lundi 4 novembre 2013

El Watan/Algerie:Assassinat des deux journalistes français des témoins avancent la thèse d’une «bavure militaire»

El Watan/Algerie:Assassinat des deux journalistes français

des témoins avancent la thèse d’une «bavure militaire»

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le 04.11.13 | 10h00

Des témoins oculaires locaux affirment que les deux journalistes avaient été embarqués par trois hommes armés, enturbannés, à bord d’un 4x4 beige sans immatriculation.

Nouvelles révélations sur la mort des deux journalistes français de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, samedi à Kidal, dans le nord du Mali. Joints par téléphone, des témoins oculaires font état des circonstances dans lesquelles les deux journalistes ont été tués en revenant sur des détails assez surprenants. «Ils ont tenté d’avoir des entretiens avec de nombreux notables, notamment l’amenokal de Kidal, mais en vain. Ils ont pris attache avec Ambéry Ag Rissa, un notable de la tribu des Imgad, qui habite en plein centre-ville. Lorsqu’ils sont sortis de chez lui, leur voiture était garée juste derrière celle d’Ambéry.
Les deux assaillants, dont le visage était couvert d’un chèche, ne voulaient pas entrer à l’intérieur de la maison d’Ambéry. Ils attendaient que les journalistes en sortent pour les embarquer à bord d’un 4x4 de couleur beige, sans plaque d’immatriculation, conduit par un troisième homme qui avait mis le moteur en marche. Un autre véhicule similaire, avec à son bord deux hommes enturbannés surveillaient de loin la scène. A peine sont-ils montés dans le 4x4 (qu’ils avaient loué auprès du maire de Tessalit), que deux hommes, le visage masqué d’un turban, leur ont intimé l’ordre de ressortir. Mon fils était à quelques mètres seulement. L’unité de l’armée française n’était pas loin. Elle a été informée au moment où les ravisseurs embarquaient les deux journalistes…», révèle notre source. Et de préciser : «L’action était très rapide. Il était 13h35, lorsque les deux véhicules avaient pris la direction de l’est de Kidal, en empruntant la route de Tin Inssako.»
Sous le couvert de l’anonymat, de peur de représailles, notre interlocuteur précise que cette route mène au Niger, «lieu où se rencontrent souvent contrebandiers et terroristes». La même source affirme avoir obtenu des informations «fiables» qui permettent de reconstituer les circonstances de la mort des deux journalistes. «En fait, le véhicule qui transportait les deux journalistes s’est arrêté à 27 km de la ville, alors que celui qui assurait l’escorte a continué sa route. Nous ne savons pas pourquoi. Est-ce qu’il est parti récupérer du carburant ? Est-ce qu’il attendait ceux qui devaient prendre les otages ? Rien n’est sûr. Ce qui est certain, c’est qu’une trentaine de minutes plus tard, un hélicoptère de l’armée française a survolé l’endroit. Les ravisseurs et les otages étaient déjà sortis du véhicule. C’est alors que l’hélicoptère a tiré plusieurs salves en leur direction, tuant sur le coup les trois ravisseurs ainsi que les deux otages», raconte notre source. Selon elle, personne ne peut être sûr de l’identité des auteurs, mais certains évoquent une «commande» qu’auraient pu exécuter des groupes armés, des contrebandiers surtout, au profit des terroristes.
«Ici tout le monde sait que les Français représentent une lourde monnaie qu’il est facile d’échanger contre d’importantes sommes d’argent. Il est probable que les journalistes aient été enlevés par des contrebandiers. Ces derniers devaient les revendre par la suite à un groupe terroriste qui, lui, négocierait leur libération contre une rançon», souligne notre interlocuteur.  En tout état de cause, ce témoignage permet de comprendre les informations fournies hier par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Tout d’abord, il met un terme aux rumeurs selon lesquelles les deux journalistes ont été égorgés par leurs ravisseurs en disant : «Ils ont été tués par balles par les groupes terroristes que nous combattons», précisant : «Ils ont été assassinés froidement. L’un a reçu deux balles, l’autre trois balles.»
Lors d’une réunion de crise consacrée à cette affaire et présidée par le chef de l’Etat, François Hollande, Laurent Fabius a souligné : «Les assassins, ce sont ceux que nous combattons, c’est-à-dire les groupes terroristes qui refusent la démocratie et qui refusent les élections (…) Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été kidnappés par un petit commando et emmenés hors de Kidal. Leurs corps ont été retrouvés à 12 km (...) à quelques mètres de la voiture fermée à clé, il n’y avait aucun impact de balle sur la voiture.»
Des détails importants qui rejoignent le témoignage de notre source. Ce qui rappelle étrangement la bavure de l’armée française, au cours de l’été 2011, lorsqu’une unité militaire avait pourchassé les ravisseurs de deux otages français et mitraillé leurs véhicules, tuant tous les occupants (y compris les otages). Peut-on mettre cette affaire dans la case «pertes et profits» de la guerre contre le terrorisme au nord du Mali ? Pour nombre de spécialistes des questions sécuritaires, cela va de soi. «Il n’est pas question pour l’Etat français, qui venait de dépenser plus de 20 millions d’euros pour la libération des quatre otages détenus par des terroristes depuis plus de trois ans, de reprendre à zéro une autre négociation et de payer une nouvelle rançon, d’autant que ces derniers jours, le gouvernement est au centre de lourdes critiques», explique une source sécuritaire au fait de la situation au Sahel.
Pour notre interlocuteur, «en s’installant militairement dans la région, la France a ouvert la boîte de Pandore. Le terrorisme sera de plus en plus fort et les populations locales de plus en plus exclues et sous-développées faute de sécurité et de stabilité. Les unités militaires présentes sur le terrain, qu’elles soient françaises, africaines ou maliennes, ne pourront rien faire, si ce n’est multiplier les bavures dont les victimes se compteront surtout parmi les civils».
Salima Tlemçani

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