dimanche 19 février 2012


Aqmi, Touaregs, milices, de nombreux acteurs sont accusés de tous les maux dans une zone où l’action militaire occidentale peine à trouver sa place.

Le Sahel, région de trafics et d’attraits pour la France.

Aqmi, Touaregs, milices, de nombreux acteurs sont accusés de tous les maux dans une zone où l’action militaire occidentale peine à trouver sa place.
Henri de Raincourt, ministre de la Coopération s’est indigné lundi 13 février des « exécutions sommaires » perpétrées par des milices Touaregs à Aguel’hok, dans le nord-est du Mali. Une région complexe par la diversité des populations, souvent nomades, qui y habitent et la difficulté pour les Etats à assurer la stabilité dans un espace où ils envisagent la construction d’une base militaire. Elle est particulièrement sensible pour la France dont de nombreux représentants ont été enlevés par des groupes armés, la plupart du temps désignés comme affiliés à Aqmi (al-Qaïda au Maghreb Islamiste).
Toutefois, l’accusation immédiate des Touaregs et d’Aqmi ne rend pas compte de la complexité de cette région. Le spectre d’Aqmi existe, mais il est difficile de savoir qui fait quoi. Dans le Nord Mali, il y a de nombreuses ethnies Maures, Kountas, Touaregs), rien ne prouve que ce sont des Touaregs ou des islamistes qui ont commis ces actes. « Le lien entre les Touaregs et Al Quaida mériterait d’être très nuancé car, d’une manière générale, les relations entre eux et les peuples arabophones sont loin d’être apaisées », explique Luc Cambrezy, Directeur de recherche à l’IRD et Professeur à l’Université de Paris 8.

Autodétermination pour l’Azawad

Il existe divers courants chez les Touaregs. Certains ont fait connaître leur volonté et leur disponibilité dans la lutte contre Aqmi faisant valoir leur connaissance du terrain. D’autres sont considérés comme des rebelles comme le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), une région du Nord Mali. Ses buts sont d’obtenir l’indépendance et l’autodétermination de l’Azawad. Ses membres se définissent comme un « mouvement politico-militaire pour l’ensemble du peuple de l’Azawad ». Il est issu des mouvements Touaregs armés des années 1990 et 2000.
Il est accusé par le gouvernement malien d’être allié à Aqmi et d’avoir organisé l’attaque sur Aguel’hoc, ce que le mouvement dément. Celui-ci déclare « rejeter le terrorisme et l’extrémisme sous toute ses formes qu’il provienne d’un groupe ou d’un État ». Mais l’insécurité est un problème réel dans la région comme le prouvent les nombreux enlèvements recensés. « On est dans une logique commerciale de l’otage » explique Anne Giudecelli, qui dirige le cabinet d’analyse Terrorisc. « L’arrivée de milice quittant la Libye a redistribué les cartes et fait apparaître de nouveaux acteurs », ajoute la consultante.
Si bien qu’Aqmi n’a plus le monopole des négociations dans les enlèvements, le nébuleuse islamiste souffre du jeu de la concurrence. Précédemment, lors de prises d’otages, les kidnappeurs passaient par Aqmi. Dorénavant, ils se passent de cet intermédiaire.

De nombreuses opérations militaires mises en place

Face à cette diversification des risques, les pays occidentaux font évoluer leur stratégie. Nicolas Sarkozy, appuyé par Londres et l’Union européenne souhaite la création d’une base militaire dans la région afin de former des militaires maliens et de sécuriser la zone. « Un projet qui fait fantasmer de nombreux pays », explique Anne Giudecelli. Toutefois, elle rappelle que la construction d’une base n’est « officiellement » pas au programme.
D’autant plus que la coopération militaire est extrêmement développée dans la région. Dans un premier temps, l’initiative Pan-Sahel, a été lancée par le département anti-terroriste américain pour assister le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie à détecter et répondre aux menaces des mouvements de populations suspicieuses à leurs frontières.
Dans un deuxième temps, il y a eu le Trans-Saharan Couterterrorism Initiative (TSCTI) créé par les Etats-Unis en partenariat avec l’Algérie, le Maroc, Le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Nigéria et la Tunisie. Un des résultats a été la participation de la France au programme Flintlock en 2005 (du nom d’un pistolet à silex) dont le but est de former des soldats locaux via l’utilisation des forces spéciales.

Nouvelles menaces

L’objectif était d’accroître la capacité des forces africaines à arrêter le commerce illicite des armes, la lutte contre le terrorisme, les marchandises illégales et le trafic humain, l’amélioration de commandement, de contrôle et des communications, de tir de précision, les compétences médicales et connaissances sur les droits. Aujourd’hui le commandement a été transféré au commandement unifié pour l’Afrique, plus connu sous le nom d’Africom.
Finalement, en décembre 2011, un groupe composé des ministres de la Défense de cinq pays d’Afrique (Algérie, Libye, Tunisie, Maroc et Mauritanie) et de cinq pays européens (Espagne, France, Italie, Malte et Portugal) s’est réuni à Nouakchott afin de renforcer et coordonner les actions contre l’insécurité. Une inquiétude provoquée notamment par Aqmi et la prolifération de groupes armés venus de Libye qui quittent le pays suite à la défaite de Kadhafi.
La France est particulièrement active dans la région du fait de ses intérêts (notamment des mines d’uranium à Arlit au nord Niger), et a des partenariats bilatéraux de coopération militaire afin de former, entrainer et équiper les armées locales. Ces nombreuses initiatives montrent la crainte que les Etats occidentaux ont de voir cette région basculer dans le terrorisme et les problèmes des régimes locaux à gérer leur sécurité interne.
Toutefois, Anne Giudicelli rappelle que « la France n’a pas intérêt à s’exposer comme une puissance militaire forte dans la région ». Un bourbier sahélien n’apporterait rien de bénéfique à l’ancienne puissance coloniale. Mais elle ne peut s’offrir le luxe de laisser se créer une zone de non droit : « tout cela doit être considéré au regard d’un grand nombre de sujets ; notamment celui du contrôle des flux migratoires de ces pays vers la France à travers un certain nombre d’accords bilatéraux », conclut Luc Cambrezy.

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