mercredi 24 avril 2013

Attentat en Libye: un acte «lâche et odieux» selon Fabius


LIBYE / FRANCE - 
Article publié le : mardi 23 avril 2013 à 19:52 - Dernière modification le : mardi 23 avril 2013 à 22:56


Le bâtiment de l'ambassade de France à Tripoli, le 23 avril 2013.
Le bâtiment de l'ambassade de France à Tripoli, le 23 avril 2013.
Ehab / Twitter

Par RFI
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, est arrivé ce mardi 23 avril à Tripoli où il a visité l’ambassade de France qui a été la cible, tôt ce matin, d’un attentat à la voiture piégée. Il a condamné l’attentat qu’il a qualifié de « lâche et odieux », avant d’ajouter que « les terroristes » devront rendre des comptes. Les autorités libyennes ont qualifié l’attentat d’ « acte terroriste ».

« Nous condamnons avec la plus extrême vigueur cet attentat lâche et odieux fait pour tuer », a déclaré Laurent Fabius lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue libyen, Mohamed Abdelaziz. Il a par ailleurs assuré que Tripoli a promis de trouver les coupables et les punir. Le ministre français des Affaires étrangères a également insisté sur le fait que ce n’était pas seulement la France qui était visée mais aussi l’amitié franco-libyenne et que les auteurs de cet attentat « en seront pour leurs frais », a déclaré Laurent Fabius.
Avant la conférence de presse, le ministre français a visité l’ambassade devant laquelle, selon des témoins, la voiture piégée a été garée pendant quelques minutes seulement, avant d'exploser. Les autorités libyennes ont ouvert une enquête pour comprendre notamment où se trouvaient les gardes libyens chargés de la surveillance de l'ambassade au moment de l'explosion. La sécurité autour des autres chancelleries étrangères a, entretemps, été renforcée.
Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd si l'attentat, commis vers 07h, heure locale, avait eu lieu deux heures plus tard, car le personnel, sans compter les Libyens qui viennent chercher leurs visas, se seraient alors trouvés sur place. « On a évité un vrai carnage », a dit un conseiller à la mairie de Tripoli, joint par RFI.
Des mesures de sécurité insuffisantes
« On constate, en Libye, que les forces de sécurité policières ou militaires qui répondent au gouvernement libyen sont extrêmement faibles par rapport aux milices qui continuent d’exister », note Lazare Beullac, rédacteur en chef de la lettre spécialisée Maghreb Confidentiel, joint par RFI.
Il ajoute qu’il y avait, en termes de sécurité au sein des Français présents en Libye, « deux sons de cloche » : un discours diplomatique « relativement rassurant en provenance notamment de l’ambassade » et, en même temps, la démarche de toutes les sociétés présentes en Libye qui font appel à « des compagnies de sécurité privées ». Lazare Beullac précise par ailleurs que certaines de ces sociétés avaient annoncé, dans les semaines précédentes, qu’elles « quittaient la Libye » parce qu’elles ne pouvaient pas assurer la sécurité de leurs cadres et de leurs employés. « Donc, il y avait quand même un climat d’inquiétude qui aujourd’hui semble justifié », conclut-il.
« La Libye, un fief pour les organisations terroristes »
Il s'agit de la première attaque contre des intérêts français en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, en 2011. L’attentat, qualifié « d’acte terroriste » par les autorités libyennes, survient dans un contexte d’insécurité croissante dans le pays où des milices continuent de faire la loi. Il survient également dans un contexte régional marqué par le conflit au Mali où l’armée française est intervenue contre les groupes armés islamistes radicaux tels que le Mujao, Ansar Dine ou encore al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
L’attentat a blessé deux gendarmes français, dont un grièvement atteint, et provoqué d’importants dégâts. Pour le moment, l’attaque n’a été revendiquée par aucun groupe terroriste, mais la Libye semble devenir un fief important pour les différentes organisations terroristes.
Joint par RFI, Louis Caprioli, ancien numéro deux de la Direction de la Surveillance du territoire (DST), spécialiste de la lutte contre le terrorisme, considère que cet attentat est un signe clair des liens existants entre les djihadistes libyens et le groupe Aqmi. « Je pense qu’il y a une implication locale de djihadistes libyens qui ont des liens historiques avec les gens d’al-Qaïda au Maghreb islamique », a-t-il estimé avant de poursuivre : « Aqmi, n’ayant plus la capacité de frapper au Mali, ni celle non plus de frapper les intérêts français en Libye, va s’appuyer sur une organisation frère », a affirmé Louis Caprioli.
C’est dans le sud de la Libye que seraient réfugiés les éléments d’Aqmi, en fuite depuis le Mali. Environ 300 katibas différentes seraient actuellement basées dans le sud libyen, d’après les services français. Sans sécurisation, la zone pourrait devenir le nouveau sanctuaire des dijihadistes dans la région.
Joint par RFI, Hasni Abidi, chercheur et spécialiste de la Libye au Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, considère que la Libye constitue « un refuge très important pour des membres influents, soit d’Aqmi soit d’autres groupes extrémistes » non seulement parce que « le gouvernement libyen est absent et faible » mais aussi « par la quantité d’armes et parce qu’ils peuvent trouver des soutiens importants dans leurs actions », a affirmé ce spécialiste de la Libye.
Onde de choc à Tripoli
L'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli a provoqué une véritable onde de choc dans la capitale. Des Français mais aussi des Libyens ont défilé, incrédules, devant le bâtiment à moitié calciné toute la journée de ce mardi. Certains ne comprennent pas pourquoi on s'en prend à la France qui a apporté en 2011 son soutien aux rebelles. D'autres s'inquiètent des conséquences de cet attentat.
Le soutien de l’ancien président français Nicolas Sarkozy aux rebelles libyens est encore dans toutes les mémoires et les relations entre les deux pays, ces derniers mois, étaient bonnes. « On ne sentait aucune menace contre les intérêts français ; au contraire », dit Khaled Djellali, directeur des relations internationales de la ville de Tripoli, joint par RFI.
Certains craignent que ce climat d'insécurité crispe les relations entre les deux pays ou rebute certains entrepreneurs qui auraient voulu venir s'y installer. Joint par RFI, un habitant de la capitale pointe l'insécurité qui prévaut toujours, plus d’un an après la chute de Mouammar Kadhafi, ainsi que l'incapacité du gouvernement actuel à stabiliser la situation. « J’espère que cela ne se reproduira pas. C’est vraiment très malheureux. Nous rêvions que dorénavant, les compagnies étrangères allaient revenir en Libye pour investir et reconstruire le pays… mais après cela, je ne sais vraiment pas ce qui va se passer », se demande Hamad.
TAGS: DÉFENSE - FRANCE - LAURENT FABIUS - LIBYE - TERRORISME

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