mercredi 1 octobre 2014

"En vérité, c’est le lobby militaire qui tient à « son » Kidal et à « ses » Touaregs. L’Azawad est, en effet, la chasse gardée et bien gardée de la DGSE, du COS et de la DRM. De Sarkozy à Hollande, l‘Elysée est à la remorque du Renseignement et des Forces spéciales qui sont les fers de lance de la politique française dans la bande saharo-sahélienne."

Le Mali au beau milieu du merdier et au seuil de la partition (Par Babacar Justin Ndiaye)

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Le Mali au beau milieu du merdier et au seuil de la partition (Par Babacar Justin Ndiaye)
Babacar Justin N’diaye
Laser du lundi ,Retrouvez chaque Lundi matin sur Dakaractu la chronique politique de Babacar Justin Ndiaye, Analyste politique et social .
Il y a une semaine, le 22 septembre, les Maliens ont commémoré le cinquante-quatrième anniversaire de leur souveraineté, sous de funestes auspices. Car la patrie du Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) campe au carrefour des épreuves et squatte l’antichambre de la partition territoriale. L’image exacte est celle d’un grand pays – grandement ébranlé dans ses fondations – qui vacille dans un contexte national très difficile et oscille vers des perspectives géopolitiques très fluides.
Certes, un Président est démocratiquement élu, en août 2013, avec 77,61% des voix ; dans la foulée, la junte militaire du Capitaine Sanogo a été taillée en pièces, mais l’économie est handicapée par l’endémique crise politico-sécuritaire et par une gouvernance surprenante d’irresponsabilité : l’achat inopportun d’un avion présidentiel et la passation scandaleuse d’un exorbitant marché d’armes. Quant au destin glissant du Mali, il se décide et se dessine loin de Bamako : A Alger, à Ouagadougou, à Paris. Et même plus loin…
En termes  métaphoriques, on peut dire fort justement que les Maliens sont sortis des ténèbres de l’occupation djihadiste opérée par Aqmi, pour vivre le cauchemar créé par l’allié français (opération Serval) dont l’agenda rivalise de nuisance avec le bréviaire des fanatiques du Mujao.  En effet, le dilemme est terriblement sinistre : choisir entre l’occupant islamiste qui coupe les mains et le libérateur français qui ampute le pays.
Bref, le merdier est à son paroxysme, tandis que le branle-bas en vue d’un démantèlement (démembrement-remembrement du territoire malien) est observable par-ci et par-là. A cet égard, l’évolution heurtée des débats et, surtout, les échos inquiétants qui filtrent des coulisses de la 2ème  phase des pourparlers inclusifs d’Alger entre l‘Etat malien et le Mouvement National pour la libération de l’Azawad (MNLA), forment ensemble un bon baromètre.
Même officiellement absente de la salle des négociations de l’hôtel Aurassi d’Alger, Paris reste l’acteur le plus doté en atouts dans la manœuvre en cours. Par le truchement de l’opération Serval – aux dessous toujours secrets – la France maitre d’œuvre de la Liberté (avec ou sans guillemets) des Maliens, a coiffé le processus puis dicté les étapes successives de sortie de crise, en mettant progressivement une croix sur la souveraineté du pays libéré ou semi-libre. Ainsi, le Quai d’Orsay a inspiré puis poussé, le 25 avril 2013, au vote de la Résolution 2100 portant création de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies au Mali (Minusma) qui a effacé la Mission de la CEDEAO au Mali (Micéma).
Mieux, la France a habilement joué pour rester au Nord-Mali avec la bénédiction de l’ONU, tout en soustrayant ses militaires au commandement des casques bleus assuré par le Général rwandais Jean Bosco Kazura. N’empêche, l’armée française exerce un contrôle direct sur la Minusma, à travers le Général Christian Thibaut qui est le chef d’Etat-major des forces de l’ONU, c’est-à-dire l’adjoint opérationnel du Rwandais. Quand on sait que la Minusma est sous-équipée (sans une composante aérienne de taille ni une logistique adéquate pour l’immensité désertique), on mesure sa grande dépendance vis-à-vis de l’ex-opération Serval, aujourd’hui, diluée dans Barkhane.
Au vu des coudées françaises aussi franches dans la crise, le Nord-Mali ressemble de plus en plus à une Nouvelle-Calédonie aux confins du Sahel et du Sahara. Les éléments de l’armée, de la Gendarmerie, de la Garde et de la Police du Mali n’ont pas droit de cité à Kidal.
Imaginons une manigance franco-onusienne (validée par le Conseil de sécurité) qui interdirait – sous le couvert de la légalité internationale – l’accès de Ziguinchor à l’armée sénégalaise, mais autoriserait le stationnement d’un bataillon cambodgien en Casamance, pour avoir une idée nette de la détresse morale des fils du Mali. Il est donc clair que le Président IBK n’a pas célébré les 54 ans d’indépendance dans la joie. Loin s’en faut. Mais les états d’âme d’IBK et sa camaraderie voire sa vieille amitié  avec François Hollande au sein de l’Internationale socialiste, ne comptent pas face aux intérêts stratégiques de l’Hexagone, dans le Sahara-Sahel.
En vérité, c’est le lobby militaire qui tient à « son » Kidal et à « ses » Touaregs. L’Azawad est, en effet, la chasse gardée et bien gardée de la DGSE, du COS et de la DRM. De Sarkozy à Hollande, l‘Elysée est à la remorque du Renseignement et des Forces spéciales qui sont les fers de lance de la politique française dans la bande saharo-sahélienne.
Au demeurant, il y a des signes qui ne trompent pas. Ce n’est pas un hasard, si le Général Grégoire De Saint-Quentin qui a commandé cumulativement le Point d’Appui de Dakar et l’opération Serval au Mali durant toute sa durée, est devenu le patron du Commandement des Opérations Spéciales : COS. Par ailleurs, tous les initiés savent que le Général Christophe Gomart Directeur du Renseignement Militaire (DRM) a l’oreille du Président Hollande sur le Mali.
Enfin, le parcours de l’actuel ambassadeur de France à Bamako est éloquent à maints égards. Son Excellence Gilles Huberson (c’est son nom) a travaillé précédemment dans les services secrets en qualité d’officier traitant de certains responsables du MNLA. L’un deux déclara au journal « Le Monde » (numéro de la mi-novembre 2013) avoir reçu de cet ambassadeur très spécial, un téléphone satellitaire. Des agissements peu diplomatiques qui ont débouché sur une vive altercation au Palais de Koulouba, entre le Représentant de la France et le Général Yamoussa Camara, ancien chef d’Etat-major particulier du Président IBK.
Fort du parrainage résolu de Paris, le MNLA multiplie les initiatives hardies, afin de donner corps à son ambition sécessionniste. A Alger, un « Traité de Paix » estampillé MNLA circule. Un document qui préconise, dans les moindres détails, un Etat fédéral du Mali. Au plan physique, l’Etat fédéré de l’Azawad englobe les régions de Gao et de Tombouctou. Kidal étant peu viable (280 km2 dont deux tiers de massifs montagneux) les rusés rebelles touaregs établissent la frontière de leur entité étatique sur les rives du navigable et poissonneux fleuve Niger. De surcroit, doté d’un delta humide qui convient bien aux cultures vivrières. Dans le domaine institutionnel, l‘Azawad s’administre librement à travers un gouvernement coiffé par un Président élu au suffrage indirect par les Assemblées régionales de l’Azawad. Il serait fastidieux de relater, ici, tous les attributs d’un Etat quasiment souverain que renferme le « Traité de Paix » des rebelles touaregs.
Dopé par sa victoire  du 21 mai 2014 sur les Forces Armées du Mali (FAMA) et son contrôle intégral de Kidal, le MNLA accentue sa montée en puissance avec l‘appui diplomatique et médiatique de la fumiste communauté internationale. Le 9 septembre 2014, le MNLA a inauguré son ambassade à Amsterdam, aux Pays-Bas. Vive colère de Bamako à laquelle succède un démenti nuancé du gouvernement hollandais qui parle de l’ouverture d’un Centre Culturel touareg. Mais selon une note d’information de Moussa Ag Assarid, un des dirigeants du MNLA (note répercutée par les sites touaregs Témoust et Kidal-Infos), il s’agit d’une chancellerie. Affaire trouble. Ce qui est plus clair, c’est que le 18 novembre 2013, l’Azawad a été admis en tant que 13ème membre d’une curieuse officine dénommée « Organization of Emerging African States » ou Organisation des Etats Africains Emergents (OAES) qui prétend, selon sa charte, défendre les intérêts de l’autodétermination en Afrique. Créée en 2010 et basée à Washington DC, l’OAES possède bizarrement un statut d’observateur auprès de l’ONU. Tenez-vous bien, car la liste des pays membres de l’OAES équivaut à un Ebola politique : le Biafra, le Sud-Cameroun, le Cabinda, les Iles Canaries et la Kabylie.
Le Président Macky Sall peut mesurer là, combien, il serait imprudent d’aller négocier avec le Mfdc sur les rives du Potomac, aux USA, siège d’une diabolique officine désireuse de morceler les pays africains.

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