Mohamed Sawab : « Le peuple libyen a souffert de la dictature du colonel Kadhafi »
Le Monde.fr | 06.05.2014 à 11h32 • Mis à jour le 06.05.2014 à 11h35 |Propos recueillis par Hélène Sallon (Tripoli, envoyée spéciale)
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Des journalistes suivent l'élection du premier ministre libyen au Parlement, le 4 mai 2014.
Mohammed Sawan, chef du Parti de la justice et de la reconstruction (PJR, ailepolitique de la confrérie des Frères musulmans en Libye), l'un des principaux soutiens d'Ahmed Miitig au poste de premier ministre, et originaire comme lui de la ville de Misrata, a reçu Le Monde, lundi 5 mai.
Lire aussi le reportage : En Libye, Ahmed Miitig devient premier ministre après un scrutin houleux
L'homme d'affaires Ahmed Miitig a obtenu dimanche 4 mai la confiance du Congrès général national (CGN, Parlement), par 121 voix, lors d'un vote contesté. Son élection au poste de premier ministre a été invalidée dans la soirée par le premier vice-président du Parlement avant d'être confirmée par le président du CGN, Nouri Abou Sahmein. Comment expliquez-vous la confusion qui a entouré ce vote ?
Mohammed Sawan : Ce qui s'est passé hier est normal. C'est l'expression d'opinions divergentes. Le Parlement s'est mis d'accord en élisant Ahmed Miitig, par 121 voix sur 130 députés présents. Ces suffrages ont émané de toutes les forces politiques du CGN : l'Alliance des forces nationales, le PJR, les courants indépendants. Le problème a été créé par le premier vice-président du CGN et trois autres députés qui ont un conflit personnel avec Miitig.
Il était normal que le deuxième vice-président assure la poursuite de la séance et du vote, après que le premier vice-président a décidé de quitter la séance parlementaire. Il est par ailleurs légal de faire voter les gens en retard parce qu'ils étaient au café ou en conférence de presse au moment du vote. La déclaration diffusée par le premier vice-président Azzedine dimanche soir n'était qu'un avis personnel, sans valeur légale. Ce matin, le président du CGN Nouri Abou Sahmein a déclaré qu'Ahmed Miitig était élu et a signé son décret.
Des députés ainsi que de nombreux Libyens estiment qu'Ahmed Miitig est le candidat du Parti de la justice et de la reconstruction. Que répondez-vous à cela ?
Ahmed Miitig est le choix de notre parti, pas son candidat. Nous l'avons choisi car il a les compétences pour être premier ministre ; il a une bonne vision pour la Libye ; c'est un homme d'affaires donc il a les compétences pour réussir les projets dont a besoin le pays ; étant de Tripoli, il a beaucoup de contacts dans la capitale mais aussi à Misrata dont il est originaire. C'est une ville forte, çaaide ; et c'est un vrai révolutionnaire qui a participé à la coalition du 17 février de Tripoli.
Souhaitez-vous obtenir des postes au sein du gouvernement qui doit êtreformé par Ahmed Miitig dans les quinze prochains jours ?
Notre intérêt n'est pas d'avoir des postes ou des ministères mais de s'assurerque ce gouvernement réussisse sa mission car la Libye est dans une situation difficile. Si nous sommes sollicités, nous serons prêts à apporter notre expérience et notre vision de l'avenir de la Libye à ce gouvernement.
Selon le calendrier politique annoncé, des élections parlementaires anticipées devraient être organisées et l'écriture de la Constitution complétée cette année par le Comité des 60, qui a débuté ses travaux en avril. Que pensez-vous de ce processus et de son incidence sur le terme du mandat du premier ministre Miitig ?
Il y aura pour le CGN de nouvelles élections dans quatre à cinq mois. Un ou deux mois après, un nouveau gouvernement devrait être élu par le Parlement. Mais cela dépend du peuple libyen, qui peut décider de continuer avec ce gouvernement s'il en est satisfait. Si le Comité des 60 achève ses travaux dans quatre mois, ce sera peut-être la fin de la période transitoire et l'élection d'un véritable Parlement. Le peuple libyen décidera. Le parti pense que l'idée d'organiser des élections anticipées n'est pas bonne mais les procédures ont été lancées.
Les commentateurs estiment que votre assise sociale est faible et que vous pourriez réaliser de mauvais scores aux élections parlementaires. Une analyse nourrie par le sentiment de défiance qui semble s'exprimer envers le courant de l'islam politique au sein de la population. Qu'en pensez-vous ?
Nous devons aller à la rencontre de la population pour voir si cette analyse est vraie. De nos contacts avec le peuple, il ressort que le parti est très bien organisé et qu'il est vu comme étant au-dessus des divisions tribales et régionales. Les candidats aux prochaines élections législatives ne se présenteront pas au nom d'un parti politique car nous avons compris que le peuple libyen, qui a souffert de la dictature du colonel Kadhafi pendant quarante-deux ans, a gardé une peur des organisations, et notamment des partis politiques. Il y en a qui crient au complot de la part du PJR, ce sont des gens qui ont échoué face à nous et choisissent des attaques faciles. Quand on regarde la situation politique en Libye, le PJR a montré qu'il était au cœur des efforts de pacification de la Libye.
Quels sont les principes que votre parti souhaite voir inscrits dans la future Constitution de la Libye ? Quelle est votre position sur les droits des minorités, la charia et le fédéralisme notamment ?
L'unité de la Libye, l'identité libyenne et l'inscription dans la Constitution de la place essentielle des partis politiques dans la construction de la politique libyenne. Nous soutenons les droits des minorités toubou, touareg et amazigh. L'inscription de la loi islamique (charia) dans la Constitution fait l'objet d'un consensus du peuple libyen, qui est 100 % musulman, et c'est à lui de choisirquelle référence y sera faite dans la Constitution. Concernant le fédéralisme, c'est une opinion politique qu'on respecte, mais c'est au peuple de décider ou non s'il souhaite voir ce principe reconnu dans la Constitution. On ne veut pas que cela lui soit imposé.
Hélène Sallon (Tripoli, envoyée spéciale)
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