vendredi 14 octobre 2011


Seydou Kaocen Maïga : "L’emploi des populations locales est pratiquement « nul » dans le nord Niger"
Ancien porte-parole de l’ex-rébellion
Afrik.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de votre mission à Agadez ?
Seydou Kaocen Maïga
 : Je suis Seydou Kaocen MAïGA. Nous sommes à Agadez dans le cadre d’un projet organisé par l’Alliance pour la Consolidation de la Paix (ACP-Alher) dont je suis le SG sur financement de l’USAID. L’ACP-Alher a été créée sur l’initiative des cadres de l’ex-résistance après les accords de Paix, afin de trouver un cadre formel de contribution pour la Paix. Sa mission principale est de mener toutes actions, à même de consolider la paix retrouvée, d’aider à unir les Nigériens entre eux et de promouvoir le développement local sans lequel la paix serait illusoire. Aujourd’hui sur recommandations du Forum sur la Paix que nous venons de tenir, l’ACP-Alher devient l’ACP-Alheir (Alliance pour la Construction de la Paix), car notre paix est à construire avant d’être consolidée !
Afrik.com : Vous venez d’effectuer une grande tournée suivi d’un forum dit « Forum de la Paix » à l’intérieur du pays plus précisément à Agadez. Pourquoi cette caravane et ce forum ?
Seydou Kaocen Maïga :
 Cette caravane a été organisée pour les raisons suivantes : le manque d’un programme national (officiel) d’appui au retour des ex-combattants ; le manque d’accompagnement des ex-combattants de retour de Libye ; le manque d’une dynamique de sensibilisation pour la paix car les populations ont subi trois années de conflit mais aucun dialogue constructif n’a été établi entre elles, les pouvoirs publics et les parties en conflit (Forces de défense et ex-fronts) ; le manque jusque là, de volonté politique pour mener des actions concrètes envers les ex-combattants et les populations pour savoir quelles sont les raisons profondes des soulèvements et leur trouver des solutions idoines et définitives ; le besoin d’entendre les populations pour savoir leur choix des axes de développement
Afrik.com : Quels enseignements tirez-vous de cette caravane et de ce forum ? Seydou Kaocen Maïga : Les Enseignements tirés sont une disparité flagrante entre les ressources minières locales et le niveau de vie des populations ainsi que l’état des communes ; l’engagement des populations dans leur ensemble pour la construction de la paix ; le désir des populations d’aider au développement une fois que la paix sera revenue ; les ex-combattants sont abandonnés à eux-mêmes ; manque d’infrastructures de base dans certains villages (école, santé…)
Afrik.com : On sait que l’Etat du Niger élabore différentes stratégies pour renforcer et consolider la Paix et l’unité nationale. Quels conseils donneriez-vous pour mener à bien cette vision ? Seydou Kaocen Maïga : Passer de la parole aux actes dans la volonté de construire la paix exprimée dans le discours d’investiture du Président de la République et la Déclaration de politique générale du Premier ministre ; mener des actions urgentes (intégration et embauche massive) de consolidation de la paix afin de contenter les ex-combattants ayant déposé les armes depuis 2009 afin de ne pas les laisser à la portée des activités illicites ; établir un programme d‘insertion et de réinsertion des ex-combattants dans les corps militaires et paramilitaires, condition sine qua none pour une véritable Paix ; insérer une partie des ex-combattants dans les sociétés minières du nord Niger notamment le groupe Areva Niger, la Sonichar (qui a embauché 39 personnes en 2010 dont une seule est originaire de la région !) et les sociétés chinoises ; créer des unités mixtes de sécurité pour combattre l’insécurité résiduelle et le terrorisme car seuls les ressortissants des zones concernées pourront apporter une plus-value dans ce sens, et il ne sert à rien que les autorités politiques et militaires continuent à le nier ; renforcer les capacités de la société civile de la région nord, afin de l’aider à mieux participer à la démocratisation et à mieux sensibiliser sur les voies de revendication légales et la gestion non-violente des conflits ; associer les ex-fronts dans la gestion administrative.
Afrik.com : Quelles sont les difficultés rencontrées lors de votre mission à Agadez ?
Seydou Kaocen Maïga :
 Les difficultés rencontrées sont surtout liées aux moyens et au nombre de participants. Il y a eu un tel engouement que tout le monde voulait être ambassadeur de la Paix, alors qu’ils n’y avait qu’une trentaine de personnes initialement prévues et on s’est retrouvée finalement avec 83 personnes dans la caravane ! Ensuite il y a eu l’état des routes, dont certaines sont impraticables. Pour le reste tout a été facilité par l’engagement des autorités coutumières et des populations.
Afrik.com : Un dernier mot ?
Seydou Kaocen Maïga :
 Pour finir, je demanderai aux autorités de la 7ème République, un moratoire quant à l’embauche dans les sociétés minières en attendant de boucler le programme officiel d’insertion des ex-combattants, car l’emploi des populations locales est pratiquement « nul » dans le nord Niger. Et cela est un facteur déterminant de la paix sociale tant désirée. Donc cela veut dire qu’il faut arrêter d’embaucher qui que ce soit dans les sociétés du groupe Areva et la Sonichar en attendant de rétablir l’équilibre qui permettra aux populations locales de se sentir concernées par l’exploitation minière et qu’elles en tirent enfin un bénéfice. Mais pour cela, il faut qu’on mette fin au discours qui consiste à dire qu’il n’y a pas assez de diplômés dans le nord. S’il n’y a pas de diplômés, alors qu’on forme une élite locale à même d’être embauchée par ces sociétés à tous les niveaux. Ce moratoire est une nécessité ! Ensuite, il serait opportun que les autorités suspendent certains concours comme celui de la douane, car il y a plus de 4000 ex-combattants qui attendent, car, depuis les intégrations des premiers accords, le recrutement n’a plus concerné les populations du nord. Il en est de même pour les Forces armées nigériennes (FAN). Pour finir j’attire l’attention des autorités sur la nécessité de mettre fin à toute envie de déstabilisation de notre pays par des groupes radicaux, car nous avons la chance d’avoir eu la Paix grâce à la Libye qui aujourd’hui est en conflit aussi. Donc sachons valoriser cet acquis qu’est la Paix pendant que nous la tenons, car il est facile de compromettre une Paix aussi fragile que la nôtre. Je vous remercie.

NIGER

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