samedi 23 mars 2013

Et si le massif des Ifoghas, où pleuvent les bombes françaises, était aussi un centre d’art contemporain?


Et si le massif des Ifoghas, où pleuvent les bombes françaises, était aussi un centre d’art contemporain?

La région du nord Mali, aussi appelée Azawad où se concentrent actuellement les combats, semble être une source inépuisable d'inspiration pour des cyber artistes-citoyens maliens et sahéliens. L’introduction récente d’outils de création numérique bon marché y a engendré une déferlante d'images circulant via Facebook et les téléphones portables. L’Art Digital du Sahel, une exposition à Paris, montre ces oeuvres amateurs qui révèlent, à travers une esthétique maladroite, criarde et kitsch, les espoirs, désirs et fantasmes des habitants de la région.
Création de Bazoumana Sanogo,designer autodidacte. Un jeune Africain se libère de ses chaines devant une tour Eiffel en feu.
On y découvre un adolescent noir, coiffé d’un chapeau de shérif, se libérant de ses chaines devant une tour Eiffel en feu. Mais aussi l’image d’un passeport imaginaire de la république de l’Azawad ou encore la photo montage de la statue de la liberté levant fièrement le drapeau Amazigh.
Passeport imaginaire de la république de l’Azawad.
Ces œuvres, créées avant et pendant l’opération Serval de l’armée française (qui a démarré le 11 janvier 2013), évoquent le désir d’indépendance de la population Touareg du Nord du Mali ( Celle ci représente 10% de la population) Désir récurent depuis 1968 et qui fut réitéré début 2012 par le Mouvement National pour la libération de L’Azawad.
Photo-montage, la statut de la liberté tient le drapeau Amazigh.
D’autres images, moins politiques, révèlent des aspirations plus communes. Certains s’imaginent poser aux côtés de pop stars américaines tels que Nicky Minaj ou Justin Bieber, quand d’autres désirent simplement une voiture de luxe.
Photo montage de Iyozin Camzo. L’une de ses amies est au coté de la pop star Américaine Justin Bieber dans un décor de nature, entourée d’un gnome, d’un poney et d’une fée.
“Je vois beaucoup d’espoir dans ces images. Les jeunes explorent la culture digitale pour la première fois, ils n’ont pas d’idées préconçues de ce que ça devrait être” explique Christopher Kirkley, commissaire de l’exposition au Comptoir Général, à Paris. “C’est aussi un moment intéressant ou la situation politique se traduit visuellement”
Image populaire circulant sur Facebook en Afrique de l’ouest. L’image montre une carte de l’Azawad probablement crée sur un téléphone portable.
Christopher Kirkley, originaire de Portland et diplomé de bioingénierie, s’est ré-inventé ethno-musicologiste. Il a arpenté le Sahel durant plus de trois ans. Son blog, Sahel Sounds est une référence en termes de musique et de culture Sahélienne. Il y analyse les différentes formes de communication, aussi bien visuelle que musicale.
Music From Saharan Cellphones, deux volumes sortis en 2010 et 2011, sont des compilations de tubes glanés dans le Sahara. De la pop touareg au rap azawadien, elles livrent des sons inattendus, introuvables aussi bien en Occident que sur Internet. Et pour cause: ces sons ne circulent que d’un téléphone portable à l’autre. En Afrique, où l’on compte 600 millions de téléphones pour un milliard d’habitants, le téléphone portable a révolutionné le quotidien et sert aussi de disque dur et de lecteur mp3. De fait, le désert à créé son propre réseau de distribution musicale, par Bluetooth.
“Ce réseau fermé défie notre conception d’internet, affirme Christopher Kirkley. Nous avons tendance à penser qu’Internet possède toute la connaissance du monde. Ce réseau au Sahel nous prouve qu’il y a des données qui nous échappent et suggère qu’il y a sans doute d’autres réseaux analogues dans le monde”.
C’est en se rendant compte que les téléphones portables possédaient aussi des archives d’images amateurs que Christopher Kirkley s’est lancé dans son projet d’exposition.
Photo montage créé par Iyozin Camzo et posté sur son Facebook. Trois jeunes filles posent dans un décor kitsch, étoilés et fleuris.
“En archivant des sons trouvés sur des téléphones portables, j’ai découvert que les gens s’échangeaient aussi des images. Je me suis intéressé à celles-ci parce certaines évoquaient l’émancipation de l’Azawad. Quand je suis retourné aux Etats Unis, j’ai gardé contact via Facebook avec beaucoup d’amis rencontrés sur place. Mon mur s’est rempli d’images amateurs que mes amis postaient. C’est ainsi qu’est né le projet d’exposition”, poursuit ce passioné du Sahel.
A l’heure ou l’armée francaise guerroie au Sahel, les artistes amateurs de la région, surpris et très amusés à l’annonce de l’exposition, n’ont eux, pas eu la chance de pouvoir se rendre en France.
Création de Cheikh Amadou Ouattara, informaticien spécialisé dans l’animation, habitant de Bamako. Il pose avec une de ses créations digitales: un tigre géant en 3D.

L'Art Digital du Sahel
Au Comptoir Général
80, quai de Jemmapes
75010 Paris - FRANCE
du 14 février au 14 avril 2013
www.sahel-digital-art.org
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À propos de doramoutot

Dora Moutot est une jeune journaliste franco-américaine , chasseuse de tendances et licorne à mi temps.Passionnée par les sous cultures et les mouvements esthétiques émergents, je suis spécialisée dans les tendances de société de niche et les tendances visuelles, de la mode à l’art contemporain. Vivant entre Londres et Paris, j’ai été diplômée en 2012 de la Central St Martins en communication et journalisme de mode, ainsi que de l’Atelier Chardon Savard en stylisme en 2008. Je suis ravie de faire partie du Monde Académie, je veux insérer du FUN dans ce journal si sérieux!

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