lundi 28 janvier 2013

Actualités : HAMA AG SID AHMED, PORTE-PAROLE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DU MNLA : «Nous restons pleinement engagés à lutter contre les groupes terroristes»





Entretien réalisé par Tarek Hafid
Le Mouvement national de libération de l’Azawad a engagé un processus de redéploiement de ses unités combattantes dans les territoires du Nord-Mali. Dans cet entretien, le porte-parole de Bilal Ag Achérif, actuel président du Conseil transitoire de l'Azawad, réitère la volonté de cette organisation politique à lutter contre les groupes terroristes. Hama Ag Sid Ahmed estime que les populations civiles des territoires du Nord pourraient, à l’avenir, être victimes d’exactions commises par les troupes maliennes et celles de la Cédéao.
Le Soir d’Algérie: Vous étiez récemment dans les territoires du Nord, quelle est actuellement la situation dans la région de l’Azawad ?
Hama Ag Sid Ahmed :
La situation est difficile sur le terrain. Dans la région de Gao et Tombouctou, les populations civiles vivaient sous la peur des groupes terroristes. Depuis le déclenchement des opérations militaires, ces mêmes populations ont peur des représailles des soldats maliens et des armées de la Cédéao. Les communautés ont également peur des frappes aériennes mal ciblées. Plus au nord, dans la région de Kidal, la situation est plus calme. Mais nous constatons un déplacement de populations vers la frontière algérienne. La peur de représailles de la part de militaires qui connaissent mal la région est réelle. J’annonce officiellement que nous allons suivre de très près tous les militaires qui commettront des exactions et que nous n’hésiterons pas à poursuivre devant les juridictions internationales. Ce n’est pas tout, nous devons également faire face à une problématique sur les plans alimentaire et sanitaire. Nous aurions souhaité qu’il y ait un corridor humanitaire qui soit ouvert pour gérer cette situation. Il n’y a pas d’organisations humanitaires qui s’impliquent sur le terrain alors que nous voyons qu’elles sont très nombreuses dans des régions où le risque sécuritaire est identique, voire même plus important. Le MNLA est prêt à assister les ONG qui décident de venir dans la région. Aujourd’hui, de nombreuses familles ne parviennent plus à se nourrir et à se soigner. Et cela risque de s’aggraver dans les prochaines semaines.
Le Mouvement national de libération de l’Azawad a récemment tenu son second congrès ordinaire à Tinzawatane, à la frontière avec l’Algérie. Quelles ont été les principales résolutions adoptées par ce congrès ?

Il était important que tous les membres actifs du MNLA puissent se rencontrer pour faire le bilan des actions et événements de ces six derniers mois. Nous sommes parvenus à la conclusion qu’il fallait impérativement restructurer les organes politiques et les unités militaires. Militairement, le MNLA n’était plus réellement présent sur le terrain et il régnait une sorte de cacophonie au niveau politique. Il fallait très vite en finir avec tout ça. La situation s’est aggravée, nous devions changer de stratégie pour reprendre le contrôle de la situation. Sur le plan militaire, il a été décidé de créer trois grandes unités de combat ainsi qu’une unité d’appui qui sera chargée de la sécurité intérieure et de la lutte contre toute forme de trafics, notamment celui des stupéfiants. Les trois unités combattantes portent les noms des chahids Ag Bahanga, Fihroun et Ag Al Bashir. Des dispositions ont été prises pour assurer leur équipement et leur financement.
Dans ses résolutions finales, pour quelles raisons le congrès du MNLA ne s’est-il pas prononcé sur l’opération militaire engagée par l’armée française ?
Effectivement. Je rappelle que notre congrès s’est déroulé du 8 au 10 janvier et que l’intervention militaire française a débuté tout de suite après. Et il faut dire qu’elle s’est déroulée dans la précipitation car il n’était pas question pour la France d’intervenir aussi vite. Le MNLA a toujours été pour des frappes ciblées contre les groupes terroristes présents au Nord-Mali, à condition, bien sûr, qu’elles ne touchent pas les populations civiles. Pour l’heure, notre position n’a pas changé : nous restons pleinement engagés à lutter contre les groupes terroristes. En fait, ce sont les mêmes groupes terroristes qui ont conduit à une intervention militaire étrangère au Mali, ce n’est certainement pas le MNLA, comme certains ont tenté de le faire entendre. Actuellement, nous suivons de très près la situation militaire sur le terrain pour réagir. Nous verrons dans les jours ou les semaines qui viennent quelle forme prendra notre action.
Votre décision prendra forme à mesure que les forces françaises et de la Cédéao remonteront vers le nord…
Bilal Ag Achérif, le président du Conseil transitoire de l'Azawad, avait fait une déclaration dans laquelle il expliquait très clairement que le MNLA ne s’allierait pas à la Cédéao. Nous estimons que ces forces, pilotées par l’armée malienne, ne connaissent pas la région et elles risquent fort de s’engager dans une guerre contre la «peau blanche». Cela risque de devenir très dangereux. Ces forces armées ne feront aucune distinction entre les populations civiles et les groupes terroristes. Paradoxalement, nous savons que les militaires maliens connaissent parfaitement les positions exactes des organisations terroristes pour avoir «travaillé» avec elles du temps d’Amadou Toumani Touré pour assurer le transfert de la drogue. Les connexions entre certains officiers maliens et les chefs d’Aqmi et du Mujao sont connues et existent toujours. Voilà pourquoi nous privilégions les frappes aériennes ciblées au déploiement de troupes dans l’Azawad. Avez-vous transmis ce message aux autorités françaises Ce sont elles qui conduisent réellement les opérations sur le terrain…
Les forces françaises sont actuellement à Douanza, au-delà du fleuve Niger. Donc, elles n’ont pas encore atteint Gao et Tombouctou. Nous suivons avec intérêt les opérations sur le terrain. Je pense que nous aurons également à nous concerter avec les autorités françaises.
Des discussions étaient prévues ces derniers jours Ouagadougou entre le MNLA et les autorités. Que ressort-il de cette rencontre ?
Le MNLA a désigné une délégation pour prendre part à cette rencontre prévue les 21 et 22 janvier à Ouagadougou. Cette initiative a été appuyée par le second congrès ordinaire. En fait, semble que le contexte ait été mal choisi, les représentants des autorités de Bamako n’étant pas réellement engagés à vouloir se réunir avec les représentants de l’Azawad. Nous constatons qu’ils traînent les pieds. Ils comptent peut-être sur une récupération des territoires du Nord au terme de l’opération militaire française. Pour notre part, nous restons réalistes : aujourd’hui encore, il n’y a pas un pouvoir politique légitime à Bamako.
Le MNLA et Ansar Dine avaient signé un accord pour engager un dialogue avec les autorités maliennes et pour lutter activement contre le terrorisme. Pourquoi Ansar Dine ont-ils finalement rejeté les termes de cet accord pour s’engager aux côtés d’Aqmi et du Mujao ?
Il faut avant tout préciser que cet accord ne s’est jamais réellement matérialisé. La raison de ce revirement est très simple : Ansar Dine ne voulait pas aller dans le bon sens. Il faut dire que certains responsables de cette organisation sont extrémistes pour lesquels il n’était pas question d’avoir un territoire ou un espace bien définis. Ils partagent les mêmes objectifs qu’Aqmi et le Mujao, c’est-à-dire prendre la totalité du territoire malien.
Les parties qui ont fait confiance à Ansar Dine, notamment notamment le MNLA et le gouvernement algérien, se sont engagées dans une impasse et ont perdu beaucoup de temps…
J’estime qu’il y avait une véritable volonté de récupérer, au sein d’Ansar Dine, des personnes encore fiables. Des personnes ressources avec qui il était possible de discuter pour asseoir un projet politique loin de tout extrémisme. Mais avec le temps, il est apparu que parmi les leaders, certains n’étaient plus récupérables.
L’objectif a-t-il été atteint avec cette scission au sein d’Ansar Dine ?

Les «personnes ressources» se sont-elles finalement démarquées des leaders extrémistes ? Il me semble que c’est une bonne initiative. Ceux qui n’adhéraient pas à l’idéologie d’Ansar Dine, qui, faut-il le préciser, est devenue identique à celle des autres groupes terroristes, ont réussi à créer leur propre organisation. Dans leur communiqué, ils annoncent clairement leur volonté de combattre ces groupes terroristes. Nous verrons par les actes ce qui se produira sur le terrain dans les jours qui viennent.
Le MNLA est-il en contact avec le Mouvement islamique pour l’Azawad ?
Il y a des contacts. La décision de scission est le fruit d’un long processus.
Peut-on considérer aujourd’hui qu’Ansar Dine est affaibli ?
Ce groupe avait une assise locale, composée essentiellement de Touareg de la région de Kidal. Aujourd’hui, ce sont les notables de cette région qui sont sortis d’Ansar Dine. Le secrétaire général du Mouvement islamique pour l’Azawad n’est autre que Alghabass Ag Intalla, ancien député de Kidal. Il était, aux côtés d’autres responsables locaux, le garant de légitimité d’Ansar Dine aux yeux des populations de la région. Ce groupe a finalement été vidé de sa substance.
T. H

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