Cheikh Boureima Abdou Daouda, imam de la mosquée de l'université de Niamey et président de la Ligue des oulémas, des prêcheurs et des imams des pays du Sahel est l'Invité Afrique de RFI. Il commente au micro de RFI les événements survenus au Niger après la publication du récent numéro deCharlie Hebdo.
RFI : Comment réagissez aux violentes manifestations de la semaine dernière ?
Cheikh Boureima Abdou Daouda, imam de la mosquée de l'université de Niamey.boureima.net
Cheikh Boureima Abdou Daouda : Je renouvelle, de prime abord, ma condamnation des nouvelles caricatures profanatrices de la sainte personne de notre prophète bien aimé Mohammed Salla Allah Salam. Des caricatures que je qualifie de provocation déraisonnable (et)qui prouvent l’indifférence de (leurs) auteurs vis-à-vis des conséquences directes et indirectes de ces publications à travers le monde. Je saisis l’occasion pour déplorer et condamner les manifestations violentes qui ont eu lieu au Niger suite aux dernières caricatures du prophète Salla Allah Salam, les manifestations qui ont entraîné la mort de plusieurs personnes, l’incendie des églises et les dommages publics et privés. Je présente mes condoléances aux familles des victimes. Ces manifestations violentes, c’est quelque chose que nous condamnons parce que c’est une transgression vis-à-vis de l’Islam par rapport à des personnes innocentes.
Est-ce que vous comprenez la colère des manifestants contre le journal Charlie Hebdo ?
Je comprends la colère car ce journal s’attaque à ce que les musulmans ont de plus cher au monde à savoir le prophète Mohammed Salla Allah Salam. Mais je ne comprends pas et ne cautionne pas la réaction qu’ils ont eu car dans l’Islam, en cas de problème, on se réfère à l’autorité religieuse qui oriente les musulmans vers les meilleures attitudes à adopter. Et le prophète, lui-même, Salla Allah Salam a dit quiconque parmi vous voit un mal, qu’il le change par sa main, s’il ne peut pas, qu’il le change par sa langue, s’il ne peut pas, qu’il le condamne avec son cœur et c’est le dernier degré de la foi.
Est-ce que ces attaques ont été orchestrées, est-ce qu’il y a eu un mot d’ordre dans certaines mosquées ?
Je n’ai pas de réponse, je n’ai pas manifesté, je n’ai pas attaqué les églises. Je pense que vous feriez mieux de poser cette question aux manifestants.
Est-ce qu’il y a déjà eu dans le passé de tels incidents à Zinder et à Niamey ?
Peut-être à Zinder, mais je n’en ai pas de souvenir précis, mais à Niamey non.
Est-ce qu’il y a des infiltrations de Boko Haram ?
Et comment voulez-vous que je le sache ?
Je vous pose la question parce que le ministre de l’Intérieur, Hassoumi Massaoudou, a dénoncé la présence d’étendards de Boko Haram dans les manifestations à Zinder.
Lui peut-être peut-il vous le confirmer ou l’infirmer mais moi je ne peux pas. Comment voulez-vous qu’on sache ce qui se passe à 1 000 km de Niamey. On m’a dit que vous alliez m’interroger sur l’Islam, sur ses valeurs de tolérances, de bon voisinage, de bonne cohabitation.
Alors justement vous parlez des valeurs de tolérances dans l’Islam : est-ce qu’il y a une radicalisation de l’Islam au Niger ou pas ?
Vous savez une question est déjà la moitié de la réponse. Qu’est-ce que vous appelez radicalisation de l’Islam ?
Une tendance à de moins en moins de tolérance.
Dans ce sens, oui. A partir du moment où des musulmans s’en prennent à des églises ou à des personnes innocentes par rapport à un sujet bien donné, dans ce sens oui. Mais la radicalisation, c’est autre chose.
Est-ce que vous sentez chez un certain nombre de musulmans, une intolérance qui monte à l’égard des autres confessions religieuses, et notamment à l’égard des chrétiens ?
Personnellement c’est la première fois que je vois ça. Sinon la cohabitation entre musulmans et chrétiens au Niger a été une cohabitation pacifique. Les chrétiens ont l’habitude de m’inviter en personne pour animer des conférences, pour former même leurs prédicateurs. C’est la première fois que je vois ça.
Et vous êtes attristé ?
Bien sûr. Dans la mesure où on dit que c’est l’Islam alors que ce n’est pas.
Plusieurs centaines de chrétiens ont dû se réfugier dans des camps militaires notamment à Zinder, qu’est-ce que vous dites aujourd’hui aux chrétiens du Niger ?
De la patience… Je pense qu’avec la cohabitation, les explications, les retours à la référence aux Oulémas, ces genres de choses ne se répéteront pas.
Il faut maintenant écouter les Oulémas ?
Absolument, avant, après.
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