dimanche 6 mars 2016

Et c’est toujours Areva qui gagne…

ROSA MOUSSAOUI
VENDREDI, 19 FÉVRIER, 2016
L'HUMANITÉ

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16 FÉVRIER, DANS LES RUES DE NIAMEY, LA CAPITALE, COLLÉGIENS, LYCÉENS ET ÉTUDIANTS COMMÉMORAIENT LA MORT D’ALIO NAHANCHI, ISSAKA KAINA ET ABDOU MOUMOUNI, TROIS JEUNES TOMBÉS SOUS LES BALLES DE LA POLICE, LE 9 FÉVRIER 1990.
Photo : AFP
Dans le pays le plus pauvre du monde, le président sortant, Mahamadou Issoufou, brigue, dimanche, un second mandat.
Ils ont défilé par milliers, mardi, dans les rues de Niamey. À cinq jours des élections présidentielle et législatives, collégiens, lycéens et étudiants commémoraient la mort d’Alio Nahanchi, Issaka Kaina et Abdou Moumouni, trois jeunes tombés sous les balles de la police, le 9 février 1990. En réaction à la violence de la répression, le Niger entrait alors dans le printemps démocratique africain qui devait secouer tout le continent. Un quart de siècle plus tard, dans le pays le plus pauvre du monde, les aspirations sociales restent les mêmes.

Les multinationales font la loi

« Les conditions des étudiants et du peuple n’ont pas évolué. Nous demandons au peuple nigérien d’élire l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Nous demandons aux dirigeants qui seront élus qu’ils puissent créer les conditions pour que nos richesses soient exploitées au profit de notre peuple », explique Soumana Sambo Huseini, secrétaire général de l’Union des scolaires nigériens. Cinq ans après l’arrivée au pouvoir de Mahamadou Issoufou, les promesses d’une meilleure répartition de la rente tirée de l’uranium et, depuis 2011, de l’exploitation pétrolière, ont fait long feu. Les négociations engagées par le gouvernement nigérien pour un partenariat plus équitable avec le géant français du nucléaire Areva se sont conclues par une capitulation de l’ex-directeur technique de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr, filiale d’Areva) et par la signature d’une obscure convention. Quant au pétrole, dont la production est passée de 13 000 barils par jour en 2012 à 20 000 aujourd’hui, il génère des revenus aux destinations opaques. « Mahamadou Issoufou a remporté l’élection présidentielle, en 2011, en promettant de lutter contre la corruption. Depuis, la corruption atteint des niveaux inégalés, les multinationales font toujours la loi et des clans mafieux ont fait main basse sur les ressources pétrolières », accuse Ali Idrissa, du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (Rotab), en mettant en cause « la mobilisation à outrance des moyens d’État pour la campagne du président candidat » et « les atteintes aux libertés ».

Dérive autoritaire

Au contraire, le sortant entend faire valoir un bilan qu’il juge flatteur : « Le taux de grande pauvreté est passé de 65 % à 45 % », déclarait Issoufou dans un entretien à Jeune Afrique, fin janvier, en se félicitant des investissements dans « les infrastructures, la santé, l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire ». Sûr de gagner « par K.-O. » dès le premier tour, le président nigérien balaie d’un revers de main les soupçons de dérive autoritaire. L’un de ses concurrents, Hama Amadou, croupit en prison, mis en cause dans une sombre affaire de bébés volés ? Affaire de droit commun, rétorque l’entourage présidentiel. « Rien ne peut justifier qu’Hama Amadou, qui n’a pas été jugé, ne dispose pas des mêmes droits que les autres candidats pour faire campagne. C’est une affaire politique ! » s’indigne au contraire Rakia Moulay Abdourahamane, longtemps proche de cet opposant, qui avait apporté ses voix à Issoufou au second tour de l’élection présidentielle de 2011. La carte maîtresse d’Issoufou ? Elle est ­sécuritaire, dans un pays cerné par le chaos libyen, l’instabilité malienne et les fréquentes incursions de la secte islamiste nigériane Boko Haram. Opposé à l’intervention de l’Otan contre Mouammar Kadhafi, en 2011, le président nigérien juge désormais « impérative » une intervention militaire extérieure en Libye face à Daech.

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