dimanche 7 décembre 2014

Ghardaïa : Des Touareg ghettoisés

El Watan.com
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 Fuyant les conditions de vie insoutenables, des Touareg algériens se retrouvent... étrangers chez eux<br /><br />
L’homme primitif existe-t-il encore chez nous ? C’est la question qui nous interpelle à chaque passage devant le ghetto de taudis habités, non par des ressortissants africains, mais par ceux qui partagent notre algérianité, en l’occurrence des Touareg venus de l’extrême-sud du pays.
Ils sont venus de la capitale de Tin Hinane, Tamanrasset, et d’Illizi, une wilaya limitrophe de la Libye, où le conflit fratricide qui ronge ce pays depuis deux ans ne cesse de jeter ses turbulences sur ces contrées en proie à des privations de toutes sortes. Les conditions de vie insoutenables dans ces régions du Sud sont derrière cet exil forcé imposé aux habitants qui se lancent dans une quête perpétuelle des cieux plus cléments où les chances de mener une vie meilleure sont possibles.
C’est dans l’espoir d’améliorer, un tant soit peu leur vécu, que ces candidats de misère ont pris leurs bagages pour atterrir enfin dans la capitale du M’zab afin de se retrousser les manches dans les chantiers de construction existant dans la wilaya, histoire de gagner dignement leur vie, mieux que, avouent-ils, de «se souiller» avec des supplications à l’aumône, car cela n’est pas de leurs coutumes.
L’enclos de misère, vu l’état des lieux où évoluent ses occupants, montre une image lointaine de l’imaginaire collectif des Algériens, car elle relate une situation choquante où le moindre ingrédient d’une vie décente est absent. Ils vivent dans la nudité totale. Sous des taudis fabriqués à la va-vite avec du zinc, du carton, des branchages et des lambeaux de tissus utilisés comme moyens à boucher les trous qui laissent traverser le vent glacial, alors que la saison hivernale ne fait que commencer.
A même le sol poussiéreux et crasseux, ils posent des cartons et matelas souvent noircis par la saleté, alors que certains d’entre eux ne trouvent pas mieux que de plier leurs propres vêtements pour les utiliser comme oreillers. Pire, d’autres, faute d’oreillers propres, les confectionnent à leur façon en enveloppant des pierres par des tissus et du carton.
De l’intérieur de ces baraques, des odeurs insupportables se dégagent. Pour les aborder, Bouhadine Ahmed, un des occupants de cet enclos de misère, le seul arabophone parmi le groupe rencontré. Il a pris en charge la traduction du targui de ses amis majoritairement originaires d’Illizi.
Les damnés du M’Zab
Notre interlocuteur est le propriétaire d’une baraque aménagée en local pour l’alimentation générale à l’intérieur du même enclos où des fardeaux de limonade, des boîtes de gâteaux et des pâtes de toutes sortes emplissent la baraque mise sur pied à l’aide de barres métalliques ramassées de toutes parts.
Par ailleurs, on apprend d’Ahmed, que le terrain sur lequel a pris forme cette agglomération de ghettos, qui se situe dans le quartier de Hadj Messaoud, plus précisément entre le commissariat central et la station-service, a été donné par les autorités publiques pour se débarrasser de ces gens qui viennent de l’extrême Sud. Ainsi donc s’est entassé ce beau monde sur un espace qui est devenu maintenant une escale obligée pour chaque nouveau débarqué du Sud. Mais, point de place pour les étrangers, autrement dit, les Africains qui affluent en nombre impressionnant dans la capitale du M’zab.
«Ils n’ont droit qu’à une nuit parmi nous, c’est une faveur de notre part», lâche Ahmed avec un sourire propre à l’homme bleu. Abdellah, âgé de 40 ans, est un autre membre de ce monde de déshérités qui ont occupé ce lieu, il y a presque une vingtaine d’années. Il est venu de l’Ahaggar, wilaya de Tamanrasset, se nourrissant d’un rêve de trouver un travail qui lui assurerait une vie digne.
Ce dernier a enduré toutes les peines du monde, en passant par des épreuves pénibles dans différents chantiers de construction dans la wilaya. Mais le destin a voulu qu’après tant de souffrances, un job au sein de la commune de Ghardaïa comme éboueur le sauve, il y a cinq mois.
Un autre candidat de misère nous sourit, il s’agit de Mohamed Ali âgé de 16 ans. Après avoir passé toute son enfance comme berger à Hamcine, un petit village distant de 50 km de Bordj Badji Mokhtar à Illizi à garder les chèvres de son père, il s’est aventuré à croire en sa bonne étoile en venant ramasser de l’argent et fonder un foyer. Ainsi, son périple s’est achevé dans un petit coin parmi «ces damnés du M’zab», dont le seul tort est d’être venu chercher un travail qui lui ouvrira les portes de l’avenir pour mener une vie meilleure.
Hélas, toutes ces espérances se sont révélées difficiles à concrétiser, dans un pays qui recèle toutes les ressources naturelles et humaines permettant d’assurer des lendemains prospères pour ces citoyens, notamment pour ces gens de l’extrême sud du pays, qui ne cessent de se plaindre d’une marginalisation aveugle au point que certains de nos interlocuteurs s’interrogent s’ils sont réellement Algériens.
Un appel a été lancé via nos colonnes aux autorités publiques et aux hommes de bonne volonté et surtout aux bienfaiteurs de la wilaya afin d’aider ces gens privés de tout, notamment en ce début d’hiver, car ils mènent une vie digne de l’homme primitif.
Farid Azzoug,http://www.elwatan.com/regions/ouest/actu-sud/ghardaia-des-touareg-ghettoises-04-12-2014-280143_257.php

  • Ahar
    « un petit village distant de 50 km de Bordj Badji Mokhtar à Illizi »
    Bordj Badji Mokhtar relève de la Wilaya d’Adrar et non d’Illizi, lapsus qui rappelle fort ceux commis par les Maliens du sud par rapport à leur nord.
    Le Sahara n’est-il pas lui même une sorte de lapsus pour les Etats qui le partage?

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