dimanche 18 décembre 2011

Rapt d’humanitaires : le torchon brûle entre le Mali et le Polisario

Par  |  | 
 T     
Les trois otages enlevés dans le camp de Hassi Rabuni.
Sur fond de poursuites des suspects impliqués dans l’enlèvement de trois Européens commis le 23 octobre dans le camp de Hassi Rabuni, le Front Polisario et les Maliens se renvoient la balle et les "politesses".
L’arrestation d’un Sahraoui porte à onze le nombre d’individus interpellés par les services de sécurité sahraouis cette affaire, a indiqué vendredi à Tifariti le ministre sahraoui de la Défense, M. Mohamed El Bouhali. Celui-ci a précisé que lors de l’arrestation d’un groupe activant au sein d’un réseau de crime organisé, il y a dix jours, à 90 km au sud du camp de réfugiés de Dakhla et à 150 km au sud-est du camp de Hassi Rabuni, un membre de ce groupe a été abattu après avoir résisté à l’interpellation.
Il a ajouté que le cerveau de ce groupe, d’origine malienne, s’adonnant au trafic de drogue et entretenant des connexions avec des groupes terroristes, est entre les mains des autorités sahraouies. Parmi les onze membres de ce groupe arrêtés par les autorités sahraouies figurent notamment des Maliens, des Sahraouis et un Mauritanien.
Mohamed El Bouhali a également indiqué que ce groupe avait été appréhendé alors qu’il était "à la recherche d’un repreneur des trois otages", suite à "l’échec de l’opération de leur rachat par El Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)". A ce propos, Aqmi s’était lavé les mains de toute participation à cette enlèvement, dans une déclaration rendue publique.
Selon El Bouhali, ce réseau était composé de deux groupes de trafiquants, dont le premier comprend sept individus, qui activent essentiellement dans le nord du Mali, et un deuxième groupe composé de cinq éléments activant dans le Grand Sahara et dans le nord du Mali.
Les trois ressortissants européens enlevés sont Aino Fernandez Coin, de nationalité espagnole, membre de l’association des Amis du peuple sahraoui d’Estrémadure (Espagne), Enrico Gonyalons, de nationalité espagnole, membre de l’ONG espagnole Mundubat, et Rossella Urru, une Italienne, membre de l’ONG italienne Ccispp. Ils travaillaient tous les trois sur des projets humanitaires dans les camps de réfugiés sahraouis.
Le Polisario avait au début accusé Aqmi d'être derrière leur enlèvement. Cependant, leur rapt a été revendiqué par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, (Mujao), un groupe inconnu jusque-là qui s’est présenté comme étant un dissident d'Aqmi ; ce mystérieux groupe qui veut porter son combat jusqu'à l'Afrique de l'Ouest avait même diffusé une vidéo des trois otages. 
Le Polisario accuse le Maroc 
Le ministre sahraoui a ouvertement accusé les services de sécurité du Maroc d’être "derrière cet acte terroriste", affirmant que ces derniers "étaient surpris d’apprendre l’arrestation de ce groupe de criminels". M. El Bouhali a indiqué aussi que les autorités marocaines avaient contacté le Burkina Faso pour engager une "médiation pour la libération des trois ressortissants européens enlevés". Le ministre ne dit pas pourquoi le Maroc engagerait une médiation. Cependant, il faut rappeler aussi qu’Abdelkader Messahel s’était également déplacé au Burkina Faso, juste après l’enlèvement des trois humanitaires. 
Dans cette affaire se mêlent rivalités entre le Maroc et le Polisario, violations de territoire, le trafic de drogue et les otages. Aussi, ce n’est pas évident d’y voir clair, alors ce sont des vies humaines qui sont en jeu. Une chose est cependant claire : la version avancée par le Front Polisario tranche fortement avec celle du Mali.
Le Mali "n'acceptera plus" la violation de son territoire
Les forces de sécurité ont donc pénétré dans le territoire malien. Ce qui constitue une violation de l'intégrité de ce pays par un Front polisario qui se débat depuis des semaines pour se dégager de cette affaire d'enlèvement survenu dans un de ses camps. "Le Mali n'acceptera plus la violation de son intégrité territoriale par le Front Polisario. Chez nous, ce n'est pas le Far West où on vient tuer, enlever des gens et nous l'avons déjà fait comprendre à qui de droit. La prochaine fois, nous prendrons nos responsabilités", a averti un ministre malien. Pour lui, les "raisons de cette intrusion ne tiennent pas debout, surtout que la personne tuée et celles enlevées n'ont rien à voir avec les ravisseurs des otages européens enlevés à Tindouf", dans l'ouest de l'Algérie.
Pour sa part, le Polisario reconnaît le fait et affirme exercer son "droit de poursuite" pour arrêter "des complices" d'Aqmi accusés d'avoir enlevé ces trois personnes, mais en réalité il s'agit là d'un "règlement de comptes entre trafiquants", a-t-on indiqué de source sécuritaire malienne.
Lors de leur incursion dans la région administrative de Tombouctou (nord du Mali), les hommes armés du Polisario ont tué Mohamed Yeyia Ould Hamed, dit "Double-Tête", dont ils pensaient qu'il avait participé à l'enlèvement des trois Européens, et ont emmené au moins trois autres hommes avec eux. De source sécuritaire malienne, on précise que ces arrestations et l'incursion du Polisario en territoire malien au cours de laquelle est mort "Double-Tête", sont une seule et même affaire.
Voilà une polémique qui ne pacifiera pas les relations entre voisins et compliquera certainement la lutte commune contre des groupes terroristes de plus en plus puissants.
Sofiane Ayache/Agences

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire