Les négociations ont repris lundi 1er septembre à Alger entre les principaux mouvements rebelles du nord Mali et les autorités de Bamako. Sur le terrain, mouvements et milices armés se multiplient aux côtés des groupes djihadistes toujours présents malgré la fin de l'opération Serval. Dernier mouvement rebelle en date à avoir vu le jour : le Mouvement Populaire pour le Salut de L’Azawad (MPSA), une dissidence du mouvement arabe de l'Azawad (MAA) qui revendique l'autodétermination. Un entretien avec son secrétaire général, Boubacar Sadeck Ould Attaleb, réfugié en Mauritanie depuis trente ans, signé Mohamed Ag Ahmedou
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Toujours en proie au chaos, le nord Mali s’apparente aujourd’hui à un écheveau indémêlable. Si les principaux groupes rebelles participent aux pourparlers qui ont repris lundi 1er septembre à Alger avec le gouvernement malien, la diversité des mouvements en action sur le terrain est encore plus complexe. Dans le nord du pays, les rebelles, eux-mêmes divisés, affrontent non seulement l’armée malienne mais aussi toute une myriade de milices fidèles au pouvoir de Bamako. Organisés le plus souvent sur des bases communautaires, ces groupes armés font craindre une montée des haines identitaires dans la région. A la présence de ces milices s’ajoute également celle des groupes djihadistes d’Aqmi et du Mujao qui profitent des tensions pour se maintenir dans la zone.
Voici une courte présentation des principaux groupes présents au Nord-Mali.
Le mouvement national de libération de l'azawad (MNLA). Crée en 2011 de la fusion du groupe armé de feu Ibrahim Ag Bahanga et du Mouvement national de l’Azawad (MNA), courant identitaire fondé par de jeunes Touaregs, il est le seul mouvement à prôner de façon ouverte la lutte armée contre l’Etat malien. Il en a fait son principal argument de recrutement.
Les combattants touaregs de retour de Libye à la suite de la chute de Kadhafi en 2011 -- surtout ceux regroupés autour du général Mohamed Najim -- ont rapidement saisit cette opportunité. Ainsi jusqu’en fin février 2012, toutes les attaques menées dans le Nord du Mali étaient revendiquées par le MNLA. Beaucoup étaient pourtant le fait de groupes qui ne reconnaissent ni l’autorité politique de Bilal Ag Chérif (secrétaire général du MNLA), ni l’autorité militaire de Mohamed Najim (chef militaire du MNLA). Le groupe le plus important était rassemblé autour d’Iyad Ag Ghali qui a su mobiliser les touaregs « cantonnés » des accords d’Alger, les déserteurs de l’armée malienne, les combattants d’Abou Zeid, ancien chef d’une katiba d’Aqmi, ceux d’Abdelkrim le Targui, chef de la katiba Al Ansar, et des nouvelles recrues issues des tribus Ifoghas et de leurs alliés de la région de Tombouctou. Ce groupe se détache très vite du MNLA et prend le contrôle des régions de Kidal et de Tombouctou sous le nom d’Ansar Dine.
Rapidement, le MNLA est dépassé sur le terrain par ce mouvement et le MUJAO. Il concentre alors l’essentiel de ses forces dans les zones entre Trimtrene et In Khalil (fief de la tribu des Idnanes, principaux pourvoyeurs des combattants du mouvement). Ce positionnement lui permet de garder une capacité de nuisance pour les trafiquants de drogue et d’engranger des financements. Lors de l’opération Serval, le MNLA se positionne comme un allié de la France. Ansar Dine en sort affaibli.
Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Ce mouvement est aujourd’hui le mieux organisé militairement avec une forte assise sociale et une direction politique très peu étoffée. Né de la mutation d’Ansar Dine qui s’est d’abord renommé Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA), le HCUA gomme ainsi toute référence à l’Islam dans sa dénomination. Une manœuvre destinée à le rendre plus présentable. Sa direction est essentiellement assurée par les membres de la tribu des Ifoghas proches de la famille d’Intalla Ag Attaher, chef des Ifoghas. Le mouvement a souffert de l’intervention française qui l’a obligé à cantonner ses forces laissant ainsi la voie libre au MNLA. Ce n’est qu’en mai dernier lors de la reprise des affrontements entre les rebelles du nord et l’armée malienne à Kidal que le HCUA a refait surface au cours des combats.
Le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA). Ce mouvement est né de la dislocation du MUJAO après l’intervention française de janvier 2013. Il est surtout composé d’arabes berabiches de la région de Tombouctou et d’une partie des arabes Lamhar du Tilemsi réunis autour de Mohamed Ould Aiwanatt. Ce groupe est proche du MNLA avec lequel il entretient des relations et partage certains intérêts, surtout pour le contrôle du trafic de drogue. Les principales figures de ce mouvement sont Sidi Ibrahim Ould Sidati, Hami Ould Sidi Mohamed, Dina, Mohamed Ould Aiwanatt.
Il existe également des mouvements appelés « groupes d’auto-défense » qui sont des milices essentiellement ethniques encouragées et financées au cours de l'histoire par les différents gouvernements du Mali.
Il s’agit d’abord du
Gandakoy, une milice originelle qui se positionne en défenseur des droits des communautés noires autochtones contre les populations nomades. Son chef historique, Abdoulaye Maiga est colonel de l’armée malienne. Ce mouvement s’est affaiblit au cours des ans et a été traversé par plusieurs dissidences. Actuellement il est animé par Harouna Touré et Firhoun Maiga.
Le mouvement
Ganda Izo est une dissidence de Gandakoy créée par feu Abdoulaye Diallo qui en fut le chef militaire. Ce mouvement a pour objectif de doter les tribus peuls de la zone d’Ansongo d’une milice armée pour faire face aux Touareg, surtout les Dosshak. La mort de son chef militaire en 2012 a fortement affaiblit le mouvement.
Enfin le
Front armé contre l’Oppression (FACO) est en fait un embryon et une aile armée de l’association anti esclavagiste Temedt. Ce mouvement qui est surtout composé de bellahs (anciens esclaves noirs des touareg), ne semble pas être structuré. Il relève beaucoup plus de la volonté d’atomiser la société touareg que de constitution d’une force armée prête au combat. Ces principaux animateurs sont les leaders de Temedt. Il s’agit d’Abdoulaye Ag Mako, Ibrahim Ag Idbaltalet et de Mohamed Elmaloud Ag Hamada.
Le mouvement arabe de l’azawad (MAA) dit ‘’Loyal’’. Il s’agit d’une partie de la milice arabe censée lutter contre la rébellion de 2012 autour du général Ould Meidou et de certains repentis du MUJAO. Cette milice s'est constituée autour de Mohamed Ould Matali qui tente de sauvegarder les intérêts de son groupe dans les trafics de drogue. Son aile politique est dirigée par l’ancienne garde de la tribu arabe berabiche qui a été utilisée par l’ancien président malien Amadou Toumani Touré pour attiser les tensions intercommunautaires dans la région de Tombouctou. Le même groupe a repris du service sous l’actuel président de la république, Ibrahim Boubacar Keita et est le principal acteur des récents affrontements autour de Tarkint-Tabankort. Les principaux leaders de ce mouvement sont Mohamed Ould Matali, Hanoun, Yoro Ould Idah (récemment arrêté par les soldats de Serval et remis aux autorités actuelles qui vont finalement le libérer).
La multiplication des groupes armés se poursuit dans la région. Fin août, un nouveau mouvement rebelle a fait son apparition : le Mouvement Populaire pour le Salut de L’Azawad (MPSA). Faction dissidente du mouvement arabe de l'Azawad, le MPSA reconnait le drapeau malien et tente de rassembler les communautés ethniques du nord. Notre correspondant Mohamed Ag Ahmedou a recueilli les propos de son secrétaire général, Boubacar Sadeck Ould Attaleb. Entretien
Mondafrique :
Pourquoi avoir créé le Mouvement Populaire pour le Salut de L’Azawad ?
Boubacar Sadeck Ould Attaleb :
La situation qui prévaut dans l’Azawad nous pousse à innover. Aujourd’hui le peuple a besoin d'un mouvement plus proche de lui, à son écoute. Aucun mouvement présent au nord Mali jusqu'à présent ne lui a donné satisfaction. Nous avons aussi besoin de rectifier les trajectoires de la révolution azawadienne qui, de 1960 jusqu’à nos jours n’a eu que des échecs. Nous devons aussi impliquer beaucoup plus toutes les franges de la populations et tous les groupes ethniques : société civile et d’autres organisations communautaires, notables, chefs de tribus, personnes ressources, intellectuels de l’Azawad etc.
Mondafrique :
S'agit-il d'un mouvement comme celui d’autodéfense appuyé par le général touareg Elhaj Ag Gamou, proche de Bamako ?
B.S.O.A
Non. Le MPSA est une initiative des partisans de la paix, et de la cohésion sociale. C’est un cri du peuple. Les membres du groupe viennent des quatre coins de l’Azawad. Pas question de crééer un mouvement uniquement composé d'arabes ou de touaregs. Nous pensons que ce mouvement peut apporter des solutions concrètes aux besoins de la populations tels que la sécurité et faire aboutir la cause de l'autodétermination de l'Azawad. Enfin, comme je l'ai déjà spécifié, c’est une initiative des partisans de la paix et de la cohésion sociale de toutes les communautés qui vivent dans L’Azawad.
Mondafrique : Quels sont les objectifs de ce jeune mouvement ?
B.S.O.A.
D'abord, rassembler toutes les communautés de l’Azawad avec leurs différences d’âges, de cultures, de couleurs. Cela permettra de défendre la dignité et l'ordre dont les azawadiens ont besoin dans une zone déstabilisé depuis mille neuf cent soixante. Il faut à tout prix éviter une somalisation de l’Azawad. Notre mouvement luttera politiquement et militairement aux côtés des populations jusqu’à ce que ces objectifs soient atteints.
Mondafrique : Quels sont vos engagements auprès de la communauté internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic dans le sahel ?
B.S.O.A.
Malheureusement aujourd’hui nous n’avons aucun moyen de nous engager tant que nous ne sommes pas libres chez nous et que nous n'avons pas atteint notre objectif d’autodétermination. Il faut d’abord exister pour entreprendre quoique ce soit dans ces affaires. Les américains ont quitté l’Irak, on voit ce qu’il est devenu aujourd’hui. Même chose pour la Libye. Pour l'instant nous ne pouvons pas participer à ces luttes. Notre objectif, c’est l’autodétermination du peule de l’azawad et de son territoire. Quand les azawadiens auront leur droit de s’autogérer, ces fléaux seront combattu par nos propres populations avec l’accompagnement de la communauté internationale. Nous avons pas besoin des casques bleus, nous n’avons pas besoin de toutes ces dépenses énormes. 10% des dépenses de la MINUSMA c'est largement suffisant pour trois ans de développement de l’Azawad. Nous avons plutôt de notre droit de liberté de nous autogérer. Une chose est sûr et certaine, le narcodjihadisme est la créature du gouvernement malien. L'ancien président ATT qui a été chassé du pouvoir par la junte du capitaine Amadou Haya Sanogo en Mars 2012 est celui qui a créé et bénéficié de toutes les retombées du narcotrafic. C’est lui qui a permis aux terroristes de circuler sur le territoire. Quand nous prendrons nos propres affaires en main nous saurons comment combattre ce fléau.
Mondafrique : Etes-vous financé par un état de la sous région ou autre ?
Non. De toutes façons, les états de la sous région sont avec le gouvernement du Mali. Nous sommes financé par le peuple et comptons sur nos propres moyens.
Mondafrique : Avez-vous une aile militaire sur le terrain ?
Nous sommes en train d’étudier la possibilité de mettre en place une aile militaire bien formée et éduquée au service des Azawadiens. Dans l’Azawad à l’heure où nous sommes il n’y a pas que le désert et le sable, il y a des populations qui vivent et qui ont besoin de sécurité, d’être suivies, assistées. Surtout en ce moment où la sécheresse fait des ravages. Il fait près de 50 degrés, les cheptels dans la région de Tombouctou meurent et beaucoup de nomades se retrouvent sans aucune bête.
Mondafrique : Comment voyez-vous le processus de paix en cours dans votre pays ?
B.S.O.A.
Tant que la communauté internationale et le monde entier n'auront pas compris qu’il y a un véritable problème entre le Mali en tant qu’état et l’ Azawad en tant qu’entité différente, le problème ne sera pas résolu.
Mondafrique : Quel message avez-vous à lancer à la communauté internationale ?
B.S.O.A
Nous voulons dire à la communauté internationale qu’il est temps de montrer plus de considération à ces populations qui souffrent, ces êtres humains qui n’ont jamais eu accès à leurs droits fondamentaux. Ces populations n’ont aujourd’hui aucun accès à l’éducation, à la santé, au travail. Nous demandons à la communauté internationale d’arrêter de soutenir le Mali qu'elle a aidé pendant 50 ans. Cet Etat s'est toujours montré incapable de gérer quoique ce soit. Il est temps de donner l’Azawad aux azawadiens.
Entretien réalisé par Mohamed Ag Ahmedou
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