lundi 10 décembre 2012

Fuite ou stratégie ? : Les islamistes d’AQMI quittent la ville de Tombouctou

Fuite ou stratégie ? : Les islamistes d’AQMI quittent la ville de Tombouctou 5 heures | 1 commentaire Un islamiste clame sa joie après la destruction d’un mausolée à Tombouctou. Depuis janvier 2012, Tombouctou et environs sont occupés par les combattants d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), Kidal par Ansar Dine et Gao par le MUJAO. Très stricts dans l’application de la charia, telle qu’ils l’interprètent, les responsables d’AQMI ont vite soumis les Tombouctiens à leur fameux tribunal religieux et au règne du fouet. Pour un pantalon qui dépasse la cheville, une tête non « correctement » voilée ou un collier porté par les dames à la hanche, les miliciens barbus multipliaient les rafles, les incarcérations et les flagellations. Combattants et miliciens étaient omniprésents en ville. C’est donc avec étonnement que les populations, depuis jeudi dernier, ont vu soudain disparaître de la ville tous les combattants et miliciens d’AQMI qui y étaient positionnés. « Depuis jeudi, nous raconte un habitant, on ne voit aucun islamiste en ville ni dans la périphérie. Au début, nous avons cru qu’il s’agissait d’un départ momentané des combattants vers le désert car ils avaient l’habitude de se fondre dans la nature au petit soir pour revenir en ville le lendemain à l’aube. Mais depuis jeudi, ils ne sont plus revenus. ». Un autre habitant se dit convaincu que les islamistes ont abandonné Tombouctou pour de bon: « Depuis l’occupation de la ville, les islamistes ne l’ont jamais désertée en masse. Ils laissaient toujours, en cas de déplacement, un gros contingent derrière eux, dans les camps, pour surveiller leurs bagages et effectuer des patrouilles en ville. Depuis jeudi, il n’y a ni patrouille ni contrôle. On ne voit aucun combattant ou milicien. Vendredi soir, une de mes voisines est tombée gravement malade. Nous l’avons transportée d’urgence dans les locaux de l’ex-BMS qui servent de quartier général aux islamistes. Nous étions venus chercher un véhicule pour conduire la malade à l’hôpital. Nous n’avons trouvé au Q.G. qu’un combattant noir non armé qui nous a dit d’aller voir ailleurs puisque lui ne s’occupait de rien et ne disposait d’aucun véhicule à son niveau.« . Les combattants d’AQMI, dont on voyait auparavant au moins une centaine aux points stratégiques de la ville, ont emporté non seulement leurs armes et véhicules, mais aussi – signe éloquent – leurs bagages. Ce constat fut confirmé par plusieurs Tombouctiens ordinairement chargés de préparer de la nourriture pour les occupants. Interpellé par des habitants, l’imam de la grande mosquée de Djingareyber, Ben Es-Sayouti, jure ne rien savoir de la disparition subite des occupants. En tant que notable et, donc, interlocuteur privilégié des occupants, l’imam aurait dû, en principe, être avisé de leur départ ou, à tout le moins, recevoir des consignes de leur part. En fait, seul reste encore à Tombouctou un groupuscule de 9 à 13 adeptes qui vivent retranchés dans une petite pièce de l’ex-BMS.Une source nous explique: « Ce sont de jeunes gens de peau noire recrutés par AQMI dans les alentours de Tombouctou. Au plus fort de l’occupation, ces garçons étaient marginalisés et s’en plaignaient ouvertement.Tout porte à croire qu’ils sont abandonnés à présent et ne savent plus quelle conduite tenir. En attendant de s’enfuir eux aussi, ces jeunes, qui n’ont ni informations de leurs ex-employeurs ni liens avec la population, se barricadent dans leur ex-quartier général, tels des orphelins.« . Vendredi, les habitants de Tombouctou n’ont vu aucun milicien armé dans le marché ou au bout des rues. Cela n’était jamais arrivé depuis le début de l’occupation. Auparavant, chaque vendredi, peu avant 11 heures du matin, des groupes de miliciens armés sillonnaient la ville, interpellaient les femmes « mal » vêtues et les hommes au pantalon trop long; les miliciens invitaient aussi les personnes rencontrées à cesser tout commerce pour se rendre à la prière du vendredi. Les récalcitrants subissaient des sanctions plus ou moins lourdes. De plus en plus convaincues que les occupants sont partis définitivement, les habitants de Tombouctou se libèrent sans crainte de la discipline comportementale où les avait installés AQMI. Les petits « grins » de thé reprennent droit de cité et l’on fume à grosses volutes en pleine rue. Les femmes ne sont pas en reste, ayant abandonné le voile. Fuite ou stratégie ? L’on se demande ce qui se cache derrière cette retraite volontaire d’AQMI de Tombouctou. Des habitants croient savoir qu’AQMI, désargentée, en a marre de gouverner une cité comme Tombouctou et retourne à sa vocation originelle: le maquis et la guérilla. D’autres pensent que les islamistes se redéploient dans le grand désert tout en gardant un oeil sur la ville, prêts à rappliquer aussitôt qu’une troupe étrangère tenterait d’en prendre le contrôle.D’aucuns voient dans la retraite d’AQMI une conséquence des discussions de Ouagadougou: le Mali ayant fait de l’évacuation des villes occupées un préalable à tout accord, AQMI ne voudrait pas gêner ses alliés d’Ansar Dine. Il y a là quantité de théories mais aucune certitude. Les prochains jours nous édifieront davantage. En attendant, il aurait été souhaitable que l’armée nationale profite du désarroi actuel des islamistes pour lancer une offensive sur toutes les villes où leur présence n’est pas considérable. A Douentza, Léré et Ténenkou, par exemple, les islamistes ne sont pas physiquement présents mais l’armée nationale craint de s’y aventurer. Tombouctou pourrait connaître le même mode d’occupation virtuelle – et non réelle – si l’armée malienne reste l’arme au pied. Et ce mode est à l’avantage des islamistes dans la mesure où ils positionnent leurs troupes dans des localités les plus stratégiques tout en tenant l’armée en respect, et sans combat, dans les localités les moins névralgiques. Tiékorobani, Abdoulaye Guindo et S. Touré (correspondant à Tombouctou). Source : Procès Verbal Maliactu du 10 décembre 2012

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