Niger : le coût de la sécurité…et de l’uranium
Publié le 2 décembre 2013 (rédigé le 1er octobre 2013) par
Selon Reuters (20/9), Omar Hamidou Tchiana, ministre des mines au Niger a annoncé un audit des gisements d’uranium exploités par Areva, dont les contrats arrivent à terme. Il s’agit « d’obtenir un partenariat équilibré » pour « faire en sorte que le Niger aussi tire parti de l’exploitation de l’uranium ». Après 40 ans, louable préoccupation !
Sauf que les prétentions du gouvernement nigérien paraissent à nouveau assez limitées : par exemple il ne remet nullement en cause sa position d’actionnaire minoritaire (36,4% de la Somaïr, 31% de la Cominak, 33% du futur gisement d’Imouraren) mais affirme vouloir « faire en sorte que les coûts de production de l’uranium baissent, pour que le Niger puisse tirer parti, non seulement en termes de taxes mais en termes de dividende en tant qu’actionnaire ».
Une logique dont seuls les salariés et les populations locales risquent de faire les frais et qui ne devrait pas poser trop de problème à Areva… sauf si le coût de la présence des forces spéciales françaises vient plomber la rentabilité des mines !
Début 2013 en effet, le ministre français de la Défense donnait son accord pour que les hommes du Commandement des Opérations Spéciales (COS) viennent renforcer le dispositif sécuritaire protégeant les mines d’Areva au Niger, constitué d’une société de sécurité privée française (EPEE) et de troupes nigériennes. En principe, « les forces spéciales françaises n’interviendront pas gratuitement, et Areva se verra présenter une facture, sans doute assez salée. » (Le Point.fr, 23/01)
En revanche, les autorités nigériennes entendent maintenir la pression quant à la date de mise en chantier d’Imouraren, sans cesse repoussée par Areva en raison de la chute des cours du minerai. « Pour nous, 2015 est une date qui n’est pas négociable », affirme le ministre nigérien des mines : « Le président de la République a été élu sur la base d’un programme dont une partie du financement devrait être généré en partie par les impôts, taxes et d’autres revenus générés par Imouraren. »
Et si Mahamadou Issoufou veut être réélu, il faudrait qu’une partie de ce programme soit mis en application… Or à ce jour, dans un contexte de déstabilisation régionale grandissante, c’est surtout le budget de la défense qui siphonne les revenus de l’État. Doublées en 2012, encore augmentées en 2013 au détriment des budgets de l’éducation et de la santé, les dépenses de sécurité absorberaient 10% du budget national, le montant exact restant classé « secret-défense » (Jeuneafrique.com, 24/04).
C’est pourquoi, avec le démarrage d’Imouraren, le gouvernement nigérien voudrait voir les recettes de l’uranium contribuer à 20% du budget, contre 5% actuellement. Mais même s’il y parvenait, la lutte contre le terrorisme sous tutelle étrangère risque d’être un puits sans fonds…
Le renforcement des dépenses militaires du Niger est fortement encouragé par les forces étrangères qui y ont élu domicile au nom de la guerre contre le terrorisme. Forces françaises, bien sûr, mais également américaines. Parallèlement au déclenchement de l’opération française Serval au Mali, les Etats Unis signaient en janvier 2013 un accord de coopération militaire avec les autorités nigériennes, autorisant l’installation d’une base et le transit des forces américaines dans le pays. Initialement, il s’agissait officiellement d’installer une base de drones (en principe non armés) et de 300 hommes des forces spéciales et conventionnelles, pour des missions de formation et de surveillance dans le Nord du pays, aux frontières avec le Mali, la Libye et l’Algérie. Selon La Lettre du Continent (18/9), le nombre de militaires US aurait en fait « franchi le cap du millier » et les bases américaines « jouissent d’un statut d’extraterritorialité. Quant aux appareils de l’US Air Force, ils bénéficient d’un droit d’atterrissage et de décollage sur toute l’étendue du territoire, sans possibilité pour les autorités nigériennes de procéder à un quelconque contrôle. »
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