dimanche 21 février 2016

ZOOM sur le Niger et le bilan de son président sortant : Mahamadou Issoufou


ZOOM sur le Niger et le bilan de son président sortant : Mahamadou Issoufou

21/02/2016

SCI(Sahara Consulting Intelligence) : En tant que chercheur spécialiste du Sahel,  qu'elle appréciation faite vous du bilan économique du régime de Issoufou durant ces cinq dernières années?

Ibanakal Tourna : Le bilan économique du socialiste Issoufou, ami de longue date du président français François Hollande est plus que mitigé.

D'abord, parce qu'il y'a deux Issoufous, l'un vu à l’extérieur (surtout par les occidentaux : en première ligne desquels les français. Puis les américains) comme le "démocrate" sahélien le moins qui traine des casseroles. Comme ses autres paires du pré carré françafricain.Celui-ci est perçu comme l'ami "intime" et digne de confiance qui a accepter de jeter les maigres ressources de son pays dans la partie d'échecs qu'est devenue la "lutte anti-terroriste" sorte de fourre-tout et de "muselière" y compris pour opposants, dans l'air du temps pour qui veut avoir les grâces d'un Occident traumatisé par les attentats et en quête de nouvelles alliances contre ses guerres asymétriques, plus ou moins justifiées.

Le deuxième Issoufou (interne) a commis des couacs et des ratés inexplicables pour les experts et observateurs du parcours du parti socialiste nigérien, le PNDS TARAYA. Ce parti a connu une longue traversée du désert en tant qu'opposant et a donc eu le temps de confectionner et mûrir son programme de gouvernance basé sur le combat contre la corruption et bâtir des institutions et infrastructures solides pour sortir le Niger de l'ornière et de sa dernière place. Il avait la renommée d'être constitué par une élite socialiste composée des technocrates et des intellectuels de tous bords pouvant changer les choses. Le peuple nigérien leur a à tort ou à raison fait confiance sur un certain nombre de points, notamment développer l'agriculture dans ce pays au 3/4 désertique et assurer l'indépendance au moins énergétique de ce grand pays exportateur de l'Uranium vers la France. Au terme de son bilan économique après son premier mandat, il faudrait retenir d'abord ses ratés politico-économiques dont :

1-Son manque de Leadership lors des négociations avec Areva (la multinationale uranifère de la Françàfric).Les nigériens croyaient à tort que ses SOLIDES liens avec le locataire de l'Élysée allaient joués pour que le Niger profite ENFIN des retombées de l'exploitation de son Uranuim.c'est l'inverse qui s'est passé malheureusement. Areva a non seulement remis aux calendes grecques l'exploitation de la plus grande mine au monde de l'Uranium nouvellement acquise au Niger : Imouraren, mais à licencier des milliers de travailleurs nigériens des autres mines existantes depuis plus de 50 ans au Niger. Les négociations entre le pouvoir nigérien et Areva sont une immense mise en scène qui n'a rien modifié à l'exploitation abusive et incontrôlée en termes de ressources fragiles de l'environnement saharien pollué et devenu dangereux pour les nigériens. Areva continue d'exploiter l'Uranium nigérien avec une contrepartie dérisoire aux gouvernants de Niamey, pire elle sous traite l'exploitation des mines nigériennes à la Chine comme en terrain conquis, des pratiques dignes de l'époque coloniale et cela malgré les multiples renégociations et appels aux respects de la transparence et des lois internationales sur l'extraction des énergies fossiles.

2-L'environnment politique international, sous régionale et les liens Hollande-Issoufou (Luttes anti-terroristes, Libye, Serval-Barkhane, épisode Charlie Hebdo, Boko harem, bases militaires Occidentales. Interventionnisme malien, nigérian.etc.)ont entrainés ce dernier à peine élu, hors de son programme electorale.A son arrivée au perchoir, il voulait mettre en pratique son programme de " 3N(les nigériens nourrissent les nigériens..)"à travers une récupération des terres agricoles et une industrialisation de l’agriculture pour mettre fin aux famines chroniques au Niger. Force est de constater que les nigériens qui y ont crus à un moment ont vite été rattraper par la réalité, celle de plus de 5 millions de leurs compatriotes qui vivent les famines récurrentes et plus de 2 millions d'enfants malnutris en 2015 malgré l'exploitation de l'Or, du pétrole, de l'Uranium et d'une stabilité régionale qu’ on pourrait leurs envier.

3-Crises libyenne et Azawado-malienne : Issoufou sous pression des milices libyennes de Tripoli a remis des opposants y compris le fils de l'ancien dictateur Kadhafi (bailleur de fond de son parti à l'époque, tout comme Sarkozy) en prétextant je cite " que le pays est stable et capable de rendre la justice...SIC». La Libye est plus que Jamais instable avec 3 gouvernements incapables de s'entendre alors même que le péril Dach se propage en Afrique, cernant le Sahel de toutes parts. Dans la crise Azawado-malienne, Issoufou a fait intervenir les militaires nigériens sous couvert de l'ONU(Minusma), alors même que son parti pris dans ce conflit historique aux côté de Bamako contredit de manière flagrante la charte et l'éthique des Nations Unies.

4-L'alliance avec Deby, Paul Biya, BOhari, et certains pays sahéliens pour contrer Boko harem s'avère incapable et inefficace pour mettre un terme aux massacres et attentats perpétrés par le Daech africain dans toute la sous-région.

 5-L'instrumentalisation de la justice a des fins politiques pour neutraliser les opposants avant les élections de 2016 démontre que les socialistes peuvent recourir aux mêmes pratiques délétères et anti démocratiques de l'ère de l'ex régime de Tanja pour écarter des candidats jugés potentiellement aptes à empêcher un deuxième mandat socialiste au Niger. C’est le cas de l'"affaire des bébés trafiqués" collée à Hama Amadou et de la récente "tentative bidon de coup d'état" montée de toutes pièces.

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Les points positifs du candidat Issoufou sont :

1- Il a su Préserver l'unité nationale en formant un gouvernement inclusif qui prend en compte les sensibilités nationales. Il a su intégrer "ses Touaregs", "ses Toubous", "ses arabes" pour former un bloc et pouvoir faire face aux instabilités régionales en comptant sur toutes les régions et toutes les couches sociales du Niger.

2-Issoufou, même si on est "Pour" ou "Contre" ses interventionnismes au Mali, dans l'Azawad, au Nigeria, en Libye a fait du Niger un havre de paix et de stabilité et ceci grâce à des décisions politiques et sécuritaires couteuses et courageuses prises en amont et dès sa prise de fonction. Il a su équiper l'armée et refonder ses services de renseignement à temps. Il a aussi su tirer avantage de ses liens avec la France pour se positionner comme l'unique pays stable et capable d'abriter des bases Occidentales franco-américaines pour anticiper la menace djihadistes et disposer de solides alliés dans cette longue guerre asymétrique et imprévisibles..

3-LE candidat socialiste n'a pas négligé son programme des "3N", ni celui de l'indépendance énergétique nous dit-on dans son entourage, "c'est juste qu'il s'est laissé entrainer par ses amis européens et américains dans leurs guerres...peut être lui renverront ils l'ascenseur à un moment donné pour booster ses promesses électorales et les multiples demandes de sa population. C’est toute l’espérance de son deuxième mandat de 2016.

4-Le socialiste à commencer à bâtir, construire : des routes, des écoles, des échangeurs à Niamey, des usines dans l'intérieur du pays, une ligne ferroviaire entre Benin et Niamey. Il pouvait certes mieux faire si l'environnement sahélien et saharien instables lui laissaient le choix. Mais la realpolitik a aussi ses méandres. Et le pays reste l’un des plus enclavés et desservis en matière de routes et d’infrastructures sociales de base.

5-Issoufou essaie de jongler entre conservateurs et laïques pour mettre un terme à la démographie vertigineuse de son pays afin que se stabilise la population et que les richesses répondent déjà à la demande existante. Il joue l’équilibre entre des laïques et une frange de la population qui se radicalise de plus en plus. Il a créé des milliers d'emplois et essaie de contrer la corruption d'une administration figée et inefficace depuis l'indépendance. Il a aussi contribué à la liberté d'expression même si pour des raisons électorales parfois son gouvernement n'hésite pas à s'en prendre aux journalistes proches de l'opposition. L'un de ses points positifs et qu'il continue de croire à son programme et fédéré toutes les régions, étant originaire lui-même du centre du pays.

L'avenir du Niger

Beaucoup d'observateurs et d'experts savent qu'il n'est pas évident ni facile de sortir le Niger de l'ornière en 5 ans. C’est pourquoi les attentes sont encore immenses pour le deuxième mandat d'Issoufou, qui va à coup sûre passer avec une large majorité. Une autre évidence est aussi l'environnement politique et sécuritaire de la région qui influera l’avenir des nigériens et de leur politique. Si Issoufou démontre le même courage d'anticipation et met à profit la croissance de son pays et ses solides réseaux internationaux, il peut changer la vie de ses compatriotes dans le bon sens, celui d'un pays émergent et capable de vaincre ses démons de la famine, des coups d'état et des coupures intempestives de l'électricité. Le Niger est l'un des pays les plus riches au monde, disposant du pétrole, de l'Or, de l'Uranium, du Phosphate, du Manganèse, de l'élevage, de l'agriculture et du tourisme. Avec 18 millions d'âmes et 800 mille réfugiés nigérians-maliens, il peut se hisser avec une gouvernance visionnaire et éclairée au-devant de la scène internationale. C’est un pays où il y'a d'immenses opportunités à saisir, construire et partager pour les bienêtre de Tous

Ibanakal Tourna
Fopes : Faculté Ouverte des Politiques Economiques et Sociales
Bruxelles.
Chercheur, spécialiste du Sahel.


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