INFO OBS. Otages du Niger : "Ils sont en Algérie"
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Enlevés il y a 1.000 jours au Niger, les quatre otages d'Arlit sont désormais aux mains de Yahia, le nouveau chef d'Aqmi au Sahara. Toujours prêt à négocier.
"Nous avons enfin retrouvé un contact direct", dit l'émissaire touareg, soulagé. Pendant des mois, l'opération Serval a bouleversé la donne dans le désert du nord du Mali. Au plus fort de la bataille, Abou Zeid, chef d'Aqmi et preneur d'otages, avait fait passer un message aux Français pour dire qu'il était toujours prêt à négocier la libération de ses quatre prisonniers, Thierry Dol, Marc Féret, Pierre Legrand et Daniel Larribe, capturés le 16 septembre 2010 sur le site de la mine d'uranium d'Arlit au Niger. Aujourd'hui, Abou Zeid est mort, écrasé par une bombe au creux des rochers de l'adrar des Ifoghas, son repaire et sanctuaire.
Le nouveau chef d'Aqmi pour la zone sahélo-saharienne s'appelle Yahia Abou el-Hammam, de son vrai nom Djamel Okacha, un Algérien de 35 ans né à Reghaïa, ancien du GSPC (Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat). Yahia, vieux routier du terrorisme, universitaire et francophone, est un homme vif et intelligent. Aussi grand, 1,85 m, qu'Abou Zeid était petit, aussi prolixe que l'autre était taiseux. Et tout aussi déterminé. C'est lui qui, désormais, détient les otages. Où ?"Ils sont en Algérie", affirme l'émissaire touareg.
Fil renoué sur le terrain
Déjà, sous la pression militaire française, Abou Zeid avait acheté spécialement un "Toyota tôlé" pour déplacer discrètement tous les otages. Il n'en a pas eu le temps. Yahia a donc exfiltré les otages vers l'Algérie où ils ont été séparés en deux groupes. Il fait 50 °C dans le désert. Les quatre hommes sont épuisés par les déplacements continuels et les conditions de détention. L'un d'eux s'est blessé sérieusement à un doigt. On a parlé d'une "piqûre de scorpion" ou, plus sûrement, d'une plaie profonde. Les islamistes ont craint un début de gangrène et demandé aux négociateurs touaregs de leur faire parvenir des antibiotiques. L'otage, soigné, est hors de danger.
"Nous travaillons avec un sentiment d'urgence, dit, à Paris, une autorité proche du dossier. Chaque semaine qui passe rend la situation encore plus préoccupante." Sur le terrain, le fil renoué, les premiers messages ont fusé de part et d'autre : "Vous êtes là ? - Oui. - Prêts à agir ? - Toujours." Mais la guerre est passée par là. Les sociétés qui emploient les quatre hommes - Areva et Satom - restent sur le qui-vive, elles savent cependant que l'Etat ne permettra plus le paiement d'une rançon.
"Finissons-en. Venez, payez, et reprenez vos otages"
L'ancienne équipe de négociateurs s'active au mieux, se renseigne et informe, prête à tout faire pour aboutir à une libération, d'où qu'elle vienne. A Kidal, capitale du désert malien, un responsable touareg traite les informations et ses messagers font la navette vers la frontière algérienne. Récemment Yahia a fait savoir qu'un "guide" attendait d'éventuels émissaires près de la frontière. Le message était simple : "Finissons-en. Venez, payez, et reprenez vos otages."
L'homme a attendu un mois, sans réponse. De Niamey, un représentant du président du Niger, Mohamed Akoté, un ex-rebelle touareg devenu ministre de l'Environnement, a finalement fait le voyage pour rencontrer Yahia. Il est reparti, sans résultat immédiat. La dernière négociation tournait autour de 30 millions d'euros pour les quatre hommes d'Arlit. Elle ne concernait pas le "cinquième" homme, Serge Lazarevic, enlevé le 24 novembre 2011 à Hombori, au Mali, avec son collègue Philippe Verdon, malade et probablement mourant, qualifié opportunément d'"espion" par Aqmi qui annoncera son "exécution" en mars dernier.
Plus de rançon en espèces
La France a depuis réaffirmé que les terroristes n'extorqueraient plus d'argent, quel que soit le montant réclamé. Au sommet de l'Etat, la boucle d'action et de décision a été resserrée. L'état-major n'est plus prépondérant et le dossier est géré directement par le président, dans le plus grand secret, avec la direction de la DGSE. Au début du mois, aussitôt connue l'information sur l'Algérie comme lieu de détention, un émissaire de la DGSE a sauté dans un avion pour Alger : "Depuis l'énorme prise d'otages d'In Amenas, qui était une attaque contre leur complexe pétrolier, les Algériens ont compris le danger. Et ils coopèrent", dit-on à Paris.
Des contacts mais plus de rançon en espèces, des islamistes défaits au Mali mais réfugiés dans le sud de la Libye ou cachés dans l'immensité du désert algérien et toujours désireux de négocier... Pour aboutir, le deal ne peut être désormais que politique sous la forme d'un échange des otages contre un des responsables d'Aqmi détenus dans les prisons algériennes. Parmi eux, Abderrazak el-Para, djihadiste historique du GIA et du GSPC algériens, auteur en février-mars 2013 de l'enlèvement de plusieurs groupes de touristes dans le Sahara algérien, arrêté au Tchad, transféré d'abord en Libye puis extradé en 2004 en Algérie où il est toujours emprisonné. Lui ou un autre... peu importe la nature du deal, la question essentielle, aujourd'hui, est le temps.
Mille jours ! L'été du désert est brûlant, les familles, inquiètes, organisent une journée nationale de mobilisation, ce samedi 22 juin, et le président Hollande doit les rencontrer le 4 juillet prochain. D'ici là, les islamistes d'Aqmi devraient faire parvenir une nouvelle vidéo des otages. Histoire de faire monter un peu plus la pression.
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