Le numéro 1 du nucléaire civil aurait programmé la fermeture des deux mines d'uranium exploitées à Arlit et pourrait reporter l'exploitation de la mine géante d'Imouraren.
Bye-bye Niger ? L’avenir d’Areva dans ce pays du Sahel, où le numéro 1 mondial du nucléaire civil exploite des mines d’uranium depuis plus de quarante ans, paraît de plus en plus incertain. D’après nos informations, Areva aurait décidé de fermer la Cominak, l’une des deux sociétés d’exploitation installée à Arlit (Nord-Niger), dans les deux ou trois ans qui viennent. De source concordante, la fin de l’autre société, la Somaïr, serait quant à elle programmée «d’ici six à huit ans», soit à la fin de cette décennie. Contactée par Libération, la direction d’Areva ne réfute pas ces informations, tout en évoquant «des échéances plus lointaines». Dans les documents officiels publiés par Areva en 2012, il était prévu d’exploiter les deux mines pendant quinze ans encore.
En plus de l’insécurité grandissante qui règne dans la région, la faible rentabilité du site d’Arlit pourrait être à l’origine d’une décision qui, si elle se confirmait, marquerait un tournant pour le nucléaire français. D’après nos sources, le PDG de la compagnie française, Luc Oursel, en a informé le président du Niger, Mahamadou Issoufou, lors de son séjour à Paris, le week-end dernier, à l’occasion du sommet Afrique-France de l’Elysée. «L’entretien a été bref et s’est tenu dans une ambiance des plus froide», confie un proche du dossier. Et pour cause : l’exploitation de l’uranium est la principale source de devises pour le Niger, l’un des pays les plus pauvres de la planète.
L’exploitation d’Imouraren reportée ?
Lors de cet entretien, Luc Oursel aurait annoncé au président du Niger une autre mauvaise nouvelle: le report de la mise en exploitation de la mine d’Imouraren, considérée du fait de ses réserves comme la plus importante mine à ciel ouvert au monde. Prévue initialement pour 2014, puis pour 2016, la production pourrait ne démarrer qu’en 2019-2020. Les autorités de Niamey, qui comptaient beaucoup sur ce nouveau gisement pour engranger de nouvelles et précieuses recettes budgétaires, en sont pour leurs frais.
Ce report, tout comme la fermeture annoncée des deux mines «historiques» de la Cogema, rebaptisée Areva, serait en grande partie lié à l’effondrement des cours mondiaux de l’uranium dans le sillage de la catastrophe de Fukushima, au Japon, début 2011. Et les perspectives à moyen terme ne sont pas bonnes. «Les mines d’Arlit sont en fin de cycle, elles ne sont plus rentables», ajoute notre source. En ce qui concerne Imouraren, Areva chercherait à gagner du temps.
«Si Niamey passait à l’acte, ce serait une catastrophe»
Mais le pouvoir nigérien pourrait réagir vivement tant il misait sur la mise en exploitation rapide de ce nouveau site par Areva. D’après une source bien informée, une clause du contrat signé entre les deux parties autorise l’Etat du Niger à récupérer la propriété du site minier si l’exploitant se montre incapable de démarrer la production dans un délai de deux ans au-delà de la date programmée initialement dans le contrat. «Si Niamey passait à l’acte, ce serait une catastrophe pour Areva, qui a déjà investi des millions dans l’aménagement de la mine d’Imouraren», explique un initié.
Si Areva souhaite aujourd’hui amorcer la réduction de ses activités au Niger, voire envisager son retrait complet, c’est que l’entreprise française a diversifié l’origine de ses approvisionnements. Elle les développe notamment au Kazakhstan et en Mongolie. Longtemps considérées commes stratégiques, les mines du Niger ont fourni jusqu’au tiers du combustible utilisé dans les centrales d’EDF en France. Une proportion qui a baissé depuis au fil des ans. L’histoire récente de la compagnie au Niger a été marquée par des tensions récurrentes avec le gouvernement, et par l’enlèvement durant plus de trois ans de quatre employés français sur le site d’Arlit, finalement libérés par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) en octobre.
Liberation.fr