Konna il y a un an / C’était Iyad mais pourquoi ?
Le Républicain-Adam Thiam
L’attaque de Konna résulte de l’entêtement d’Iyad Ag Ali. Belmoktar sceptique et en délicatesse avec Aqmi s’en était éloigné. Abuzeid a suivi. Droudkel ne comprenait pas. Mais les autres proposaient et Abzeid décidait. C’était ça le rapport de force. Reste que Konna était très loin du terrain des jihadistes et que l’attaquer obligeait ceux-ci à opter pour une guerre frontale au lieu de la guerre asymétrique, celle qu’ils savent faire le mieux.
Les occupants avaient une évaluation correcte de l’armée malienne, savaient ses faiblesses et surtout étaient convaincues qu’elle ne tiendrait pas longtemps leur assaut. C’est pourquoi, concentrant leurs forces à Bambara Maoundé dans un premier temps, elles ont pris la direction du Sud avec pour objectif de prendre Sévaré pour empêcher les troupes internationales d’y prendre position. Cette hypothèse n’est pas idiote du tout, surtout que Prodi ne cachait à personne qu’aucun déploiement international significatif n’était possible avant septembre 2013. La seule inconnue c’était Hollande et très vite cela a cessé d’être une inconnue, parce que Serval, le 11 janvier 2013, ne fera pas de quartier, poursuivant les jihadistes dans leurs replis et ce jusqu’à Tessalit où le tandem franco tchadien peut se glorifier quelques semaines plus tard, d’un trophée : la tête de Abuzeid.
Photo d’Iya Ag Ghaly, le chef d’Ansar Dine
Et si Serval n’était pas intervenu ?
La victoire de Konna et le moral au talon du pays et de son armée étaient de bonnes nouvelles pour le binôme Iyad qui était à Konna et Abuzeid qui tentait une percée vers le Sud via Nampala. Iyad avait pu introniser Hamadoun Kouffa comme imam et peut-être émir de Konna. Abuzeid avait plus de retard. Sans Serval qu’auraient-ils fait, où se seraient-ils arrêtés ? Nombre de spécialistes occidentaux trouvent totalement absurde l’hypothèse que les chefs jihadistes aient voulu poursuivre leur odyssée jusqu’à Bamako. Peut-être ont-ils raison. Bamako est une ville de plusieurs millions d’habitants qu’on ne met pas au pas avec les petites brigades de la taille de celles de Tombouctou ou Gao. On a jamais entendu les responsables salafistes dire quels étaient leur plan. Et le testament d’Aqmi, rédigé par Droudkel et trouvé à Tombouctou par nos confrères donne un peu le ton. Le futur Califat ne serait peut-être pas allé au-delà de Mopti. Le reste du pays pouvant être sous-traité. D’où le coup d’Etat en gestation la nuit du 10 janvier et qui, on le sait maintenant a été stoppé par les Français ? Plus que probable. Rien éloignait autant la probabilité de libérer tout le Mali.
Quelle mouche a piqué Iyad ?
Ainsi donc, s’il a eu quelques heures d’euphories, Iyad a perdu sur toute la ligne à partir du 11 janvier lorsqu’accédant à la demande de Dioncounda Traoré, François Hollande projette l’armée française à Konna et bien au-delà. Le pari était risqué. Pourquoi l’ancien patron du Mpa, stratège réputé efficace et prudent, a-t-il donc poussé le bouchon si loin ? Plusieurs hypothèses, dont la première est qu’il ne prévoyait pas la réaction si prompte de Hollande, on l’a dit. Mais l’ego de l’homme et surtout la place d’Ansardine dans la géopolitique du chaos en progression ne comptaient pas pour peu, selon certains exégètes de l’homme. Iyad ne pouvait pas avoir la confiance de Belmoktar qu’il avait tenté d’éliminer en 2006 et Abuzeid d’une manière générale voyait en les Touareg de tièdes musulmans et peut-être jamais de sincères jihadistes. Konna pouvait être la preuve qu’ils se trompaient. Ne plus être le supplétif des salafistes était un objectif sincère chez le rebelle Touareg. Mais à chaque fois, il a dû déchanter. Lundi 2 avril 2012, dix huit pick up foncent vers Tomboctou avec à bord Iyad Ag Ali, Yahia Abou Hamam, Abuzeid, Belmoktar, Sanda Ould Boumama. Les rencontres avec les imams, l’organisation de l’hôpital, les assurances aux notables, tout ça c’est Iyag Ag Ali. Mais Abuzeid devient le gouverneur pendant qu’a Kidal, fief du chef d’Ansardine, c’est Nabil Mekloufi, le cehf de l’émir du Sahara lui-même qui mène la danse. Fin juin 2012, Iyag est à Gao, forcé de réprimer sa nausée devant le corps des colonels Bouna, Wari et Mbarek qui pour être du Mnla n’en étaient pas moins ses proches. Gao de toutes les manières est aux mains du Mujao, donc indirectement de Belmoktar. Iyad s’en retourne alors dans la région de Kidal où le colonel Assalat lui reproche, selon une source d’œuvrer à la destruction de Touareg par les arabes sous le couvert de la religion. Ce qui ne l’empêche pas à Essakan les 3 et 4 décembre 2013, de réunir près de quatre cent personnes venus dans 76 Toyota, pour lire le Coran et s’entendre dire -suprême casus belli chez les Touareg- que le tabac est « haram » et que la charia n’était pas négociable. Prétexte pour le pouvoir ou aventurier piqué à son propre jeu, Iyad Ag Ali à Konna était à la tête de la percée jihadiste qui a rendu le pays fou pendant quelques jours.
Adam Thiam,http://www.maliweb.net/insecurite/retro-janvoer-2013-konna-il-y-a-un-an-cetait-iyad-mais-pourquoi-188928.html
SOURCE: Le Républicain du 10 jan 2014.
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