05/09/2011 | 16H11
Porte-parole du peuple touareg, inventeur du rock du désert, nomade par essence, Tinariwen revient avec un disque lumineux et un discours qui crée des oasis dans la vie. Rencontre, critique et écoute.
Silhouette sèche et immuable de coureur de fond. Visage tanné sans âge, impénétrable masque cuivré dont chaque ride, pareille au lit d’un oued, doit pouvoir raconter une histoire secrète, indiquer un chemin intime. Sous un maquis de cheveux noirs, le regard est à la fois doux et farouche, vague et intense, perdu entre l’intérieur et les confins.
Ibrahim Ag Alhabib n’a pas besoin de porter le chèche pour évoquer, tout en les protégeant, ses mystères. Ibrahim est le leader historique de Tinariwen. Compositeur, guitariste et voix. Surtout voix. Producteur, ami et membre honoraire du groupe, qu’il connaît depuis la fin des années 90, le Français Jean-Paul Romann raconte cette anecdote : “Un jour, je discutais avec Ibrahim. Je lui pose la main dans le dos pendant qu’il parle et je sens cette vibration, cette résonance dans sa cage thoracique…”
Le minéral Ibrahim est plus que la voix de Tinariwen. Il s’impose aussi, qu’il le veuille ou non, comme le porte-parole du peuple touareg, la caisse de résonance du Sahara – beaucoup de blanc sur la carte mais une bande-son unique au monde. Il y a dix ans Tinariwen enregistrait Radio Tisdas, son premier véritable album, dans les petits locaux d’une station de radio à Kidal, Nord-Mali, en pays touareg (Jean-Paul Romann était déjà de l’aventure). Depuis, Tinariwen a fait du chemin, vu du pays, inventé le rock du désert, croisé le succès mondial, sensibilisé l’opinion internationale à l’histoire récente et tragique des Touaregs, aboli les fichues frontières entre le rock et les musiques du monde – de Thom Yorke à Robert Plant en passant par les underground Tunng, d’innombrables musiciens ont succombé à ces chants du désert branchés sur groupe électrogène.
Tinariwen est allé très loin, oui, mais tous les horizons ne se valent pas. “Dès que je monte dans un avion, le pays me manque. La solitude, la nature, le silence, j’ai besoin de tout ça”, nous disait Ibrahim il y a une paire d’années. Il y a un an, de passage à Paris, Ibrahim s’est acheté une belle guitare acoustique, une espagnole échancrée à cordes en nylon. Point de départ, ou plutôt de retour, pour Tassili, cinquième album de Tinariwen : un disque acoustique enregistré en petit comité dans le désert de Tassili, immense vallée sablonneuse et rocailleuse à trente-cinq kilomètres de la ville de Djanet, dans le sud-est algérien.
Le groupe aurait préféré enregistrer à Tessalit, son fief du Nord-Mali. Mais en raison de la présence d’Aqmi (la branche saharienne d’Al-Qaeda) et de l’incapacité des autorités maliennes à sécuriser la zone, il s’est rabattu sur la région de Djanet, plus sûre. Ce secteur, les anciens de Tinariwen, dont Ibrahim fait partie, le connaissent bien. Djanet se situe sur la route qui relie Tamanrasset (dans le sud de l’Algérie) à la Libye. Dans la deuxième moitié des années 80, les anciens de Tinariwen étaient basés à Tamanrasset. Ils empruntaient cette route et faisaient escale à Djanet, pour se rendre dans les camps libyens d’entraînement pour la rébellion, formés par le colonel Kadhafi.
Ibrahim Ag Alhabib n’a pas besoin de porter le chèche pour évoquer, tout en les protégeant, ses mystères. Ibrahim est le leader historique de Tinariwen. Compositeur, guitariste et voix. Surtout voix. Producteur, ami et membre honoraire du groupe, qu’il connaît depuis la fin des années 90, le Français Jean-Paul Romann raconte cette anecdote : “Un jour, je discutais avec Ibrahim. Je lui pose la main dans le dos pendant qu’il parle et je sens cette vibration, cette résonance dans sa cage thoracique…”
Le minéral Ibrahim est plus que la voix de Tinariwen. Il s’impose aussi, qu’il le veuille ou non, comme le porte-parole du peuple touareg, la caisse de résonance du Sahara – beaucoup de blanc sur la carte mais une bande-son unique au monde. Il y a dix ans Tinariwen enregistrait Radio Tisdas, son premier véritable album, dans les petits locaux d’une station de radio à Kidal, Nord-Mali, en pays touareg (Jean-Paul Romann était déjà de l’aventure). Depuis, Tinariwen a fait du chemin, vu du pays, inventé le rock du désert, croisé le succès mondial, sensibilisé l’opinion internationale à l’histoire récente et tragique des Touaregs, aboli les fichues frontières entre le rock et les musiques du monde – de Thom Yorke à Robert Plant en passant par les underground Tunng, d’innombrables musiciens ont succombé à ces chants du désert branchés sur groupe électrogène.
Tinariwen est allé très loin, oui, mais tous les horizons ne se valent pas. “Dès que je monte dans un avion, le pays me manque. La solitude, la nature, le silence, j’ai besoin de tout ça”, nous disait Ibrahim il y a une paire d’années. Il y a un an, de passage à Paris, Ibrahim s’est acheté une belle guitare acoustique, une espagnole échancrée à cordes en nylon. Point de départ, ou plutôt de retour, pour Tassili, cinquième album de Tinariwen : un disque acoustique enregistré en petit comité dans le désert de Tassili, immense vallée sablonneuse et rocailleuse à trente-cinq kilomètres de la ville de Djanet, dans le sud-est algérien.
Le groupe aurait préféré enregistrer à Tessalit, son fief du Nord-Mali. Mais en raison de la présence d’Aqmi (la branche saharienne d’Al-Qaeda) et de l’incapacité des autorités maliennes à sécuriser la zone, il s’est rabattu sur la région de Djanet, plus sûre. Ce secteur, les anciens de Tinariwen, dont Ibrahim fait partie, le connaissent bien. Djanet se situe sur la route qui relie Tamanrasset (dans le sud de l’Algérie) à la Libye. Dans la deuxième moitié des années 80, les anciens de Tinariwen étaient basés à Tamanrasset. Ils empruntaient cette route et faisaient escale à Djanet, pour se rendre dans les camps libyens d’entraînement pour la rébellion, formés par le colonel Kadhafi.