MESSAGE A LA NATION DE S.E.M. MAHAMADOU ISSOUFOU, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, CHEF DE L’ETAT, A L’OCCASION DU 56ème ANNIVERSAIRE DE LA REPUBLIQUE
Je suis heureux, en cette veille du 56ème anniversaire de la République, de dire qu’il sera, désormais, ajouté dans les statistiques économiques du Niger, aux côtés notamment des infrastructures routières et énergétiques, une ligne relative au réseau ferroviaire. Notre pays est, on s’en souvient, le seul de notre sous-région à n’en avoir pas hérité au moment de son indépendance.
Un des facteurs de la première révolution industrielle, celle des machines textiles, de la sidérurgie au coke et de la machine à vapeur, le chemin de fer, développé en Europe entre 1830-1840, permet à lui seul de mesurer l’ampleur de notre retard par rapport aux sociétés développées : presque deux siècles. Je me suis engagé à combler ce retard et je me réjouis de ce que, en dépit des difficultés rencontrées, l’engagement de notre partenaire stratégique en vue de la réalisation de la boucle ferroviaire, j’ai nommé l’entreprise Bolloré, ne faiblit pas. Je le félicite et l’encourage. Certes, j’avais souhaité que la ligne ferroviaire Niamey-Dosso soit inaugurée le 18 Décembre mais, après avoir attendu l’arrivée du train pendant 80 ans, nous pouvons avoir la patience de l’attendre encore quelques mois de plus.
Oui, le train nous donne la mesure du retard enregistré dans nos efforts de développement mais, malheureusement, ce retard n’est rien à côté de celui que nous enregistrons dans d’autres secteurs. Il est encore plus prononcés si on tient compte des progrès réalisés par l’humanité suite à la deuxième révolution industrielle, celle du pétrole et de l’électricité, puis suite à la troisième révolution industrielle en cours, celle des nouvelles technologies de l’information, notamment internet.
En effet, des drones et des satellites tournent au-dessus de nos têtes pendant que nos paysans travaillent péniblement la terre à la houe et à la hilaire. L’homme a fait ses premiers pas sur la lune depuis une cinquantaine d’années, alors qu’aujourd’hui encore certains de nos concitoyens n’ont pas accès à l’alimentation, à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé. Des sondes, porteuses d’un message symbolique de l’humanité, lancées depuis une quarantaine d’années, sont aujourd’hui au-delà du système solaire, dans l’espace interstellaire, alors que le taux d’alphabétisation dans notre pays est à peine de 30%.
Mes chers Concitoyens,
Le 31 Décembre et le 07 Avril prochains, à l’occasion respectivement des vœux du nouvel an et du quatrième anniversaire de mon accession à la magistrature suprême, je ferai respectivement, plaise à Dieu, le bilan chiffré de l’année 2014 et celui de quatre années de mise en œuvre du Programme de Renaissance. A ces occasions je reviendrai, dans les détails, sur les grandes priorités du Programme de Renaissance, c'est-à-dire sur les questions institutionnelles et sécuritaires, sur les infrastructures, sur l’initiative 3N, sur les secteurs de l’éducation, de la culture, de la santé, de l’eau, de l’assainissement et de l’emploi.De ces bilans, je peux d’ores et déjà l’affirmer, il apparaîtra qu’il y a un secteur où les efforts du Gouvernement doivent se concentrer davantage si nous voulons avancer plus rapidement sur la voie du progrès et réduire le fossé abyssal qui nous sépare des pays développés : le secteur culturel. En effet, les différentes révolutions industrielles, que le monde a connues jusqu’ici, sont nées d’évolutions culturelles et institutionnelles qui les ont portées. Le comportement des hommes et leurs valeurs culturelles ont été le moteur de ces révolutions. Or, si sur le plan institutionnel des progrès notables ont été enregistrés avec la vitalité démocratique que connaît notre pays, sur le plan culturel, par contre, celui-ci s’enfonce dans une situation d’arriération prononcée comme l’illustrent le recul de l’éthique du travail notamment dans la fonction publique, le développement d’une mentalité d’assisté, notre rapport avec le temps, notre comportement par rapport aux biens publics, aux questions démographiques et à l’école particulièrement s’agissant de la scolarisation des filles. Pour surmonter ces obstacles il faut, sans tarder, créer les conditions d’une profonde rupture et d’une renaissance culturelles qui passent par une révision de certaines de nos valeurs sociales.
Mes chers Concitoyens,
La mentalité dominante dans notre pays est celle d’une société d’autoconsommation, d’une société de subsistance. Cette mentalité ne correspond pas au stade de développement auquel noussouhaitons hisser notre pays, celui d’une économie marchande en voie de développement, celui d’un pays à revenus intermédiaires, voire d’une économie émergente.
Cela se voit dans notre rapport à l’assistanat et à la solidarité, qu’ils soient le fait de la cellule familiale ou de l’Etat. Ainsi, alors que dans les économies développées l’assistanat, notamment la charité, est vécu comme une humiliation par le bénéficiaire, dans notre société il est considéré comme un dû. Ainsi en est-il de la solidarité : preuve du visage humain hérité des sociétés traditionnelles, elle devient un frein au progrès si elle est perçue comme une rente viagère qui dispense de vivre à la sueur de son front.
Cela se voit, également, dans notre rapport au travail. C’est bien connu, dans les sociétés développées, le travail est perçu comme une des conditions de la liberté. Il yest perçu, non seulement comme un droit, mais surtout comme un devoir, comme une voie de salut.Dans ces sociétés, c’est par le travail que l’homme s’accomplit, s’anoblit, assure sa dignité et devient responsable. C’est pourquoi quand on a la chance d’y avoir un emploi on fait tout pour mériter de le conserver et quand on n’en a pas on fait tout pour en trouver. Par contre, dans notre société on constate un comportement inverse :complaisance dans l’oisiveté d’un côté, absentéisme, manque de conscience professionnellede l’autre. Ainsi beaucoup de nos compatriotes sans emploi ne se considèrent pas comme des chômeurs et vivent comme si leur situation est normale car la notion de chômage n’existe pas dans les sociétés de subsistance.
Il revient au Gouvernement de poursuivre et de renforcer les actions déjà engagées afin de créer les conditions d’une rupture totale d’avec les comportements propres aux sociétés d’autoconsommation. Le Gouvernement doit amener nos compatriotes à tourner le dos à l’assistanat, à la charité et au parasitisme. Il doit créer les conditions d’une rupture d’avec la mentalité d’assisté sous toutes ses formes. Il doit continuer à insuffler à nos compatriotes une volonté de combattre l’oisiveté.Il doit leur insuffler l’amour du travail, du travail bien fait. C’est par le travail que les sociétés occidentales se sont développées, ce n’est que par le travail que notre pays atteindra les objectifs du programme de renaissance. D’ailleurs, n’est- ce pas au travail que nous invite notre prophète (paix et salut sur lui), quand, après avoir questionné quelqu’un qui lui demandait de l’argent en aumône, il lui ordonna de vendre la couverture et le récipient à boire qu’il possède, de nourrir sa famille avec une partie du produit de la vente et d’acheter une hache avec la partie restante pour couper et vendre du bois afin de disposer d’un revenu régulier tout en insistant sur le fait que «cela est beaucoup mieux que la mendicité qui va être une marque sur ton visage le jour de la résurrection » ? « Chaque fois qu’un serviteur ouvre une porte de mendicité, Dieu lui ouvre une porte de pauvreté », « parmi les péchés, il en est qui ne peuvent être expiés que par le travail », « la main haute est mieux que la main basse ; la main haute est celle qui donne, la main basse est celle qui reçoit », disait le prophète qui a toujours conseillé aux hommes capables de travailler, de ne pas mendier, afin de préserver leur honneur et leur dignité. Le travail, c’est la rédemption.Le devoir de travailler vient juste après celui de la prière car il est dit dans le coran : « lorsque la prière est achevée, dispersez-vous sur terre, recherchez la grâce d’Allah …. » c'est-à-dire recherchez les moyens de subvenir à vos besoins.C’est l’esprit de l’initiative 3N qui cherche à substituer l’aide à la production à l’aide humanitaire d’urgence. C’est le sens du combat du Gouvernement pour accroître la productivité du travail dans l’administration. Le travail, ne l’oublions jamais, est un acte d’adoration et de combat dans la voie de Dieu. Puisons donc dans nos valeurs islamiques les ressources morales de notre développement comme d’autres l’ont fait, pour citer un exemple, à partir du protestantisme. Il est interdit de rester oisif et de se contenter de dire « mon Dieu donne-moi ». Le ciel ne nous viendra en aide que dans la mesure où nous nous aidons nous-mêmes.Le prophète David n’était-il pas forgeron, le prophète Noé menuisier et le prophète Zacharie charpentier ? Ils ne se sont pas contentés de prier et de dire « dieu donne-moi ». Ils ont à la fois prié et travaillé. C’est dire que nous avons le devoir d’utiliser la raison et l’action pour réaliser nos objectifs de développement. La mystique du travail, tel doit être notre credo. C’est, dit-on, par le travail de ses mains et de son cerveau que l’homme accomplit son destin. C’est par le travail que l’homme se réalise.
Mes chers Concitoyens,
Dans mon discours d’investiture, prononcé le 07 Avril 2011, je disais, en parlant de l’aide que j’attends de vous : « le changement de comportement est la principale aide que j’attends de tous : changement de comportement dans la gestion du temps qui est la ressource la plus gaspillée dans notre pays, changement de comportement par rapport au travail, changement de comportement dans le rapport avec les biens publics, etc…Nous devons lutter contre les forces de l’habitude et faire l’effort de nous changer nous-mêmes…..Dieu a dit : « je ne change pas un peuple tant qu’il ne se change pas lui-même ». Nous devons donc changer nos comportements si nous voulons changer nos conditions de vie. ». Je viens de dire que nous n’avons pas suffisamment progressé dans notre comportement par rapport au travail. Qu’en est-il par rapport au temps et par rapport aux biens publics ? Je disais, dans mon discours d’investiture,que le temps est la ressource que nous gaspillons le plus. « Ayant toujours du mal à entrer dans une culture de production, l’Afrique n’attache aucune valeur au temps. Des comportements irrationnels, laxistes….sont justifiés par une référence à ce qu’il est convenu d’appeler l’heure africaine. ». Cette citation exprime avec d’autres mots ce que j’ai voulu dire. Le Programme de Renaissance comporte des objectifs clairs pour le développement économique et social de notre pays. Or, le temps du développement n’est ni celui de la nonchalance, ni celui de l’immobilisme, ni celui de l’insouciance. Le temps du développement c’est celui de la ponctualité au travail, c’est celui de l’utilisation optimale du temps, c’est celui de zéro instance. Nous sommes loin encore de cette conception du temps. Dans les Ministères les dossiers s’entassent parce que traités avec lenteur et insouciance. Les taux de consommation de crédit sont faibles alors qu’il nous faut davantage d’écoles, de points d’eau, de centres de santé, de routes, de logements sociaux, d’électricité et de produits agro-pastoraux. Notre classement s’est dégradé dans le domaine du climat des affaires parce que nous n’avons pas fait certaines réformes à temps. Nous devons donc changer notre rapport au temps. Il nous faudra engager ici encore une rude bataille culturelle qui, je le sais, sera de longue haleine. Je sais que le Gouvernement s’attèle à remettre les agents de l’Etat au travail. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif de mettre fin à l’absentéisme. Je sais qu’il s’est fixé pour objectif la ponctualité et au moins huit (08) heures de temps de travail effectif par jour, mais les résultats sont encore faibles. Il doit donc faire davantage pour augmenter la productivité au sein des administrations, pour accélérer notamment la consommation des crédits et le climat des affaires. Le Gouvernement doit, de manière générale concevoir un programme de sensibilisation et d’éducation de masse pour inculquer aux citoyens l’utilisation optimale du temps, pour leur inculquer une culture de développement, une culture deproduction et donc de progrès.
Mes chers Concitoyens,
Notre rapport au travail et notre rapport au temps ne sont pas les seuls sujets de préoccupation dans notre quête de progrès économique et social. Les comportements par rapport aux biens publics, aux questions de transition démographique et à l’école constituent d’autres contraintes. Depuis bientôt quatre (4) ans, le Gouvernement s’efforce d’améliorer la gouvernance politique et économique du pays. En particulier, grâce aux actions de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), notre pays est passé entre 2011 et 2014, du 134ème au 103ème rang dans le classement mondial de l’indice de perception de la corruption publié chaque année par l’ONG Transparency. Nous pouvons donc nous féliciter des progrès relatifs réalisés mais nous ne devons pas nous en contenter. En effet, nous n’avons toujours pas atteint nos objectifs de rétablissement total du monopole fiscal de l’Etat et d’une efficacité optimale de la dépense publique. Le Gouvernement doit redoubler d’effort et ici encore l’obstacle majeur c’est la force de l’habitude, c’est le rapport aux biens publics. Le Gouvernement doit s’attaquer à la conception que notre société a des biens publics, conception selon laquelle ces biens, appartenant à tout le monde, n’appartiennent à personne. La même conception considère qu’il faut se servir au lieu de servir. De cette conception, il découle de graves conséquences : absence du respect des biens publics se traduisant par l’absence de leur entretien, détournement des biens publics, notamment des deniers publics, creusement des inégalités et accroissement de la pauvreté. Le Gouvernement doit donc poursuivre le combat contre la fraude et la corruption dans l’administration fiscale et dans l’attribution des marchés publics. « Que celui d’entre vous qui voit le mal le change de ses mains. S’il ne le peut pas, qu’il le fasse par sa langue et si cela lui est impossible qu’il le fasse dans son cœur, ce qui est le minimum que lui impose la foi », dit le hadith. C’est dire que, au-delà du Gouvernement, c’est la société toute entière qui doit se mobiliser pour faire face au fléau de la corruption. Avec l’installation de la ligne verte, le Gouvernement offre à chaque citoyen la possibilité de participer à ce combat salutaire pour notre développement économique et social.
Mes chers Concitoyens,
La question de la transition démographique fait partie des défis majeurs auxquels est confrontée notre société. J’ai eu, à maintes occasions, à intervenir sur ce sujet brûlant. Face à cette question, on retrouve le même obstacle, celui de la rigidité de nos mentalités, celui de l’ignorance des préceptes religieux. « Vous êtes tous des bergers et tout berger est responsable de son troupeau. ». « Il suffit à l’homme comme péché d’abandonner ceux dont il a la charge. ». C’est en ayant à l’esprit ces hadiths que j’avais déclaré devant les cadres de commandement, à Maradi, en Avril dernier, que nous avons le devoir de procréer avec responsabilité, c'est-à-dire le devoir de faire des enfants que nous pouvons nourrir, éduquer et soigner. Notre pays a le taux de fécondé le plus élevé au monde. Plus grave, une enquête récente révèle que le nombre d’enfants désirés, aussi bien par les femmes que par les hommes, est supérieur au taux de fécondité. Ne nous voilons pas la face, nous devons créer, comme c’est le cas dans beaucoup de pays musulmans, notamment arabes, les conditions de la transition démographique. Notre pays doit chercher à bénéficier du dividende démographique qui est l’union de la transition démographique et du développement durable. Je félicite le Gouvernement, les leaders traditionnels et religieux ainsi que les partenaires au développement pour les efforts consentis dans ce domaine. Je les encourage à poursuivre le combat. En particulier, je les encourage à continuer la sensibilisation contre les mariages précoces et pour le maintien de nos enfants à l’école, notamment les jeunes filles, au moins jusqu’à l’âge de 16 ans conformément aux promesses du Programme de Renaissance.
Mes Chers Concitoyens,
Le Gouvernement, depuis quatre ans, a obtenu beaucoup de succès dans la mise en œuvre du Programme de Renaissance. J’en ferai, comme je l’ai déjà dit, le bilan détaillé à d’autres occasions. Ces succès doivent être amplifiés. Pour y arriver il nous faudra une superstructure culturelle rénovée, un socle culturel assaini, capable de porter nos ambitions. Une rupture mentale s’impose. Je voudrais que le signal de cette rupture parte de la cité des Djermakoye, de Dosso qui accueille cette année la fête tournante de la République, Dosso qui a bénéficié d’investissements importants dans le cadre du programme Dosso Sogha. Ce signal de rupture que j’attends de Dosso, c’est l’entretien et la protection des infrastructures coûteuses réalisées, par le Gouvernement, au bénéfice de sa population. La prochaine fête de la République, je le confirme, se déroulera, plaise à Dieu, à Maradi. Le Gouvernement prendra toutes les dispositions pour que le programme Maradi Koliya démarre sans tarder. Joyeuse fête de la République à toutes et à tous.
JE VOUS REMERCIE!