L’Indépendant
Sidi Ag Baye, société civile de la coordination des mouvements de l’Azawad
Quelles sont vos impressions sur le début des travaux ?
Je suis très optimisme. En se promenant dans les coulisses pour échanger avec les participants, on remarque que les positions ne sont pas éloignées les unes des autres. A part quelques exceptions, les gens parlent le même langage, il y a peut-être une différence au niveau de l’approche.
Tout le monde veut la même chose mais l’exprime de manière différente. C’est la seule différence que je constate depuis le début de ces échanges.
On remarque aussi qu’au niveau de votre coordination (MNLA, HCUA et MAA-dissident) le discours n’a pas réellement changé malgré la feuille de route signée en juillet dernier ici même à Alger. Vous parlez toujours d’indépendance et d’autonomie. Qu’en est-il réellement ? Est-ce à dire que vous ne vous reconnaissez plus dans ce document ?
Autonomie, oui. Une très large autonomie d’ailleurs. Parce que c’est la seule voie qui puisse nous permettre d’être maitres de notre destin chez nous. Indépendance, non. Parce que nous ne pouvons pas signer quelque chose et faire son contraire. D’ailleurs, nous, à travers l’accord préliminaire de Ouaga, nous reconnaissons l’intégrité territoriale du Mali. C’est-à-dire que nous ne parlons plus d’indépendance mais , dans ce nouveau Mali, nous voulons juste être maitres de notre destin. Nous voulons être consultés chez nous et être responsabilisés par rapport à la gestion de notre territoire.
Le gouvernement a, dans ses valises, un projet de décentralisation poussée. Ne pensez-vous pas qu’il est à même de vous permettre effectivement d’être maîtres de votre destin plutôt que l’autonomie ?
Lorsque le gouvernement ne parle que de décentralisation, même poussée jusqu’au ciel, elle n’aura aucun sens. Parce que nous sommes dans la pratique de la décentralisation depuis plus de 20 ans mais elle n’a servi à rien.
Tout ce que le gouvernement dit c’est déjà contenu dans le pacte national. Ce document, sans le dire explicitement, nous confère déjà une autonomie.
Celle-ci concernait principalement les trois régions du nord de l’Azawad avant qu’elle ne soit étendue à tout le pays pour la vider de son contenu. Aujourd’hui, quand nous entendons parler de décentralisation poussée ou de régionalisation, pour nous, ce ne sont que des mots et nous ne nous laisserons pas piéger cette fois-ci encore. Nous n’allons pas entrer dans ce débat.
Pour nous, c’est soit une large autonomie, soit une fédération de deux entités ou rien. La décentralisation pour nous ne rime à rien, nous l’avons déjà expérimentée et, au bout du rouleau, on s’est rendu compte qu’elle n’apporte aucune solution à nos préoccupations.
Donc il faut la changer si l’Etat veut la paix.
Si aucune de ces exigences, mises à part celles contenues dans la feuille de route n’est satisfaite, qu’allez-vous faire ?
Je ne peux rien vous dire à ce sujet, car je représente ici la société civile, c’est peut-être aux mouvements qu’il faut poser cette question. Tout ce que je sais, c’est que le peuple de l’ » Azawad » n’acceptera pas une autre solution qui ne passe pas par une large autonomie ou d’une fédération de deux entités.
En dehors de ces deux options, tout ce qui sera signé sera aussitôt rejeté par la population à la base. Çà ne sert à rien de faire de l’hypocrisie. Ceux qui sont là savent très bien ce qui est dans la tête des gens. Ils connaissent parfaitement les aspirations du peuple de l’ » Azawad « .
Et j’imagine que c’est conformément à celles-ci qu’ils agissent.
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Mme Assory Aïcha Belco Maïga, députée, élue de Tessalit (Kidal)
» C’est à l’Etat malien de faire en sorte que chaque partie trouve son compte «
Quelles sont vos impressions sur le début des travaux des groupes thématiques?
Moi, j’ai une très bonne impression. J’ai de grands espoirs parce que ces discussions nous ont d’abord permis de nous rencontrer en tant que frères. C’est vrai qu’avant de venir ici, nous avions quelques craintes parce qu’on ne connaissait pas l’état d’esprit de nos frères que nous allions rencontrer. Mais nous avons été agréablement surpris du fait qu’on s’est retrouvé avec des frères que nous connaissons et avec lesquels nous avons grandi et que nous avons toujours côtoyés. D’une certaine manière, ils n’ont pas tellement changé. Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il y a une volonté commune et collective d’aller vers la paix. Peut-être maintenant qu’il faut discuter des chemins pour y parvenir ainsi que maitriser ses tenants et ses aboutissants. Sinon je suis très confiante et pleine d’espoirs.
Comment percevez-vous le fait que certains continuent de parler d’indépendance et d’autonomie ? Ne pensez-vous pas que cela peut entraver les espoirs et l’optimisme suscités çà et là ?
Je ne souhaite pas me prononcer là-dessus. Tout ce que je sais c’est qu’il y a deux sociétés civiles dont l’une est désignée par l’Etat donc républicaine et l’autre par les mouvements armés. C’est donc à l’Etat du Mali, avec l’aide de la communauté internationale, de faire en sorte que chacun sorte avec quelque chose de satisfaisant. Il est vrai que ce sont des hommes qui ont des volontés, des envies, des besoins et des problèmes. Il faudrait peut-être qu’on leur propose autre chose qui ne soit pas forcément l’indépendance ou l’autonomie.
C’est à nous, je veux dire l’Etat malien, de voir maintenant qu’elle est le terme qu’il faut utiliser de façon nationale et unitaire.
Selon vous, le règlement de cette crise cyclique passera par quoi ?
Je pense qu’en tant que société civile, nous sommes là au nom des populations.
C’est donc leurs préoccupations que nous sommes venus exprimer.
Nous savons notamment que la population veut la paix, elle veut le développement, elle veut rentrer chez elle. Maintenant, le chemin par lequel cela va passer c’est à l’Etat de le définir, c’est lui qui a les moyens.
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Khabaza Alhamzata, secrétaire général du Gatia ( Unioniste)
« Nous voulons une régionalisation efficace »
Quelles sont vos impressions sur ce début des pourparlers ?
Je ressens un grand soulagement et un grand espoir. Chaque jour, ce sont des discussions très intenses, parfois un peu houleuses mais le tout dans un esprit très apaisé, c’est-à-dire sans animosité. Nous avons eu des échanges très fructueux où tout le monde s’écoute. Nous avons vraiment l’impression que le nouveau Mali est en marche. A mes yeux, ce qui est important, c’est que chacun ait pris conscience aujourd’hui que le Mali est gravement malade et qu’il faut relever le défi de le soigner et c’est avec nous tous que cela pourra se faire. Je pense aujourd’hui que l’espoir est permis pour ramener définitivement et durablement la paix chez nous.
Dans la salle, vous avez dit que le traitement accordé par les jihadistes lorsqu’ils occupaient les régions du nord du Mali était meilleur que celui de certains mouvements armés. Pouvez-vous clarifier ces propos qui ont soulevé un tollé et qui prêtent à confusion ?
Je ne l’ai pas dit dans l’esprit d’encourager le terrorisme. Je suis très loin de cela. J’invite tout le monde à mener une lutte sans relâche contre le terrorisme. C’est un fléau qui touche le monde entier, donc nous devons conjuguer nos efforts pour le combattre. Ce n’est pas le genre de régime que l’on attend aujourd’hui. Nous avons besoin d’une société plus libre et épanouie où les valeurs traditionnelles sont respectées et je ne pense pas qu’on puisse l’obtenir à travers le jihadisme et le terrorisme. Ce que j’ai voulu dire en prononçant ces propos, c’est rappeler que nos frères et je regrette de le dire – d’autres mouvements n’entretiennent pas bien nos populations. Du moment où ils parlent au nom d’une population au nord du Mali, il faudrait qu’ils prennent réellement en considération leurs préoccupations. Car ce n’est pas avec une partie de la population du nord du Mali que l’on va faire le Mali, c’est avec l’ensemble des populations.
Et j’ai dit que celles-ci ont subi toutes sortes d’exactions de la part de ces mouvements. Je regrette de le dire mais c’est une réalité. J’ai voulu attirer l’attention sur le fait que certains groupes armés ne représentent pas valablement tout le monde.
Certains continuent de parler d’indépendance et d’autonomie malgré la signature de la feuille de route par les différents mouvements armés représentés ici. Que vous inspirent ces propos ?
Je pense que ces cocepts surgissent dans les discussions, car tout le monde n’est pas au même niveau d’information. Il y a certains qui viennent d’arriver et n’ont aucune information et n’ont pas été sensibilisés sur les accords de Ouaga ni sur la feuille de route. Donc, pour moi, l’indépendance c’est quelque chose qui est déjà dépassée puisque la feuille de route est très claire là-dessus en parlant d’un Mali dont l’intégrité territoriale est respectée ainsi que la laïcité et l’unité nationale. Maintenant le reste est à discuter. Certes, Il y a certains qui ont manifesté la volonté de procéder à des fédérations, d’autres veulent qu’on reste dans le cadre de la régionalisation et améliorer ce qui existe déjà. Je pense que chacun est libre d’exprimer son point de vue dès l’instant que cela ne remet pas en cause la feuille de route signée en juillet dernier.
Et vous, au niveau de la plateforme, qu’en pensez-vous ?
Ce que nous souhaitons réellement, c’est une régionalisation plus approfondie pour le bien-être de nos populations. Et surtout les rapprocher de leurs services. C’est-à-dire donner aux populations la possibilité de se prendre en charge et d’avoir les ressources financières nécessaires au-delà du transfert de compétences. Il faut que l’Etat prenne des engagements responsables et qu’il sache surtout les respecter. Nous n’avons pas besoin de l’indépendance ou de l’autonomie mais plutôt d’un Mali fort et uni dans sa diversité. Et ce, à travers une régionalisation approfondie et donner les pleins pouvoirs aux populations au niveau local. Nous souhaitons également que des moyens conséquents soient mis à la disposition des collectivités afin que tous les exécutifs régionaux qui seront désignés à l’issue du processus soient réellement maitres de leur destin.
Propos recueillis par Massiré DIOP,http://www.maliweb.net/la-situation-politique-et-securitaire-au-nord/sidi-ag-baye-societe-civile-de-la-coordination-des-mouvements-de-lazawad-512912.html