mercredi 19 novembre 2014

En crise, Areva décrète l’état d’urgence

Le réacteur EPR d'Olkiluoto, en Finlande. Son coût a doublé par rapport au devis initial et aucune date de mise en service n'est plus communiquée.
Le groupe nucléaire lance une opération vérité sur ses comptes et sa stratégie.
La crise semble sans fin pour Areva. Le groupe nucléaire a engagé une nouvelle opération vérité, à la fois sur ses comptes, ses perspectives stratégiques et son plan de financement. Conséquence: il a annoncé mardi la «suspension de ses perspectives financières pour 2015 et 2016», le temps que ces travaux soient menés à leur terme. Et c’est une nouvelle direction qui y planchera. Philippe Varin, l’ex-patron de PSA, vient d’être désigné par l’État pour prendre la présidence du groupe nucléaire dès la prochaine assemblée générale, au plus tard début janvier. Il devrait faire équipe avecPhilippe Knoche, patron par intérim du groupe depuis le retrait, pour raisons de santé, du président du directoire, Luc Oursel.
Il faut dire que les temps sont durs pour Areva. Au premier semestre, déjà, le groupe avait annoncé une très lourde perte de 694 millions d’euros. Début octobre, il avait alourdi son plan d’économies, taillé un peu plus dans ses investissements, et programmé de nouvelles cessions d’actifs. Il semble aujourd’hui que ces efforts, qui venaient amplifier les actions mises en œuvre depuis 2011, soient encore insuffisants.
Le leader mondial affronte une situation triplement délicate. Il supporte tout d’abord le poids de ses erreurs passées. Le contrat de construction du réacteur de nouvelle génération EPR en Finlande se révèle toujours plus cauchemardesque. Déjà 3,9 milliards de provisions accumulées au fil des huit dernières années, et un client, TVO, qui réclame encore une indemnisation de 2,3 milliards d’euros. Le coût de cet EPR a doublé par rapport au devis initial et aucune date de mise en service n’est plus communiquée. Areva est aussi plombé par certaines de ses mines d’uranium, surpayées du temps d’Anne Lauvergeon, l’ancienne présidente. Il doit aussi compter avec des activités dans les énergies renouvelables, très insuffisamment rentables.
Deuxième volet de problèmes: une activité au point mort. Le nucléaire n’a pas redémarré aux États-Unis, face à l’imbattable concurrence des gaz et pétroles de schiste. Il ne repart que très lentement au Japon, trois ans et demi après Fukushima. Les nouveaux marchés internationaux tardent à se concrétiser. Malgré les contacts établis avec l’Inde et l’Afrique du Sud notamment, Areva n’a fourni aucun nouveau réacteur depuis 2007. En France même, le chantier de «grand carénage» du parc de réacteurs d’EDF ne démarre que très doucement. Et chaque contrat conclu avec l’électricien fait l’objet de négociations extrêmement serrées, de sorte qu’Areva doit réduire ses prix au maximum.

Fragilité financière

Troisième sujet: la fragilité financière. Areva était parvenu à convaincre début octobre l’agence S & P de ne pas dégrader ses notes en catégorie spéculative. Un mois après, le groupe est contraint de signifier que certains retards d’encaissements pourraient avoir «un impact sur le niveau du cash-flow opérationnel libre» qu’il avait jusqu’ici réussi à maintenir équilibré. Cette fois, le passage dans le rouge semble acquis. Quant à la levée de fonds programmée le mois dernier, sous la forme d’une émission d’obligations hybrides, elle n’a pas pu intervenir, dans un contexte de marchés financiers chahutés.
Autant dire qu’il va falloir trouver rapidement des réponses. Areva en promet d’ici à la publication de ses comptes 2014, fin février ou début mars, donc. Sa nouvelle équipe dirigeante dispose donc de peu de temps pour élaborer un nouveau plan stratégique, en lien, évidemment avec l’État actionnaire. Selon Challenges, la création d’une structure de cantonnement des actifs compromis d’Areva est envisagée, afin de libérer l’entreprise et son bilan du poids du passé.
Autre piste crédible: augmenter le capital. Reste à savoir si l’État remettra au pot en direct ou s’il met à contribution… EDF. Une possibilité régulièrement évoquée, et qui semble accréditée par la double nomination de Philippe Varin comme président d’Areva et administrateur d’EDF. Reste qu’unir par le capital deux entreprises aussi liées – Areva est à la fois le premier fournisseur et le premier client d’EDF – peut s’avérer complexe en pratique.
Le besoin de recapitaliser l’entreprise était un sujet de friction entre l’ancien président du conseil Pierre Blayau, que l’État vient de débarquer, et Luc Oursel, qui espérait pouvoir l’éviter. Dans les rangs de l’exécutif, on assurait ces derniers jours qu’il n’y avait pas «d’urgence financière» chez Areva. Philippe Varin et Philippe Knoche ont cependant clairement pour mission d’enrayer – enfin – la dérive continue de la situation économique et financière du groupe. Sans tarder.
http://www.lefigaro.fr/societes/2014/11/18/20005-20141118ARTFIG00397-en-crise-areva-decrete-l-etat-d-urgence.php

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