dimanche 7 septembre 2014

HAMA AMADOU, PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU NIGER

« J’ai fui mon pays parce qu’on voulait m’emprisonner quelques jours afin de m’empoisonner »

A gauche, le président du Niger, Mahamadou Issoufou. A droite, le président de l'Assemblée nationale du Niger, Hama Amadou. Depuis son exil parisien, le second accuse le premier, jadis son allié politique, de profiter de l'affaire de trafic de bébés pour faumenter un "assassinat" contre sa personne

Dix jours après avoir fui son pays, le président de l’Assemblée nationale est sorti de son silence pour expliquer les raisons de son départ en catimini (le 26 août), alors que ses collègues venaient d’autoriser à la justice nigérienne de l’entendre sur l’affaire de trafic de bébés qui a valu la mise en détention de sa seconde épouse notamment. C’est parce qu’il soupçonne le président de la République de « commanditer un assassinat » contre sa personne, a-t-il déclaré chez nos confrères de Jeune Afrique.

Le 26 août dernier, le bureau de l’Assemblée nationale du Niger, sur demande du gouvernement, autorisait  la justice à entendre le président de cette institution, Hama Amadou, sur l’affaire de trafic de bébés entre son pays et le Nigeria. Mais, sentant l’étau se resserrer autour de sa personne,  le président de l’Assemblée nationale quitte Niamey au soir, seul au volant de sa voiture dit-il, pour rejoindre le Burkina Faso, dans un premier temps, pour ensuite s’exiler en France, trois jours plus tard. C’est justement de la capitale française qu’il vient de briser le silence afin d’expliquer pourquoi il a quitté si brusquement son pays, au lieu de se défendre devant la justice.  C’est « parce que cette affaire a été utilisée comme prétexte pour pouvoir m’arrêter », justifie Hama Amadou dans la dernière édition du magazine Jeune Afrique.
« Dossier politique »
Et de dénoncer la procédure mise place par les autorités afin de pouvoir l’arrêter : « C’est un dossier politique. Et aucune des procédures légales prévues pour lever l’immunité d’un député, à fortiori celle du président de l’assemblée nationale, n’a été respectée. Le règlement de l’Assemblée nationale précise, pour lever l’immunité d’un élu, il faut l’accord des deux tiers des 113 députés. Moi j’avais demandé au Premier ministre de convoquer une session extraordinaire pour que l’Assemblée se saisisse de ce dossier. Il a refusé et, à la place, il a demandé au bureau de se réunir pour décider, non pas de la levée de mon immunité, mais de mon arrestation. »
Hama Amadou ne s’arrête pas là. Après avoir soutenu qu’il aurait pu rester au Niger et se défendre devant la justice si et seulement si le juge le convoquait. « Mais celui-ci n’a jamais formulé la volonté de me voir », précise le président de l’Assemblée nationale, qui se trouve être le principal opposant au président de la République, Mahamdou Issoufou. Pour ensuite accuser : « c’est le gouvernement qui a enjoint au procureur de la République de procéder à mon arrestation. La finalité, je la connais : il s’agit de m’emprisonner quelques jours afin de m’empoisonner. »
Il accuse le président Issoufou d’avoir commandité un assassinat contre sa personne
A la question de savoir s’il pensait vraiment que le président du Niger serait prêt à commanditer son assassinat contre sa personne, Hama Amadou ne fait pas dans la langue de bois pour répondre : « j’en suis convaincu. Sinon, je n’aurais pas quitté le pays. Et je ne dis pas ça à la légère : je le tiens de sources bien informées. Ils auraient fait venir un poison de Libye, dont les effets ne seraient intervenus que quelques mois après son ingestion. Ce qui les aurait mis hors de cause. Je sais qu’ils ont cette intention macabre. Il y a quelques semaines, ils ont tiré sur mon domicile et enlevé les gardes affectés à ma sécurité. C’est pour cela que j’ai quitté le Niger. »
Cette affaire de trafic international de bébés, qui a contraint Hama Amadou à l’exil, défraie la chronique depuis plusieurs mois dans une partie de l’Afrique occidentale. Il s’agit d’un vaste réseau qui opérait entre le Nigeria, où les bébés étaient conçus, le Bénin, et le Niger, avant d’être démantelé.  
17 personnes inculpées pour « supposition d’enfant »
Fin juin, dix-sept personnes, dont 12 femmes, ont été inculpées au Niger de « supposition d’enfant », «faux et usage de faux» et «déclaration mensongère». Le premier délit cité consiste à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde.
Plusieurs personnalités du pays sont soupçonnées d’être impliqué dans le trafic. Le ministre nigérien de l’Agriculture, Abdou Labo, dont l’une des épouses est également impliquée dans l’affaire, en fait partie : il est incarcéré depuis le 23 août.
La seconde épouse du président de l’Assemblée nationale figure parmi ces personnes aujourd’hui en détention. La Justice la soupçonne de ne pas être la mère des jumeaux qu’elle déclare avoir accouché au Nigeria, qu’elle les aurait donc « achetés ».  « Ni moi ni ma femme n’avons participé à un trafic. A Niamey, tout le monde l’a vue enceinte », se défend aujourd’hui Hama Amadou. « J’ai demandé à mon épouse si elle était prête à faire un test ADN, elle m’a dit qu’elle était d’accord. Mais le juge a refusé », insiste t-il.
Depuis août 2013, la rupture politique est définitivement consommée entre Hama Amadou et la majorité présidentielle. Jadis  principal allié du président Mahamadou Issoufou, le président de l’Assemblée nationale a rejoint l’opposition à cette date pour protester contre une refonte du gouvernement.
Thierno DIALLO
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