mercredi 17 janvier 2018

Imzad, de Farida Sellal : hymne à la poésie chantée touarègue

elmoudjahid.com-17-01-2018
Qui apprécie le travail de Farida Sellal et croit la connaître à travers ses écrits doit se procurer l’ouvrage intitulé «Imzad». Engagé certes, mais lucide, perspicace et surtout pénétrant, cet ouvrage — autant que «Nomade» qui, lui, est plus récent —, situe parfaitement le parcours de l’auteure en la replaçant rigoureusement dans une chronologie aussi précise qu’éclairante.
Résultat de recherche d'images pour "sellal imzad"
    Qui apprécie le travail de Farida Sellal et croit la connaître à travers ses écrits doit se procurer l’ouvrage intitulé «Imzad». Engagé certes, mais lucide, perspicace et surtout pénétrant, cet ouvrage — autant que «Nomade»  qui, lui, est plus récent —, situe parfaitement le parcours de l’auteure en la replaçant rigoureusement dans une chronologie aussi précise qu’éclairante.
Après deux préfaces développées dans lesquelles est définie sa progression constante, insatiable dans la conquête de son environnement ethnomusicologique, Farida Sellal, dans l’avant-propos à son ouvrage, s’explique, fort bien du reste, à travers le passage ci-après : «j’ai choisi d’aborder l’histoire et le vécu de l’imzad (…) pour tenter, à ma manière, d’illustrer l’idée selon laquelle le souvenir est l’unique moyen de freiner le temps sans pour autant prétendre l’arrêter». L’auteure d’Imzad ponctue le contenu de l’ouvrage par une sorte de postface ainsi qu’une annexe où elle présente quelques fameux poèmes d’imzad chantés, recueillis et traduits en français par elle-même.
Pour en revenir au contenu de l’ouvrage, celui-ci s’ouvre avec les deux préfaces mentionnées plus haut, à savoir celle de Pierre Augier, ancien directeur du département de musicologie africaine, Institut National des Arts d’Abidjan, et celle du professeur Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d’Alger. Les deux éminents scientifiques ont suivi de près le parcours professionnel de l’auteure. Tous deux, proches de Farida Sellal, racontent avec simplicité et tendresse le travail considérable effectué par la présidente de l’association «Sauver l’imzad». D’abord, ce passage très éloquent tiré de la préface de Pierre Augier : «(…) Dans la notice du CD «Musiques des Touaregs Kel Ahaggar», publié en 2009 par l’association Sauver l’imzad, Farida Sellal a raconté comment, à l’occasion d’une visite à la violoniste Alamine Khoulen, l’idée lui est venue de fonder l’association et de créer l’école d’imzad ; «…avec Seddik Khatalli, je vais chez Alamine Khoulen que je retrouve dans un état de dénuement total. Sans réfléchir, je lui pose la question : «Si nous créons une école d’imzad, voudras-tu apprendre aux jeunes filles à jouer de l’imzad ? ». Un grand sourire illumina son visage et elle me répondit: «bien sùr que j’apprendrai à tout le monde. L’imzad, c’est ma vie, et mon désir le plus cher est de le transmettre aux générations futures. Mais qui voudra apprendre à jouer de l’imzad ?». Farida Sellal exposa néanmoins son projet au chef spirituel des Touaregs du Sahara central, «l’aménokal» Hadj Moussa Akhamok, qui l’approuva, accepta d’être président d’honneur de l’association. Malheureusement, Hadj Moussa Akhamok décéda quelques mois plus tard             (…) ».
«C’est autour de l’imzad que les plus belles poésies sont chantées» (Pierre Augier)
Ensuite, cet autre passage ci-après tout aussi éloquent de Slimane Hachi, qui a fait inscrire l’imzad en 2013 par l’Unesco sur «la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité» : «(…) Malgré tout, ces pasteurs d’il y a quatre mille ans (…) musiquaient déjà, ils faisaient résonner des lithophones taillés dans du granite et fabriquaient des instruments à corde comme on peut en admirer au Tassili ou sur les roches de «Tan n Kebran» même. C’est dans ce monde de ravissement que nous emmène l’ouvrage de Farida Sellal. Avec des explications édifiantes, des rappels historiques appropriés, des démonstrations soutenues, d’excellentes traductions de poèmes d’imzad et des photographies d’art dont elle est l’auteure, elle nous fait découvrir —ou redécouvrir— ce Sahara envoûtant, ce pays en couches de mémoire nues, vives, offertes, logées au cœur de la permanence de ses femmes, de ses hommes et de son imzad qui ne cesse de chanter, de parler et de donner la parole (…). Ce livre, bien construit, fluide, documenté est une leçon sur la société touarègue  à travers un instrument de musique qui, bien plus qu’une vielle qui résonne, est un emblème qui signifie».
Tout aussi touchants, s’ensuivent l’avant-propos ainsi que le texte à caractère poétique du contenu de l’ouvrage, écrits par l’auteure elle-mème ; et qui laissent transparaitre sa combativité par rapport à l’indifférence d’autrui —quelques uns de ses pairs entre autres­— ainsi que ses tentatives d’informer ces derniers sur son travail. Celles-ci (les tentatives) restent malheureusement muettes sur ses réflexions en tant que présidente de l’association «Sauver l’imzad» ; ce qui, toutefois, ne gàche en rien la qualité globale de l’ouvrage précité.
«Ce livre, ce beau livre est à l’Imzad un véritable Imzad» (Slimane Hachi)
Pour cause, les traces des travaux de Farida Sellal sont, entre autres, de superbes photographies prises sur les lieux : Djanet, Tamanrasset, etc. Pratiquement toute l’étendue des territoires de l’Ahaggar et du Tassili n’Ajjer a été prise en compte, sur plusieurs années, ce qui est fort louable. Hormis l’instrument lui-mème, qui déjà est une œuvre d’art traditionnel en soi, ces photographies sont, elles aussi, les seules œuvres durables. Il faut dire que les images, du reste fort élégantes, guident des thématiques très féminines qui deviennent forcément, dans cette fin de décennie 2010 et aussi veille de décennie 2020, illustrations mythiques ou hommages. Et des images au texte, analyse, descriptions et commentaires par l’auteure, bref, au-delà de la découverte d’une œuvre -d’art traditionnel- monumentale proprement dite, le tout a été fait dans la permanence de l’humain. Autrement dit, en y réfléchissant bien, c’est à se demander si l’imzad en tant qu’instrument ne supporte pas, au même titre que toute autre œuvre d’art traditionnel, son inscription dans un Panthéon idoine. En tout cas, son insertion dans un beau livre d’art est déjà une belle initiative en soi dès lors qu’elle y trouve un moyen de diffusion tout à fait convenable. Le tout relevant d’une édition à un prix relativement abordable, en l’occurrence Casbah-Editions ; et cela, quand bien même l’ouvrage contient une profusion d’images d’une excellente résolution. Basé sur le principe d’une page par image, souvent de deux pleines pages par image, lesquelles sont accompagnée dans la plupart des cas d’un texte explicatif en vis-à-vis, le déroulement d’«Imzad» n’est entrecoupé d’aucune tète de chapitre ; ce qui n’empèche pas de deviner, au cours de sa lecture, les quelques grandes étapes de l’élaboration du regard.
Pour tout dire, cet ouvrage impressionnant et fort bien réalisé compte assurément plus de photos que de pages écrites —255 sur 336 pages au total— photos qui sont autant témoins d’expressions artistiques. Ce qui est tout à l’honneur de l’auteure et de l’éditeur qui ont signé là, il faut en convenir, un très beau livre d’art.
Kamel Bouslama, http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/119011
«Imzad», de Farida Sellal ;
Casbah-Editions, Alger 2016, 336 pages

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire