RENÉ NABA, « L’ALGÉRIE S’EST SUBSTITUÉE À LA FRANCE DANS LA ZONE SAHÉLO SAHARIENNE…»
Grand spécialiste du monde arabo-musulman, René Naba est un fin observateur des ficelles diplomatiques sur le Continent africain. Dans un entretien qu’il a accordé au journal malien « Le relais de Bougouni », il décrypte les enjeux des négociations entre le gouvernement de Bamako et le MNLA à Alger.
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René Naba : Le gouvernement malien dispose de peu d’atouts en ce qu’il est discrédité par une série de scandales, de la ténébreuse relation entre IBK et le casinotier corse Michel Toumi, au Boeing Présidentiel, enfin au scandale de la vente des sujets d’examen. Il traîne une réputation de vénalité et cela est bien dommage. IBK ne sera pas l’homme de l’avenir du Mali, mais l’homme de la perpétuation de ses pratiques passéistes si corrosives.
Le Relais de Bougouni. Quels sont les atouts du Gouvernement malien dans cette négociation ?
R.N. Le gouvernement malien dispose d’un atout en négatif. Avec le développement de Da’ech au Moyen orient et la création d’un Émirat islamique sous la houlette de Boko Haram dans le centre de l’Afrique, les grandes puissances ont le souci de stabiliser la zone sahélo saharienne. Le gouvernement du Mali a le mérite d’exister quoique fortement appuyé sur les béquilles militaires françaises. Il dispose de la signature qui engage l’état. A Alger, il fera office de mandataire de ses parrains occidentaux, particulièrement français. Il faut bien qu’IBK serve à quelque chose, s’il veut bien continuer à exploiter le Mali à son profit et au profit de sa famille.
Le Relais de Bougouni. Quelles sont les erreurs dont le gouvernement doit éviter à tout prix ?
R.N. Le gouvernement malien aurait du commencer par éviter toutes les erreurs qui l’ont conduites cette situation de dépendance. À ce stade, il doit envisager douloureusement de concéder une large autonomie au septentrion malien avec de fortes garanties algériennes, afin d’éviter que l’autonomie, sur le modèle kurde, n’aboutisse par grignotage successif, à la sécession de facto.
Qu’il soit clair, je ne suis pas contre la liberté et l’indépendance des peuples, mais dans un monde en phase de mondialisation, il importe que les groupes d’états se constituent en Fédération afin d’atteindre un seuil critique pour pouvoir disposer d’une force de négociation. L’Europe se dote de l’Union Européenne (vaste conglomérat de 27 pays, une monnaie unique, un marché de cinq cents millions de consommateurs) et s’emploie à maintenir la balkanisation dans son hinterland stratégique (sécession du sud soudan sous l’effet du tandem Bernard Kouchner BHL, interventionnisme fébrile en Afrique au prétexte d’ingérence humanitaire). Les dirigeants africains doivent se cesser de se comporter comme des idiots utiles des stratégies occidentales.
Le Relais de Bougouni. Le régime IBK donne t-il une bonne image du peuple malien à l’extérieur ?
R.N. Non absolument pas. Ni lui, ni son parrain François Hollande, son compère de l’Internationale Socialiste le plus impopulaire des présidents de la Vème République française. Un exploit lorsque l’on songe qui l’a succédé à Nicolas Sarkozy qui avait fait l’objet d’un formidable rejet populaire.
Prenez exemple sur l’Algérie, votre voisin. La grande presse française s’est beaucoup moquée de l’infirmité de son président. Près de 18 mois après Serval, l’Algérie s’est substituée à la France dans la zone sahélo-saharienne en tant que médiateur des conflits trans-régionaux. L’Algérie, dirigée par un président handicapé, se pose désormais en médiateur de tous les conflits de la zone…. de la Libye djihadiste à la Tunisie au Mali.
IBK et François Hollande sont, eux, en bonne santé. Qu’ils fassent donc le quart des réalisations qu’Abdel Aziz Bouteflika a faites pour la stabilité du continent africain, l’histoire leur en sera reconnaissante.
Notons au passage que Bouteflika est une personne à mobilité réduite. Mais quand il est à la manœuvre, il est hautement lucide. Le contraste est affligeant avec le spectacle pathétique offert par le « jeunot » Laurent Fabius roupillant en pleine conférence de presse de son homologue algérien, sous les regards des télévisions du monde entier, alors qu’il était venu relancer la coopération franco algérienne ; ce qui lui a valu le sobriquet de « somnolent des forums internationaux ».
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