs djihadistes viennent d’ailleurs, la majorité des combattants sont des jeunes maliens sans emplois, sans interlocuteurs, sans perspectives d’avenir. Les narcotrafiquants puisent, eux-aussi, convoyeurs et revendeurs de drogue parmi la même jeunesse désemparée.
La misère morale et matérielle des jeunes diplômés, des paysans, des éleveurs et d’autres groupes vulnérables constitue le véritable ferment des révoltes et des rebellions qui, mal interprétées, alimentent, de l’intérieur bien des réseaux. La lutte contre le terrorisme et le crime organisé, sans effusion de sang, au Mali et en Afrique de l’Ouest passe par l’analyse honnête et rigoureuse du bilan des trois dernières décennies de libéralisme sauvage, de destruction du tissu économique et social ainsi que des écosystèmes. Rien n’empêche les centaines de milliers de jeunes Maliens, Nigériens, Tchadiens, Sénégalais, Mauritaniens et autres, qui viennent chaque année grossir le nombre des demandeurs d’emploi et de visas, de rejoindre le rang des djihadistes si les Etats et leurs partenaires techniques et financiers ne sont pas capables de remettre le modèle néolibéral en question.
L’INDISPENSABLE CONVERGENCE DES LUTTES
Je plaide pour un élan de solidarité qui prenne le contre-pied de la militarisation, nous restitue notre dignité, préserve la vie et les écosystèmes.
Tout irait dans le bon sens si les 15.000 soldats étaient des enseignants, des médecins, des ingénieurs et si les milliards d’euros, qui vont être dépensés, étaient destinés à ceux et celles qui ont le plus besoin. Nos enfants n’auraient pas besoin d’aller se faire tuer en soldats mal payés, en narcotrafiquants ou en fous de Dieu.
Nous nous devons de nous atteler, nous-mêmes à la tâche primordiale de la transformation de notre moi profond, ébranlé et de notre pays meurtri. L’avantage considérable de l’approche systémique est la détribalisation des conflits au profit d’une conscience politique qui réconcilie et rassemble ceux que l’économie mondialisée broie. Touareg, Peulh, Arabes, Bamanan, Sonrhaï, Bellah, Sénoufos cesseraient de s’en prendre les uns aux autres et se battraient ensemble et autrement.
Cette approche altermondialiste nous rend notre « dignité » dans un contexte où nous avons tendance à culpabiliser et à nous en remettre, poings et pieds liés, à une « communauté internationale » juge et partie.
Elle plaide pour la convergence des luttes à l’intérieur des frontières entre les différentes composantes de la société éprouvées par la barbarie du système capitaliste qui ne veulent ni se résigner ni se soumettre. Elles doivent explorer ensemble des alternatives à la guerre.
Les Etats libéraux ayant privilégié la guerre et investi dans les armes de destruction des vies humaines, du lien social et des écosystèmes, innovons à travers la bataille des idées et convoquons une conférence citoyenne au sommet pour l’autre développement du Mali, en vue de desserrer l’étau de la mondialisation capitaliste. Il s’agit d’instaurer le débat sur la relation entre politiques néolibérales et chaque aspect de la crise : chômage endémique des jeunes, rébellions, mutineries, coups d’Etat, violences faites aux femmes, radicalisme religieux.
Un travail inédit et intense d’information et d’éducation citoyenne dans les langues nationales, permettra aux Maliens de parler enfin entre eux de leur pays et de leur avenir.
Parce que tous les Hommes naissent libres et égaux en droits, nous revendiquons juste notre droit à :
  • un autre économie, de manière à disposer des richesses de notre pays, et  à choisir librement des politiques qui nous mettent à l’abri du chômage, de la pauvreté, de l’errance et de la guerre ;
  • un système politique véritablement démocratique, parce que intelligible pour l’ensemble des Maliens, décliné  et débattu dans les langues nationales, fondé sur des valeurs de culture et de société largement partagées ;
  • la liberté d’expression et de circulation.
RENDEZ-NOUS LES CLES DE NOTRE PAYS !
La France officielle qui déclare urbi et orbi que nous n’avons « pas d’Etat digne de ce nom », ni « d’armée digne de ce nom », considère certainement que nous n’avons pas non plus d’existence en tant que peuple pour aller jusqu’à se demander  « à qui remettre les clés » et à exiger l’organisation de nos élections en juillet 2013. Elle s’accommode par ailleurs de l’annulation de la concertation nationale – qui devait nous permettre de prendre ensemble entre Maliens le pouls de notre pays. Elle s’accommode tout autant de l’état d’urgence instauré, puis prolongé une première fois, et une seconde fois de manière à « sécuriser » la transition.
Je n’ai pas le sentiment que la « guerre contre le terrorisme » ait apporté la paix en Irak, en Afghanistan et en Libye, et que les casques bleus ont su garantir aux populations de la République Démocratique du Congo et en Haïti la sécurité que celles-ci étaient en droit d’attendre d’eux.
Mais je suis persuadée qu’il y a en chaque Malienne et chaque Malien un(e) soldat(e), un(e) patriote qui doit pouvoir participer à la défense de ses intérêts et du Mali à partir d’une bonne connaissance de son état réel dans l’économie mondialisée.
La réponse à l’insupportable question de Claude Lellouche est claire : le Mali est à rendre aux Maliens. Nous pouvons-en prendre le plus grand soin parce que, comme Bouna Boukary Dioura l’a rappelé, nous savons, nous les peuples du Sahel que les rochers finissent par fleurir à force d’amour et de persévérance.
Rendez les clés du Mali au peuple malien !
Aminata D. Traoré, Bamako le 03 mai 2013