samedi 20 décembre 2014

Hama Ag Sid Ahmed: «Il faut sortir des vieilles recettes des années 1990»

Elwatan.com/-Hama Ag Sid Ahmed,conseiller spécial chargé des affaires politiques auprès du secrétaire général du MNLA
Les négociations intermaliennes vont reprendre en janvier prochain à Alger. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dont le pays est militairement fortement engagé au Mali, a émis le souhait, la semaine dernière, que ce round de discussions se conclue par un accord définitif. Ce vœu est exprimé aussi par bon nombreux d’acteurs impliqués dans la crise du septentrion malien. Seulement certains groupes, comme le MNLA-CTEA, estiment que les discussions ne vont pas encore suffisamment au fond des choses. Hama Ag Sid Ahmed, conseiller spécial chargé des affaires politiques auprès du secrétaire général du MNLA, explique pourquoi il n’est pas évident que tout soit bouclé en janvier 2015.
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- Que pensez-vous des récentes déclarations du ministre français de la Défense dans lesquelles il dit attendre un accord pour janvier 2015 ?
Je pense que la France devrait s’associer à la médiation officielle pour identifier les blocages, les parties qui en sont les causes et soumettre des propositions ou des contre-propositions pour débloquer la situation. Pour que ses déclarations aient un écho sur le terrain, la France doit aussi pousser le pouvoir malien à ne plus mentir et à aller vers de vraies négociations de paix. Il est primordial également que la France oblige le pouvoir malien à dissoudre les miliciens et les autres groupes armés pilotés par Bamako qui empêchent les négociations d’aboutir.
- Pourquoi, que se passe-t-il sur le terrain ?
Nous nourrissons de grandes inquiétudes quant à l’avenir de la région. Nous savons que les miliciens dont je viens de parler et les barons de la drogue (d’anciens membres du Mujao, ndlr) ont passé un deal avec Bamako lors d’une rencontre dans la capitale malienne au mois de septembre dernier. Ils prévoient de récupérer le territoire abandonné par l’armée malienne par la force au nom de l’Etat malien sans une implication trop visible des militaires maliens.
Le financement de ces miliciens sera assuré par certains barons de la drogue bien connus qui sont restés toujours fidèles au pouvoir en place. Pour accomplir ce sinistre travail, ces miliciens et ces barons ont posé des conditions que le pouvoir malien a visiblement acceptées. Quant aux discussions, il revient à la médiation de faire des propositions intéressantes et de ne pas se focaliser sur les vieilles recettes des années 1990.
Ce qui est curieux de la part de la médiation internationale, c’est qu’elle associe ces mêmes miliciens aux négociations d’Alger. Il y a une embrouille. Il y a un jeu dangereux pour l’avenir de la paix. Si la communauté internationale impliquée dans ce processus ne fait pas la part des choses, ne tient pas compte des vrais acteurs qui sont à l’origine de l’insurrection, les seuls en mesure de faire la paix ou de faire la guerre, il y a un risque manifeste d’aboutir à un échec.
- Qu’attendez-vous concrètement de la médiation ?
Nous demandons à la médiation comme à la France de s’interroger sur le jeu trouble de Bamako. Pour sortir de l’impasse actuelle, il n’est pas productif de revenir à la décentralisation issue du pacte national signé en avril 1992, comme c’est le cas en ce moment. Il faut passer à autre chose. La médiation comme la France devraient faire des propositions nouvelles qui se démarquent de celles qui existent déjà. Lors de la dernière rencontre d’Alger, c’était comme si les parties se rencontraient pour la première fois.
Il faut que la médiation soit patiente. On sait, par ailleurs, que le pouvoir malien préfère que le Nord soit plutôt géré par les terroristes que par les Touareg. C’est là qu’on voit que les divergences sont trop grandes. Nous osons espérer que lors du prochain round de discussions, le président malien donnera un mandat plus sérieux à ses délégués.
En tout cas, d’ici la prochaine rencontre prévue en janvier, nous espérons que la médiation et la France prendront le temps nécessaire pour faire un vrai diagnostic de la situation sur le terrain et tiendront en compte les erreurs faites par le passé. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons aboutir à une paix durable qui profitera aux populations.
- Quelle serait, selon vous, la solution idéale ?
Il faut doter cette région d’une large autonomie politique… avec de larges compétences. Des compétences qui vont au-delà des pouvoirs qu’octroit la décentralisation actuelle au Mali. Je fais ici référence au projet remis aux parties lors de la dernière rencontre en novembre à Alger. Ce document n’est qu’un vieux projet de décentration qui était dans les cartons depuis plusieurs années. Un projet que les autorités maliennes n’ont pas encore achevé d’écrire et qu’elles ont peur de finaliser pour des raisons financières.
Avec la situation qui prévaut dans la partie nord du Mali, Bamako s’est dit qu’il y avait là une opportunité pour le mettre au goût du jour. Comme disaient certains il s’agit d’une «démocratie participative locale très mince». Nous devons sortir complètement de cette recette, c’est-à-dire de cette mince démocratie participative locale.
Il faut oser aller plus loin et cela dans l’intérêt de la stabilité de la sous-région et du Mali en particulier. En d’autres termes, il faut que les représentants de la région de l’Azawad soient en mesure de prendre des décisions politiques, sécuritaires et socio-économiques d’importance.
Il faut qu’ils soient en mesure de prendre ou d’annuler des lois ou des textes qui sont en contradiction avec les spécificités locales. Il est important également que ses représentants aient de vraies compétences. La liste est encore longue. De telles expériences ont déjà donné des résultats très positifs dans certains pays.
Pourquoi pas chez nous ? Alors, au lieu de continuer à nous taper dessus pourquoi ne pas faire simple. Chaque partie y trouverait son compte. En tout cas, il y a une opportunité pour les parties en conflit ainsi que pour la communauté internationale impliquée dans ce dossier de corriger les erreurs passées et de trouver un juste milieu.
Zine Cherfaoui,http://www.elwatan.com/international/il-faut-sortir-des-vieilles-recettes-des-annees-1990-20-12-2014-282205_112.php

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