Paris- L’intervention de la France au Mali, en janvier 2013, relève d’une stratégie de défense du pré carré africain, face à la politique de grignotage menée tant par la Chine que par le wahhabisme via les finances islamiques (Qatar et Arabie Saoudite).
Première opération militaire en solitaire sur un théâtre extérieur depuis la fin de la Guerre d’Algérie, en 1962, la France, via Serval, y joue son rang de puissance.
Une cible idéale en ce que Le Mali constitue le plus grand pays musulman d’Afrique occidentale, où la finance islamique y prospère, alors que les Maliens depuis une décennie se détournaient progressivement de la France vers les pétromonarchies et que la Chine jouit d’un prestige certain du fait de sa restauration du centre de documentation islamique de Tombouctou.
Il en avait été de même avec la mise en place de l’Eufor (1), le corps expéditionnaire européen chargé de s’interposer entre les belligérants aux confins soudano-tchadiens qui répondait autant à des considérations humanitaires qu’au souci des Occidentaux de créer un glacis stratégique au centre de l’Afrique, à proximité de la plateforme opérationnelle de la Chine dans la zone. Un cordon sanitaire identique à celui que les pays occidentaux veulent établir autour de l’Iran, l’autre grand fournisseur d’énergie de la Chine.
Dans ce contexte, le redéploiement militaire français en Afrique a constitué une opération à double détente visant à associer des pays tiers (Afrique, Europe, ONU) aux opérations militaires françaises en Afrique dans le but de partager les coûts et de diluer les responsabilités, tout en conservant la maîtrise des opérations.
Un chef d’œuvre de ravalement cosmétique d’un repositionnement militaire identique au dispositif américain dans le Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Koweït et Irak), face à l’Iran.
Lointaines réminiscences de ses déboires coloniaux, l’activisme de la France au Soudan, puis en Libye, en Syrie et au Mali, vise à sécuriser son ravitaillement énergétique, ses exportations militaires et ses centrales nucléaires. D’une manière sous-jacente, répondre à son souci de purger son «complexe de Fachoda» (2), le désastre militaire et diplomatique français subi dans ce pays contre les Anglais au XIX me siècle durant la phase de conquête coloniale écartant durablement la France des eaux du Nil.
Le Mali, la porte d’entrée d’Israël en Afrique, via la France?
Dans un mouvement de fuite en avant destiné à occulter les responsabilités de la classe politico-militaire malienne dans le désastre national qui frappe le Mali depuis un an, l’intention est prêtée à l’équipe dirigeante transitoire du Mali de mettre à profit l’expédition militaire française pour faire du Mali, la porte d’entrée d’Israël en Afrique.
Un coup de bluff? Un chantage? Une volonté réelle d’amorcer une nouvelle politique en contradiction avec la ligne traditionnelle du Mali, premier pays africain à avoir dépêché dès son indépendance, en 1960, un contingent en Algérie pour sceller dans l’ordre symbolique la fraternité d’armes des peuples opprimés?
Sur les conseils de la France, qui s’est méthodiquement appliquée à travers ses porte-voix médiatiques, Bernard Kouchner et Bernard Henri Lévy, à favoriser la sécession du Sud Soudan, pour en faire une plateforme opérationnelle d’Israël sur le cours du Nil?
Pour rééditer l’ancien scenario français de relier les deux anciens Soudan de l’époque coloniale, le Soudan français et le Soudan anglais, via le sud Soudan précisément et qui valut à la France l’une de ses plus cuisantes défaites militaires à Fachoda (1898)?
L’instrumentalisation de la justice internationale à des fins politiques plaiderait en ce sens. CF. à ce propos le cas du général Omar al Bachir.
Une alliance avec Israël? L’allié indéfectible du régime d’Apartheid d’Afrique du sud? La garde prétorienne de tous les dictateurs francophones qui ont pillé l’Afrique. De Joseph Désiré Mobutu (Zaïre-RDC), à Omar Bongo (Gabon), à Gnassingbé Eyadema (Togo), à Paul Biya, le président off-shore du Cameroun), le vacancier privilégie des pâturages suisse, et, même Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), le prétendu sage de l’Afrique qui n’était sage que par ce qu’il était le meilleur serviteur de ses anciens colonisateurs et de ses alliés israéliens.
Israël dont l’expérience de la colonisation de la Palestine l’a conduite à coloniser des terres à travers le Monde représentant vingt fois sa superficie au détriment des populations et de l’environnement des pays pauvres. En République Démocratique du Congo pour la culture de la canne à sucre; au Gabon pour la culture du Jatropha, nécessaire à la production de biocarburants; en Sierra Leone où la colonisation israélienne représente 6,9 pour cent du territoire de ce pays de l’Afrique de l’Ouest (3).
La bataille des eaux du Nil et Le Canal Ben Gourion (4).
La nomination à la tête de l’Agence française pour le développement de M. Dov Zerah, pourrait donner un début de crédit à cette hypothèse en ce que la propulsion du président du consistoire israélite de Paris et secrétaire général de la Fondation France Israël au poste stratégique de dispensateur de l’aide financière française à l’Afrique est intervenue, le 2 Juin 2010, six mois avant l’indépendance du sud Soudan, alors que «la bataille du Nil» sur la répartition des quotas des eaux de ce fleuve africain battait son plein entre l’Egypte et les alliés africains d’Israël: l’Ethiopie et le Kenya notamment. Il pose en filigrane la question de savoir si le verrouillage du pré-carré se fera en tandem avec Israël, face à «l’expansionnisme wahhabite», selon la formule consacrée en usage dans les cercles dirigeants.
L’épisode de la répartition des eaux du Nil et de la sécession du Sud Soudan auront constitué la plus grosse pantalonnade de l’histoire égyptienne contemporaine. Pour atteindre cet objectif, Israël avait mené une stratégie à double détente qui révélera la cupidité des investisseurs égyptiens et coutera le pouvoir à Moubarak et sa place dans l’histoire.
Israël avait négocié avec l’Egypte, tout en faisant des pressions indirectes sur lui, incitant les états africains à réclamer une majoration de leur quote-part dans la répartition hydraulique du cours d’eau, alléchant les Africains par des projets économiques et les investisseurs égyptiens par des promesses d’intéressement aux projets israéliens. En Ethiopie, Israël a financé la construction de dizaines de projets pour l’exploitation des eaux du Nil Bleu. Le Mali avant son indépendance, en 1962, portait le nom de Soudan français, par opposition au Soudan anglais, le Soudan actuel.
La revendication par la secte dissidente nigériane BOKO HARAM de l’enlèvement de sept français au Cameroun, le 18 février 2013, un mois après le début de l’opération Serval plaide aussi en faveur de cette hypothèse en ce que le mouvement a voulu adresser un message subliminal aux Français en assumant son action au nom de «Jama’atu Ansarul Musilimina fi Biladi Al Soudan», littéralement le Groupement des partisans de l’Islam au Soudan (au-delà en Afrique noire)».
Pour en savoir plus sur ce sujet : http://www.renenaba.com/le-quadrillage-en-douceur-de-l’afrique/
A l’intention des lecteurs arabophones, ce lien du journal transarabe de Londres «Al Qods Al-Arabi»:Le Mali porte d’entrée d’Israël?
http://www.alquds.co.uk/index.asp?fname=data\2013\02\02-14\14qpt999.htm&arc=data\2013\02\02-14\14qpt999.htm
Le Canal Ben Gourion.
L’accès d’Israël au périmètre du bassin du Nil, via le sud Soudan avec le concours français et américain, s’est doublé de la mise en route de la construction d’un Canal reliant la Mer Rouge à la Mer Méditerranée, depuis Eilat. Disposant de deux voies de navigation, l’un pour l’aller, l’autre pour le retour, le canal israélien, contrairement à l’Egyptien concurrencera fortement le Canal de Suez et entrainera une perte de 50 pour cent des recettes égyptiennes de 8 milliards de dollars par an à 4 milliards.
D’un cout de 14 milliards de dollars, il sera financé par un prêt de trois banques américaines, à faible taux d’intérêt (1%) sur trente ans. 150.000 ouvriers majoritairement d’Asie, principalement de Corée du Sud, participeront aux travaux de construction qui dureront trois ans. Plus long de 50 mètres que son rival égyptien, le canal israélien pourra absorber les plus grands bateaux du monde (longueur 300 mètres, largeur 110 mètres).
Sur fond de guerre de religion de l’Islam wahhabite contre la dissidence musulmane, sous couvert de «Printemps arabe», (Syrie, Mord Mali), un tel projet pourrait constituer, à n’en pas douter, un casus belli pour l’Egypte et entrainer sinon une rupture des relations diplomatiques, à tout le moins une glaciation durable des rapports entre les deux pays.
L’enjeu essentiel de la question saharo-sahélienne ne se joue pas à l’échelle locale. Il concerne l’économie mondiale et le redécoupage des zones d’influence entre les puissances internationales avec l’entrée en scène de nouveaux acteurs (américains, chinois, indiens) qui bousculent l’ancien paysage colonial.
L’accès convoité aux richesses minières (pétrole, gaz, uranium, or, phosphates) dont regorgent le Niger, la Libye, l’Algérie, et le Mali d’après des prospections plus récentes, est au centre de la bataille invisible qui se déroule dans le désert.
Exclue du Traité de Partenariat transpacifique en voie de constitution sous l’égide des Etats-Unis, la Chine est en outre en butte à une offensive visant à contrecarrer son expansion, dont le signe le plus manifeste aura été le gel du financement des importants projets miniers chinois par la Banque Mondiale, doublé d’une manœuvre de contournement visant à accentuer la présence des firmes américaines en République Démocratique du Congo, considéré comme le plus riche en matières premières stratégiques du continent africain.
Dans un livre blanc de 2010, «Stratégie pour les minéraux indispensables aux Etats-Unis», Washington plaidait, conjointement avec l’Union européenne, pour l’urgente nécessité de constituer des réserves de cobalt, du niobium, du tungstène et naturellement le Coltàn, indispensables pour la composition de matières de haute technologie.
Quatre-vingt pour cent (80%) des réserves mondiales du Coltàn se trouvent en République Démocratique du Congo (RDC-Kinshasa). Ressource stratégique essentielle au développement des nouvelles technologies, le Coltàn (par fusion des termes Columbio et Tantalio) entre dans la production des écrans plasma, des téléphones portables, des GPS, des missiles, des fusées spéciales, des appareils photos et des jeux Nintendo), dont les principaux bénéficiaires sont les grandes firmes électroniques et informatiques (Appel, Nokia, Siemens, Samsung).
Dans ce grand jeu des puissances, l’Afrique émerge comme champ de bataille stratégique, dont la Chine en a fait sa ligne de front dans sa recherche d’une plus grande influence mondiale, triplant son commerce avec le continent, verrouillant ses ressources énergétiques, et, fait plus grave pour l’avenir des Occidentaux, assurant l’éducation des futures élites africaines dans les universités chinoises.
Le nouvel humanitarisme sélectif des anciennes puissances coloniales, qui fustigent le Soudan mais couvrent de mansuétude d’aussi redoutables autocrates que le tchadien Idriss Deby, de même que son prédécesseur Hissène Habré, parait sans consistance face au poids d’une Chine, sans passif colonial avec l’Afrique, dispensant de surcroît un important flot de liquidités, sans contrepartie politique.
Objectif sous-jacent, Serval vise à préserver l’espace francophone, dernier réduit de la puissance française, de tout nouveau grignotage arabophone ou sinophone, alors que la Francophonie est désormais reléguée au 12 rang mondial par le nombre de ses locuteurs (120 millions de locuteurs), que le chinois occupe le premier rang avec près d’un milliard de locuteurs, et l’arabe, le 6me rang mondial avec 400 millions de locuteurs.
En blanchissant la France de ses turpitudes coloniales, Serval au Mali apparaît rétrospectivement comme une opération de verrouillage de la porte arrière du Maghreb, l’ultime digue francophone avant le débordement chinois vers l’Europe.
René Naba