mardi 6 septembre 2011

Les Inrocks:Tinariwen : les rois du désert


05/09/2011 | 16H11
Tinariwen - Tassili
V2 / Cooperative Music

Porte-parole du peuple touareg, inventeur du rock du désert, nomade par essence, Tinariwen revient avec un disque lumineux et un discours qui crée des oasis dans la vie. Rencontre, critique et écoute.

Silhouette sèche et immuable de coureur de fond. Visage tanné sans âge, impénétrable masque cuivré dont chaque ride, pareille au lit d’un oued, doit pouvoir raconter une histoire secrète, indiquer un chemin intime. Sous un maquis de cheveux noirs, le regard est à la fois doux et farouche, vague et intense, perdu entre l’intérieur et les confins.

Ibrahim Ag Alhabib n’a pas besoin de porter le chèche pour évoquer, tout en les protégeant, ses mystères. Ibrahim est le leader historique de Tinariwen. Compositeur, guitariste et voix. Surtout voix. Producteur, ami et membre honoraire du groupe, qu’il connaît depuis la fin des années 90, le Français Jean-Paul Romann raconte cette anecdote : “Un jour, je discutais avec Ibrahim. Je lui pose la main dans le dos pendant qu’il parle et je sens cette vibration, cette résonance dans sa cage thoracique…”

Le minéral Ibrahim est plus que la voix de Tinariwen. Il s’impose aussi, qu’il le veuille ou non, comme le porte-parole du peuple touareg, la caisse de résonance du Sahara – beaucoup de blanc sur la carte mais une bande-son unique au monde. Il y a dix ans Tinariwen enregistrait Radio Tisdas, son premier véritable album, dans les petits locaux d’une station de radio à Kidal, Nord-Mali, en pays touareg (Jean-Paul Romann était déjà de l’aventure). Depuis, Tinariwen a fait du chemin, vu du pays, inventé le rock du désert, croisé le succès mondial, sensibilisé l’opinion internationale à l’histoire récente et tragique des Touaregs, aboli les fichues frontières entre le rock et les musiques du monde – de Thom Yorke à Robert Plant en passant par les underground Tunng, d’innombrables musiciens ont succombé à ces chants du désert branchés sur groupe électrogène.

Tinariwen est allé très loin, oui, mais tous les horizons ne se valent pas. “Dès que je monte dans un avion, le pays me manque. La solitude, la nature, le silence, j’ai besoin de tout ça”, nous disait Ibrahim il y a une paire d’années. Il y a un an, de passage à Paris, Ibrahim s’est acheté une belle guitare acoustique, une espagnole échancrée à cordes en nylon. Point de départ, ou plutôt de retour, pour Tassili, cinquième album de Tinariwen : un disque acoustique enregistré en petit comité dans le désert de Tassili, immense vallée sablonneuse et rocailleuse à trente-cinq kilomètres de la ville de Djanet, dans le sud-est algérien.

Le groupe aurait préféré enregistrer à Tessalit, son fief du Nord-Mali. Mais en raison de la présence d’Aqmi (la branche saharienne d’Al-Qaeda) et de l’incapacité des autorités maliennes à sécuriser la zone, il s’est rabattu sur la région de Djanet, plus sûre. Ce secteur, les anciens de Tinariwen, dont Ibrahim fait partie, le connaissent bien. Djanet se situe sur la route qui relie Tamanrasset (dans le sud de l’Algérie) à la Libye. Dans la deuxième moitié des années 80, les anciens de Tinariwen étaient basés à Tamanrasset. Ils empruntaient cette route et faisaient escale à Djanet, pour se rendre dans les camps libyens d’entraînement pour la rébellion, formés par le colonel Kadhafi.
Tassili

Les ex-fidèles de Kadhafi perçus comme une menace au Sahel


Publié le 06 septembre 2011 à 11h30 | Mis à jour à 11h30
Des partisans de Mouammar Kadhafi agitent le fameux... (Photo Reuters)
Des partisans de Mouammar Kadhafi agitent le fameux drapeau vert de l'ancien régime.
PHOTO REUTERS
 
Serge DANIEL
Agence France-Presse
Bamako, Mali
Crainte de nouvelles rébellions, de hausse du banditisme voire d'alliance avec Al-Qaïda: le retour au Sahel d'ex-combattants pour Mouammar Kadhafi, formés à la guerre et dotés d'armes, menace la sécurité dans une région déjà confrontée au terrorisme, selon des analystes et officiels.
«Nous estimons à 600 le nombre de mercenaires et d'anciens Touaregs de l'armée régulière libyenne ayant franchi les frontières maliennes et nigériennes» ces dernières semaines, en raison de l'avancée militaire des troupes combattant les forces pro-Kadhafi, affirme à l'AFP un responsable sécuritaire malien joint dans le nord du Mali.
«Le danger est que ces combattants sont revenus avec des armes. S'ils n'ont rien à se mettre sous la dent, ils vont vendre ces armes ou s'en servir», ou peuvent «former +une armée du Sahel+ capable de résister à n'importe quel État» de cette région où certains pays sont moins équipés que les trafiquants qui traversent leurs frontières poreuses, affirme le politologue malien Moussa Diallo.
Autre «danger» selon lui: les ex-combattants pro-Kadhafi sont originaires de ces immenses régions désertiques, ils connaissent le terrain et peuvent se poser en «maîtres de ce vaste espace».
D'autres sources dans divers milieux évoquent un risque de voir ces Touaregs maliens et nigériens s'allier pour déclencher une rébellion en Afrique de l'Ouest, mais Mohamed Ould Sidi, ingénieur malien vivant dans le Nord, y croit peu: «ils n'ont plus pour le moment en Occident des soutiens de poids comme dans le passé».
Pourtant, «les armes n'ont jamais autant circulé dans la région», déclare un diplomate à Gao (nord du Mali) pour qui «le conflit libyen a foutu pour longtemps une pagaille pas possible dans la région. Tout peut arriver à n'importe quel moment», comme de voir les ex-combattants faire «des va-et-vient entre le Sahel et la Libye».
Pour prévenir toute déstabilisation, Bamako et Niamey ont chargé des notables et des élus de procéder à la sensibilisation des ex-combattants pour maintenir la situation apaisée.
Dans le nord du Mali, des émissaires de Bamako rencontraient mardi des leaders d'opinion dans ce cadre, selon un responsable malien. Au Niger voisin, «le gouvernement a actionné ses réseaux pour que la paix fragile soit consolidée et que la situation libyenne ne déstabilise pas le pays», a affirmé un haut responsable nigérien joint depuis Bamako.
Mais, observe un responsable sécuritaire malien, il faudrait une «véritable thérapie de choc» pour que le Sahel ne s'embrase pas avec le retour de ces ex-combattants, alors qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) cause des problèmes à retordre à plusieurs pays.
Aqmi opère dans le Sahel, y commettant attentats, enlèvements - essentiellement d'Occidentaux- et divers trafics. Ses membres pourraient profiter de la circulation des armes de la filière libyenne, d'après la même source qui soutient: «Les jihadistes feront tout pour acheter à prix d'or les armes venues de la Libye, d'abord pour affaiblir les combattants venus de ce pays. Ensuite ils imposeront leur loi» pour les obliger à «grossir leur rang».
«Il est vrai qu'Aqmi a récupéré un arsenal important à la faveur de la révolution libyenne», dont «des armes lourdes, des mitrailleuses et des canons sans recul», déclare Eric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, coauteur en mai d'un rapport sur la rébellion libyenne et qui s'est rendu récemment sur le terrain.
«Cela va prolonger Aqmi, mais cela ne risque pas de changer beaucoup leurs moyens d'action», analyse M. Dénécé, doutant que les jihadistes «aient la compétence technique» pour maintenir ces armes et équipements militaires en état de fonctionner.
«Sur le plan des combattants, Aqmi ne s'est pas renforcé. Cela concerne toujours 350 combattants à tout casser, à 99% Algériens», assure-t-il.
Un responsable d'ONG nigérienne a affirmé mardi à l'AFP avoir rencontré un ex-combattant pro-Kadhafi, qui lui a confié son désir de vendre ses armes pour s'acheter une maison, faire venir sa famille de Libye pour se réinstaller dans son pays.