lundi 10 novembre 2014

L’Afrique en manque d’infrastructures

http://blog.mondediplo.net/2011-02-11-L-Afrique-en-manque-d-infrastructures
vendredi 11 février 2011, par Philippe Rekacewicz
Le numéro de février 2011 du Monde diplomatique propose un reportage de Tristan Coloma sur les grands projets hydroélectriques en République démocratique du Congo (RDC) avec le développement du barrage Grand Ingadont le gigantesque potentiel de production pourrait, à terme, servir une grande partie des besoins d’Afrique subsaharienne. Ce complément cartographique donnera aux lecteurs une idée de la situation socio-économique de la RDC, et plus généralement de l’Afrique subsaharienne.
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Etat sanitaire et social du pays où 24 000 milliards de dollars dorment dans les couches géologiques
Sources : PNUD ; Banque mondiale ; Transparency International.
« Le bilan congolais est pour le moins paradoxal. La RDC fait partie des Pays pauvres très endettés (PPTE), écrit Tristan Coloma, alors même qu’elle regorge de matières premières, au point de se voir qualifier de scandale géologique. Selon l’analyste des affaires Stuart Notholt, cité par le magazine African Business en février 2009, les potentialités minières de la RDC sont évaluées à 24 000 milliards de dollars – équivalent au PIB cumulé de l’Europe et des Etats-Unis. » Si scandale il y a, c’est qu’avec un tel potentiel, la RDC affiche d’aussi tragiques résultats pour le développement humain.

TransportsRetour à la table des matières

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Un réseau de transport fragmenté
Sources : Banque mondiale ; Vivien Foster et Cecilia Briceño-Garmendia, « Africa’s Infrastructure A Time for Transformation », Agence française de développement et Banque mondiale, 2010.
Très fragmenté, le réseau ferroviaire et routier manque cruellement de connexions reliant les régions entre elles. En dehors de l’Afrique du Sud, la vétusté des routes et des voies ferrées entraîne de nombreuses interruptions dans le service. Certaines lignes restent fermées dans les zones de guerre ou de forte insécurité, alors qu’elles seraient vitales pour le développement de ces régions. Sans moyens de se déplacer, il est difficile d’installer et de gérer des infrastructures de santé et d’éducation : « Ttant que l’Afrique subsaharienne ne disposera pas d’un réseau de transport digne de ce nom, rappelle Benjamin Steck, directeur du Centre interdisciplinaire de recherche sur les mobilités (CIRTAI) au Havre, il est presque inutile de parler de développement. »

Ruralité et urbanisationRetour à la table des matières

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Un continent sans réseau urbain
Source : Nations unies, division de la population, base de données en ligne, 2008, 2009 et 2010. Carte extraite de l’Atlas du Monde diplomatique « Un monde à l’envers », 2009.
L’Afrique reste le continent le plus rural de la planète avec 600 millions de ruraux sur une population total d’un peu plus de un millard de personnes en 2010. Mais depuis une dizaine d’années, l’exode des campagnes vers les villes est spectaculaire par son intensité. A l’exception du Maghreb et de l’Afrique du Sud, il n’y a pas de « réseau urbain » bien hiérarchisé comme en Europe ou en Chine (avec un canevas de villes intermédiaires qui offrent des services spécifiques). Le modèle est plutôt monocéphale (ou unipolaire), avec en général une grande ville ou une mégalopole, éventuellement (mais pas nécessairement) une ou deux villes moyennes, puis directement les villages. Plusieurs immenses conurbations sont en train de se former : en Egypte, sur la côte du Golfe de Guinée et à la frontière des deux Congos avec Kinshasa et Brazzaville. Dans les pays les plus pauvres, l’essentiel de la population (jusqu’à 80 % ...) vit dans des taudis (lire « L’Urbanisation du monde », Manière de voir n° 114, décembre 2010 – janvier 2011).

ÉnergieRetour à la table des matières

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Potentiellement richissime
Source : Banque africaine de développement ; African Energy Atlas 2011.
L’Afrique peut compter sur un immense potentiel de production d’énergie renouvelable. Deux méga-projets son actuellement en cours d’étude. Le premier, soutenu par la fondation Desertec, est un projet intercontinental regroupant les pays du Golfe, le Proche-Orient, l’Afrique du Nord et l’Europe au sein d’un immense réseau de production, spécialisée selon les milieux géographiques : panneaux solaires dans le désert, éoliennes sur les côtes, barrages dans les montagnes... L’ensemble étant relié par un écheveau de lignes électriques de grande capacité. Le second, c’est la construction du Barrage du Grand Inga qui, avec ses 44 GW pourrait à terme « illuminer » une grande partie de l’Afrique subsaharienne. La RDC pourrait même exporter de l’electricité vers l’Europe et le Proche-Orient. Ces rêves énergétiques ne doivent pas nous faire oublier que le continent reste encore très riche en ressources fossiles, qui continueront d’être exploitées quelques décennies. L’Afrique du Sud est à l’heure actuelle le seul pays produisant de l’électricité nucléaire, mais les cinq pays d’Afrique du Nord ont signé des accords avec la France pour développer des projets de centrales nucléaires, à l’horizon 2020-2025.

Accès aux services de baseRetour à la table des matières

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Consommation d’électricité
Source : United Nations Statistics Division, Energy Statistics Database.

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En Afrique subsaharienne, les pauvres sans eau ni électricité
Vivien Foster et Cecilia Briceño-Garmendia, « Africa’s Infrastructure A Time for Transformation », Agence française de développement et Banque mondiale, 2010.

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Accès aux services de base en Afrique subsaharienne : en quinze ans, très peu de progrès
Vivien Foster et Cecilia Briceño-Garmendia, « Africa’s Infrastructure A Time for Transformation », Agence française de développement et Banque mondiale, 2010.

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Le téléphone portable règne en maître
Source : Telecommunications, International Telecommunications Union - online database.
Les deux gros consommateurs d’électricité restent deux pays fortement urbanisés, l’Egypte et l’Afrique du Sud. En quinze ans, la population ayant accès à l’electricité est passé de 20 % à 30 %, soit une augmentation de 10 % seulement, alors que l’accès à d’autres services de base (eau, toilettes et téléphone) n’a pratiquement pas évolué. L’accès à Internet reste très marginal dans les pays les plus pauvres (moins de 2 % de la population). Enfin, seule une toute petite fraction de la population la plus démunie du continent (moins de 4 %) à accès à l’eau potable et/ou l’électricité. Il n’est pas rare que les ménages soient équipés d’un téléphone portable avant même de disposer de l’eau courante ou de suffisamment d’argent pour nourrir correctement toute la famille.

SantéRetour à la table des matières

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Mortalité des enfants de moins de cinq ans
Source : Africa development indicators, Banque mondiale, 2007. Carte extraite de l’Atlas du Monde diplomatique « Un monde à l’envers », 2009.

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Espérance de vie
Source : Africa development indicators, Banque mondiale, 2007.

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Fuite des blouses blanches
Sources : Michael Clemens et Gunilla Pettersson, « Medical leave : A new database of health professional emigration from Africa », CGD Center for Global Development ; Organisation mondiale de la santé. Carte extraite de l’Atlas duMonde diplomatique « Un monde à l’envers », 2009.

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L’Afrique, grande perdante du développement
Source : Banque mondiale ; PNUD.
Pourtant estimées à des milliers de millards de dollars, l’exploitation des richesses minières et énergétiques n’ont pas accompagné — loin de là — le développement socioéconomique des populations. Pour l’essentiel des pays, les indicateurs d’éducation et de santé restent catastrophiques : en RDC, un enfant sur cinq meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans. L’Afrique est le seul continent sur lequel le développement humain stagne depuis ces dix dernières années. Mais que faire lorsqu’un seul médecin n’est disponible pour servir plusieurs dizaine de milliers de personnes ? Un Africain, en moyenne, vit trente à quarante ans de moins qu’un Européen.

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« Briser le cloisonnement des domaines de compétence, solliciter en même temps l’économiste et le poète, le sociologue et l’artiste ; chacun enrichit la compréhension des autres et ferme la porte à ce poison de la culture contemporaine : l’information-spectacle »Claude Julien, ancien directeur du « Diplo »Faire un don

10 commentaires sur « L’Afrique en manque d’infrastructures »

  • permalien AdrTim :
    12 février 2011 @04h11   »
    Des états faibles, des politiciens corrompus et des ressources exploitées par les étrangers... Le cauchemar de Darwin semble s’être généralisé...
    Mais ou est passée l’époque de Senghor et des autres héros/héraults africains ?
  • permalien Charles :
    12 février 2011 @07h55   « »
    Il semble qu’il y ait une inversion dans la légende du graphique "Taux de scolarisation" entre les plus riches et les plus pauvres sur l’image "L’Afrique, grande perdante du développement".
  • permalien Yann Kindo :
    12 février 2011 @09h20   « »
    Merci pour tous ces documents.
    J’ai transmis aux collègues d’histoire-géo, cela devrait nourrir pas mal de cours....
  • permalien lotfibettaieb :
    13 février 2011 @16h43   « »
    merci,c’est très interessant
    ,je vais le transmettre à mes collègues d’hist-geo.
  • permalien Philippe Rekacewicz :
    13 février 2011 @17h42   « »
    @ Charles
    Merci beaucoup d’avoir signalé cette inversion (à force de cartographier avec des moufles, ça arrive).
    c’est réparé !
  • permalien Z.Fares :
    13 février 2011 @17h54   « »
    une doc passionnante et riche. 24.000 milliards de dollars une fortune qu’on empêche d’exploiter, Il faudra bien un jour que ce scandale éclate
    zahir Farès auteur "Afrique et démocratie" l’harmattan
  • permalien patf :
    14 février 2011 @07h38   « »
    En Ethiopie, il y a des ressources en eaux qui pourraient être développés au profit des habitants de ce pays mais aussi des pays riverains (Somalie, Erythrée, Djibouti). Ce pays engage également un programme de production d’électricité basée sur ses ressources hydrographiques, avec semble-t-il, de fortes réticences de la part d’investisseurs publics européens.
    Pendant ce temps, l’ONU poursuit des programmes d’envoi de nourriture depuis des années, restant dans l’urgence alors que le développement est oublié.
    Il est clair que dans cette région du monde on a oublié l’essentiel : le développement ne se fera qu’en investissant dans des infrastructures et non pas en demandant à un organisme international de faire la quête indéfiniment pour des populations qui n’en peuvent plus.
    On marche vraiment sur la tête.
  • permalien Kof Don :
    6 mars 2011 @13h06   « »
    Merci pour tout ceux qui veulent croire en un lendemain meilleure pour notre continent l’Afrique. Si volonté et unité y aient nous le pouvons. J’y crois fervemment mais, mais l’os à mon niveau c’est que la situation que l’Afrique traverse aujourd’hui aussi paradoxale que cela puisse paraître ce sont nous mêmes les africains qui l’ont crées. C’est pour cela je dis que si volonté et unité y aient nous le pouvons. Voir la concrétisation du projet INGA est l’un de mes voeux les plus chers. Nous ne pourrions pas entamer notre industrialisation sans énergie. Mais pour cela il faut nous ayions au moins conscience de ce fait.
    Vive l’Afrique !
  • permalien JL FULLSACK :
    28 avril 2011 @23h28   « »
    Cet article est d’un grand intérêt et il faut féliciter son auteur et la très bonne réalisation cartographique.
    Ce qui me gêne un peu c’est son titre : Il appelle à l’évidence à réaliser "Super Inga" et en fait le coeur de la solution énergétique pour l’Afrique. Ce qui suppose une énorme toile en infrastructures de transport d’électricité à très haute tension, qui nécessite non seulement des investissements pharaoniques ...mais dissipe aussi un quart de l’énergie en cours de route !
    Il faudrait d’abord s’interroger sur le type de production et son adéquation aux besoins -si variés- des populations africaines.
    En d’autres termes il faudra trouver une solution alliant les productions centralisées (type Inga, mais il y a au moins trois autres sites intéressants sur le continent) ou décentralisées (typiquement les miniréseaux et les systèmes individuels photo-voltaïques). Entre ce deux types de production on a des productions "intermédiaires" aux niveaux sub-régionaux et sub-nationaux (hydro, grandes centrales solaires, géothermie, éolien, biomasse, ...).
    Le débat doit donc être ouvert sur ces choix fondamentaux et non se concentrer sur les seuls grands barrages, dont on sait par ailleurs qu’ils sont très discutables ....
    Deuxième remarque : la cartographie montre le "réseau Desertec", certes sur une carte représentant "le continent utopique" mais à mes yeux Desertec est particulièrement discutable sinon choquant. J’en avais longuement argumenté ma critique dans un courrier à "mon mensuel préféré" après qu’il eût fait un long article sur ce projet. Je n’ai jamais eu de réponse, ni vu ne serait-ce qu’un extrait- de ma longue lettre.
    Néanmoins, je serais reconnaissant au Diplo s’il approfondissait ce débat et qu’il nous éclairait aussi sur les autres grandes infrastructures dont l’Afrique a tant besoin : transports, eau, télécoms et TIC, en veillant bien de ne pas ramener ces dernières à la seule communication mobile !
    Jean-Louis Fullsack
  • permalien hermaco :
    23 février 2013 @18h34   «
    Merci ... de quoi préparer un cours de géo pour mes terminales ...

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