En Guinée comme au Niger, les militaires ont été acclamés pour avoir rendu le pouvoir au civil. Mais dès qu'ils doivent rendre compte de leur gestion de ces transitions, des bruits de bottes se font entendre. Faut-il acheter la paix sociale en favorisant l'impunité ? demande L'Observateur Paalga.
16.08.2011 | Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana | L'Observateur Paalga
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Faut-il absoudre les militaires putschistes qui ont mené une transition réussie pour remettre le pouvoir aux civils par l'intermédiaire d'élections ? Voilà une question qui chiffonne actuellement sans doute les présidents Alpha Condé de Guinée et surtout Mahamadou Issoufou du Niger. Dans le premier pays, bien que le nouveau chef de l'Etat veuille nettoyer les écuries d'Augias, il semble mettre un zeste de tact, à telle enseigne qu'on l'accuse de composer avec le personnel de son prédécesseur, le général Sékouba Konaté [président intérimaire de 2009 à 2010], et même avec ceux de Lansana Conté [président de 1984 à 2008].
D'où vient alors que, le 19 juillet 2011, sa résidence de Kipé a été la cible de tirs nourris de militaires qui en voulaient à son fauteuil ? Est-ce parce que la réforme de l'armée, véritable serpent de mer, pourrait devenir une réalité sous son mandat ? Est-ce parce que les relations entre le président intérimaire [Sékouba Konaté] et Alpha Condé [élu en décembre 2010] étaient souvent tendues malgré les dénégations de part et d'autre ? Toujours est-il qu'il ne semble pas aisé de prendre la relève d'une transition militaire, tant ces soldats – pour démocrates qu'ils soient – veulent se la couler douce après leur passage au pouvoir. Gare donc, semble-t-il, à qui veut voir clair dans leur gestion.
Le Niger donne aussi l'impression que le nouveau pouvoir a du mal avec sa transition militaire, menée rigoureusement par le général Salou Djibo. Ce dernier, lorsqu'il mit fin, le 18 février 2010, aux velléités "tazartchéennes" (de tazartché, la continuité en langue haoussa) de Mamadou Tandja, promit de remettre le pouvoir aux civils. Parole d'officier donnée, parole respectée, au prix de tiraillements avec certains de ses proches. Le 6 avril 2010, Mahamadou Issoufou parvenait enfin à assouvir une ambition vieille de vingt ans : être président de la République.
Sitôt installé, outre ses priorités "ventrales" (le fait de nourrir les Nigériens) et sécuritaires (de lutter contre l'Aqmi, Al-Qaida au Maghreb islamique), "le Lion de Tahoua" promettait de jouer les prolongations au sujet de la lutte contre la prédation des deniers publics. En réalité, il poursuivait les audits entamés sous le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (Csrd). Une opération "mains propres" qui aurait pu réjouir l'ex-junte si et seulement si certains de ses éléments n'avaient pas été pris dans la nasse : le vendredi 12 août 2011, plusieurs personnalités dont l'ancien directeur adjoint du cabinet de Salou Djibo ont été incarcérées ; autrement dit, quelqu'un qui était dans l'antichambre de la présidence nigérienne a été touché. Quels sentiments peuvent animer actuellement Salou Djibo, qui voit l'un de ses proches collaborateurs embastillé pour une affaire de détournement ? Car, par ricochet, il est personnellement visé.
Est-ce pour arrêter la machine judiciaire qu'un putsch avorté a eu lieu à la mi-juillet à Niamey ? Le cas nigérien repose la question de la justice et de la paix sociale. Pour une démocratie apaisée et un retour normal à l'Etat de droit, faut-il fermer les yeux sur certains actes délictuels, notamment les crimes économiques ? La justice est le pilier de toute démocratie, mais, dans certains cas, ne faut-il pas trouver un modus vivendi pour apurer les contentieux susceptibles de mettre la république sens dessus dessous ?
Les audits, les poursuites judiciaires, ça fait tendance, ça plaît à la Communauté internationale, mais Mahamadou Issoufou doit se garder de trop se focaliser sur la gestion de la junte, autrement dit des militaires, qui lui ont permis d'être là où il est. Au Niger, l'armée a toujours arbitré la vie politique : hier, c'était Ibrahim Baré Maïnassara (dit "IBM") [général, président de 1996 à 1999], aujourd'hui, c'est Salou Djibo, demain, le pouvoir kaki pourrait s'inviter encore dans l'arène s'il se sent frustré ou humilié. Il reste trois ans et demi à Mahamadou Issoufou : à quoi lui serviront des audits si son mandat est écourté par un pronunciamiento ? La justice, d'accord, mais sans précipiter le pays de nouveau dans les méandres de l'Etat d'exception !
D'où vient alors que, le 19 juillet 2011, sa résidence de Kipé a été la cible de tirs nourris de militaires qui en voulaient à son fauteuil ? Est-ce parce que la réforme de l'armée, véritable serpent de mer, pourrait devenir une réalité sous son mandat ? Est-ce parce que les relations entre le président intérimaire [Sékouba Konaté] et Alpha Condé [élu en décembre 2010] étaient souvent tendues malgré les dénégations de part et d'autre ? Toujours est-il qu'il ne semble pas aisé de prendre la relève d'une transition militaire, tant ces soldats – pour démocrates qu'ils soient – veulent se la couler douce après leur passage au pouvoir. Gare donc, semble-t-il, à qui veut voir clair dans leur gestion.
Le Niger donne aussi l'impression que le nouveau pouvoir a du mal avec sa transition militaire, menée rigoureusement par le général Salou Djibo. Ce dernier, lorsqu'il mit fin, le 18 février 2010, aux velléités "tazartchéennes" (de tazartché, la continuité en langue haoussa) de Mamadou Tandja, promit de remettre le pouvoir aux civils. Parole d'officier donnée, parole respectée, au prix de tiraillements avec certains de ses proches. Le 6 avril 2010, Mahamadou Issoufou parvenait enfin à assouvir une ambition vieille de vingt ans : être président de la République.
Sitôt installé, outre ses priorités "ventrales" (le fait de nourrir les Nigériens) et sécuritaires (de lutter contre l'Aqmi, Al-Qaida au Maghreb islamique), "le Lion de Tahoua" promettait de jouer les prolongations au sujet de la lutte contre la prédation des deniers publics. En réalité, il poursuivait les audits entamés sous le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (Csrd). Une opération "mains propres" qui aurait pu réjouir l'ex-junte si et seulement si certains de ses éléments n'avaient pas été pris dans la nasse : le vendredi 12 août 2011, plusieurs personnalités dont l'ancien directeur adjoint du cabinet de Salou Djibo ont été incarcérées ; autrement dit, quelqu'un qui était dans l'antichambre de la présidence nigérienne a été touché. Quels sentiments peuvent animer actuellement Salou Djibo, qui voit l'un de ses proches collaborateurs embastillé pour une affaire de détournement ? Car, par ricochet, il est personnellement visé.
Est-ce pour arrêter la machine judiciaire qu'un putsch avorté a eu lieu à la mi-juillet à Niamey ? Le cas nigérien repose la question de la justice et de la paix sociale. Pour une démocratie apaisée et un retour normal à l'Etat de droit, faut-il fermer les yeux sur certains actes délictuels, notamment les crimes économiques ? La justice est le pilier de toute démocratie, mais, dans certains cas, ne faut-il pas trouver un modus vivendi pour apurer les contentieux susceptibles de mettre la république sens dessus dessous ?
Les audits, les poursuites judiciaires, ça fait tendance, ça plaît à la Communauté internationale, mais Mahamadou Issoufou doit se garder de trop se focaliser sur la gestion de la junte, autrement dit des militaires, qui lui ont permis d'être là où il est. Au Niger, l'armée a toujours arbitré la vie politique : hier, c'était Ibrahim Baré Maïnassara (dit "IBM") [général, président de 1996 à 1999], aujourd'hui, c'est Salou Djibo, demain, le pouvoir kaki pourrait s'inviter encore dans l'arène s'il se sent frustré ou humilié. Il reste trois ans et demi à Mahamadou Issoufou : à quoi lui serviront des audits si son mandat est écourté par un pronunciamiento ? La justice, d'accord, mais sans précipiter le pays de nouveau dans les méandres de l'Etat d'exception !