L'EXPRESSE.fr
Par Catherine Gouëset et Nadéra Bouazza, publié le 09/08/2011 à 19:09
Le président du CNT Moustapha Abdeljalil a suspendu lundi 8 aout le bureau exécutif , l'équivalent de son gouvernement, dix jours après l'assassinat du général Younès, chef militaire de la rébellion.
REUTERS/Esam Al-Fetori
La dissolution du gouvernement du CNT, deux semaines après la mort du chef militaire rebelle met à jour les tensions au sein des opôsants au colonel Kadhafi.
La confusion règne au sein de la rébellion libyenne après l'assassinat du chef militaire Abdel Fatah Younès, fin juillet. Et le limogeage du gouvernement rebelle par le Conseil national de transition (CNT), l'organe de rébellion, établie à Benghazi, est la dernière illustration de ce malaise.
C'est la mort mystérieuse du chef militaire Abdel Fatah Younès, le 28 juillet à Benghazi, qui a servi de révélateur de ces tensions. Le corps criblé de balles et partiellement brûlé du chef militaire a été retrouvé en périphérie de la ville, suscitant le trouble dans la "capitale" du CNT. Il a été tué après avoir été rappelé du front pour un interrogatoire sur des questions militaires à Benghazi, selon certaines versions, pour être arrêté selon d'autres.
Le mystère de la mort d'Abdel Fatah Younès
Avant son ralliement à la rébellion, Abdel Fatah Younès, ministre de l'Intérieur libyen, était considéré comme le numéro deux du régime du colonel Kadhafi. Il avait participé au coup d'Etat qui avait porté le colonel au pouvoir en 1969. Il s'était rallié aux insurgés, tout comme Moustapha Abdeljalil -alors ministre de la Justice-, actuel président du CNT, dès le début du mouvement de contestation contre le colonel Kadhafi en février. Bien que sa tête ait été mise à prix par Tripoli, une fille de Mouammar Kadhafi, Aïcha, avait laissé entendre, en mars, qu'il était resté loyal à son père. Et récemment, certaines rumeurs l'accusaient d'avoir repris contact avec Tripoli.
Les rebelles ont rejeté la mort du général sur les forces loyales au régime de Mouammar Kadhafi, mais cette mort a provoqué nombre de rumeurs, certaines affirmant que les rebelles avaient eux-mêmes arrêté et tué le général, qu'ils soupçonnaient de trahison. L'existence d'une possible "cinquième colonne" derrière les lignes rebelles a également été évoquée.
La coalition du 17 février, groupe impliqué dans le soulèvement et la mise en place des institutions rebelles à Benghazi, avait demandé, le 3 août, le limogeage de plusieurs figures du CNT après la mort du général, dont Ali al-Essaoui, en charge des affaires internationales et le juge Joummah al-Jazoui al-Obeïdi, à l'origine de la demande d'arrestation de Younès. La coalition demandait qu'une "enquête complète et indépendante" soit menée sur leur rôle dans "l'arrestation illégale et humiliante" du général Younès.
Pour ajouter au malaise, la tribu des Al-Obeïdi, à laquelle appartenait le général Younès, a menacé de se faire justice elle-même si le CNT n'arrêtait pas les coupables présumés et ne donnait pas rapidement une version crédible des faits.
Manque d'unité militaire
Sur le plan militaire, les forces rebelles manquent de coordination, ce qui expliquerait la lenteur de leur avancée face aux troupes du colonel Kadhafi. Elles regroupaient jusqu'à présent plusieurs dizaines de brigades plus ou moins indépendantes du commandement, pour la plupart composées de volontaires civils. Le CNT a d'ailleurs ordonné à toutes les milices de se dissoudre et de se rallier au Conseil transition après l'assassinat du général Younès.
Le Figaro évoquait récemment les faiblesses militaires de la rébellion, incapable de tirer profit du soutien de l'Otan depuis mars et de la livraison d'armes modernes par la France et le Qatar depuis le mois de juin. "Aucune coordination réelle n'existe entre les trois fronts rebelles que sont Brega, Misrata et le Djebel Nefousa" expliquait Renaud Girard.
La revanche des chefs de "l'intérieur"
Le remaniement de lundi est sans doute une tentative pour restaurer la crédibilité du CNT, reconnu par plusieurs pays occidentaux comme "seule autorité gouvernementale en Libye", et alors que la France vient de dégeler 182 millions d'euros d'avoirs libyens à son profit.
Ces derniers développements pourraient aussi représenter, selon le New York Times, une réponse à la pression des leaders de "l'intérieur", qui sont à l'origine de la rébellion, d'écarter les opposants revenus d'exil, qui détenaient les principaux postes de direction. Depuis plusieurs mois, beaucoup se plaignaient que les membres du cabinet étaient inconnus des Libyens, et plus souvent présents à l'étranger qu'au pays, tout particulièrement au Qatar, pays devenu le parrain de la rébellion, explique le quotidien américain.