mercredi 24 avril 2013

Libye : les djihadistes relèvent la tête



Le Point.fr - Publié le  - Modifié le L'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli pourrait être le fait de combattants d'Aqmi chassés par l'armée française du nord du Mali.
Laurent Fabius dans les ruines de l'ambassade de France à Tripoli, le 23 avril 2013.
Laurent Fabius dans les ruines de l'ambassade de France à Tripoli, le 23 avril 2013. © MAHMUD TURKIA / AFP
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Il est très probable que l'attentat à la voiture piégée qui a soufflé le 23 avril une partie de l'ambassade de France à Tripoli, blessant deux gendarmes mobiles français, est le premier retour de bâton de l'intervention militaire française au Mali. Battus et chassés de leur repaire sahélien, on se doutait que les combattants d'Aqmi qui n'ont pas été éliminés chercheraient à se venger et poursuivraient leur combat anti-occidental sous une autre forme. 
Après la libération quasi sans combat de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois cités du nord du Mali, la chasse aux djihadistes dans l'Adrar des Ifoghas a permis d'éliminer plus d'une centaine de combattants, mais il s'agissait de seconds couteaux. Aucun chef de katiba d'importance n'a été fait prisonnier ou tué, à l'exception de l'émir Abou Zeid. Aucune preuve n'a jamais été apportée de la mort de son rival, Mokhtar Belmokhtar. On connaît les liens que ce dernier entretenait avec des groupes djihadistes au sud de la Libye et on sait que ce pays aux frontières longues, poreuses et incontrôlables pouvait être un refuge idéal pour les hommes d'Aqmi refluant du Mali. D'ailleurs, c'est à Agadez, au nord du Niger, que les Américains ont basé des drones en février pour surveiller cette zone de transit entre le Niger et la Libye. 
En mars, Le Point.fr avait déjà fait état d'informations sur la fuite des djihadistes d'Aqmi vers la Libye. Ils avaient emprunté la piste qui longe, au sud, la frontière entre le Niger et l'Algérie. C'est elle qui a été suivie, en janvier, par les hommes de Mokhtar Belmokhtar pour rejoindre la Libye puis attaquer, en Algérie, le complexe gazier proche d'In Amenas. Belmokhtar a des accointances en Libye et il y avait trouvé la logistique, les armes et le financement pour lancer l'attaque qui devait lui permettre de prendre en otage des Occidentaux.

Terrain de repli idéal

Depuis la révolution, les autorités libyennes sont incapables de contrôler leurs frontières, en particulier celles au sud du pays. Cette région vaste et peu peuplée, où les armes (qui proviennent des arsenaux de Kadhafi) circulent en toute impunité, est devenue une véritable pétaudière où les différents groupes tribaux côtoient les djihadistes. Un terrain de repli idéal pour les combattants d'Aqmi rentrés du Mali. Ils ont manifestement tissé de nouveau des liens avec les djihadistes libyens.
Second handicap : les autorités libyennes ne sont pas parvenues à remettre au pas l'ensemble des milices qui se sont battues contre Muammar Kadhafi et à les intégrer dans la nouvelle armée. Tiraillé entre les anciens de Kadhafi qui n'ont pas tous disparu et les islamistes radicaux, le gouvernement, en particulier le Premier ministre Ali Zeidan, préfère nier le danger représenté par les groupes djihadistes. Ils sont pourtant responsables à Benghazi de la mort de l'ambassadeur américain le 11 septembre dernier et d'une attaque contre le consulat de Grande-Bretagne. Un ancien responsable libyen des services de sécurité, interviewé par RFI, avouait récemment que le QG d'al-Qaida au Maghreb islamique se trouvait bien en Libye et que les djihadistes entretenaient des relations avec des cellules en Tunisie et en Algérie (où se trouve le cerveau d'Aqmi au Sahel). 
Quant au ministre de l'Intérieur libyen, il avouait, il y a quelques jours, que les communications de son ministère, y compris celles de son propre téléphone portable, sont écoutées par "une partie" qui n'appartient pas à l'État. En clair, les djihadistes. En face, le gouvernement du Premier ministre Ali Zeidan semble impuissant. Il est probable que les pressions occidentales (en particulier américaines et françaises) qui s'exercent sur lui pour agir vont s'accroître. À Tripoli, certains veulent voir dans l'attentat contre l'ambassade de France (à 7 heures du matin, il ne visait pas à tuer massivement) un premier avertissement des djihadistes à l'adresse des Français, mais aussi des autorités libyennes, qui doivent cesser de les considérer comme l'ennemi.

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