lundi 8 septembre 2014

Les Trois B: Hassan El Benna, Ben Laden, El Baghdadi

Kamel Daoud, le Quotidien d’Alger
Slogan des Frères musulmans : «l’islam est la solution». Slogan d’Al-Qaïda : «si l’islam est la solution, cela veut dire que vous êtes le problème». Slogan de Daech : «si vous êtes le problème, nous sommes la solution». Le lien entre les trois ? Génétique : l’un est le fils de l’autre. Dans le dos du monde ou dans sa périphérie mal électrisée. Le frère est le grand-père : le monde «arabe» va mal parce qu’il s’est éloigné de l’islam, pensait El Benna, El Afghani et cheikh Abdou l’Egyptien. La Nahda (renaissance) passe par le retour aux anciens siècles. L’islam est la solution, parce que tout le reste pose problème : modernité, technologies, sexe, liberté et démocratie, corps, sucre et calendriers. Hassan El Benna est le frère grand-père de son fils, Daech. Il a été pendu par l’Egypte nassériste, Daech pend les autres. L’histoire est une vengeance. Puis qu’on ne peut pas la remonter, on peut la tuer et monter sur son corps. Après les Frères musulmans et le projet de remonter vers la Médine utopique, est venue Al-Qaïda et le projet de remonter vers les Croisades. L’idée est que la renaissance est naissance et la naissance ne peut pas se faire sans la mort. C’est la loi secrète de la secte et du monde : je tue pour naitre, je viens au monde mais le monde ne suffit pas pour deux. Al-Qaïda avait pour projet de vaincre l’Autre, le tuer et le faire mourir. Le projet idéologique n’était pas l’Etat islamique mais les Foutouhates, la conquête, la contre-croisade. Avant l’Etat Daech, il faut la fin des Etats-Unis. La solution est de tuer le problème.
Al-Qaïda est la matrice de Daech et les Frères sont la matrice d’Al-Qaïda. L’un est né de l’échec de l’autre. On passe du livre à l’idée, de l’idée à la confrérie, de la confrérie à la secte et de la secte à l’armée barbare. Les Frères musulmans voulaient rejouer l’âge d’or musulman, Al-Qaïda voulait rejouer les Croisades, Daech veut rejouer le califat juste, les temps des Errachidounes, les bien guidés. Toute l’histoire est un remake. Tous reviennent vers les commencements sauf les pauvres malheureux qui sont morts. Tout est figurations, sauf les victimes.
Al-Qaïda échoue ? Daech est né. On ne vise plus la renaissance ou la Contre-Croisade mais la restauration. Le calife joue au Califat. Al-Qaïda est un maquis, les Frères sont un projet, Daech est un Etat. Le djihadiste passe de la phase mecquoise à la phase médinoise puis à la Bagdadisation de son imaginaire. De Hassan El banna à Ben Laden, à El Baghdadi. L’histoire de l’islamiste est une boucle, un éternel recommencement nietzschéen. Elle se radicalise par ses propres échecs. Elle projette sur le monde ses déboires. On est passé de la confrérie à l’Emir, de l’Emir au Calife. Dans quelques temps, quelqu’un se proclamera Prophète. C’est dans l’ordre des choses : on remonte le temps.
Il y a dans l’imaginaire du mouvement djihadiste une fascinante boucle vide qui affole les siens et tue le reste du monde.
Le Djihadisme islamiste est un sablier avec tout un désert dedans.
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5202758

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