lundi 25 avril 2016




Les étrangers pleurent deux fois


Melco Tenes-Ledailydunes.blogspot.fr/


C’est Salek qui disait ça. La première larme coule en atterrissant dans ce lieu où l’aridité définit bien plus que le climat. Je n’ai pas pleuré, mais je me suis demandé où je m’étais ensablé, possible. Et puis, curieuse et fraiche, votre âme de gosse vous sauve. Ici il faut apprendre à oublier et réapprendre. Marcher de longs après midi dans la chaleur de Nouakchott, se plonger dans l’Atlantique, émerger, sécher aussi sec. Se faire à ces goutes qui perlent du front, à ces haut parleurs qui réveillent le jour et à ces jours calmes.


Il faudra plus qu’un daily dunes pour vendre Nouakchott et la Mauritanie aux habitués des pintes entre potes et des monuments historiques, et ce n’est d’ailleurs pas mon intention. Le désert peut sembler vide au citadin. Mais le vide ça n’existe pas. Quand il y a trois habitants au kilomètre carré ils s’échangent nouvelles et bienveillance. Au milieu du désert on prévoit pour le voyageur qui passera peut être la nuit. L’hospitalité des hommes où il y a peu d’hommes n’est pas un mythe et se elle se ressent encore à Nouakchott.



Il existe une richesse ici qu’on ne prend pas en photo, qu’on n’attrape pas. Cette richesse c’est le temps. C’est tout, le temps. Le temps des salutations, le temps des jeux de cartes, le temps du thé, le temps de parler et celui de ne rien dire. En Mauritanie on a le temps d’aimer, aussi, pas qu’un peu.


Il y en a qui disent qu’à Nouakchott il n’y a rien à faire. Tant mieux, il faut alors se creuser la tête, inventer, créer, produire. Dans dix ans, il me restera encore bien des choses de la Mauritanie grâce à ça: des photos, des articles et un tas d’inventions que je ne suis pas prêt d’oublier.


Certains critiquent la Mauritanie, son retard, disent que les gens ne travaillent pas, que ce n’est pas business friendly et c’est certainement vrai avec des lunettes teintées d’occident. Pour moi, l’archaïsme est dans la corruption, le pillage du pays organisé par les élites, le racisme, l’inégalité des sexes ou la dégradation de l’environnement, qui sont paradoxalement des maux parfois récents. Mais je me garderai bien de juger le modèle de développement que la Mauritanie, rebelle, nomade, secrète, se refuserait à adopter. Tant mieux si Nouakchott n’est pas encore saturée de multinationales et de centres commerciaux. Si le boutiquier préfère prendre le thé sur sa natte à côté du comptoir au lieu de développer son business je crois qu’il est libre de choisir ce que bon lui semble. Si l’investissement se heurte aux dépenses imprévues liées aux mariages ou à la solidarité familiale ça marche comme ça et je ne crois pas à une définition universelle de la modernité et du progrès.


Aujourd’hui une 406 brave le no man’s sand qui sépare la Mauritanie du Sahara, et chaque mètre m’éloigne un peu plus de la vie que j’ai construite pendant deux ans, je laisse derrière moi cet univers et ces gens que je finissais par connaitre, comprendre et aimer. Pour la deuxième fois, Salek avait raison. A bientôt et bonne chance aussi encore.

 إلى لقاء إن شاء الله



Publié il y a 6 days ago par Melco Tenes,http://ledailydunes.blogspot.fr/2016/04/les-etrangers-pleurent-deux-fois.html
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24/04/16

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