lundi 24 octobre 2011


Libye. Les Berbères veulent se faire entendre

23 octobre 2011 - 12 réaction(s)
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Après la mort du colonel Kadhafi, le nouveau pouvoir libyen se trouve confronté à deux défis : la montée en puissance du courant islamiste et les revendications des Berbères. [Vidéo]
Outre la probable déception des laïques face à l'omniprésence des islamistes au sein du Conseil national de transition (CNT), le projet du gouvernement, certes provisoire, du nouveau régime libyen pourrait aussi se voir confronté à une revendication inattendue. Celle des droits culturels des Berbères.

Ce mouvement très actif au Maghreb, mais aussi en France où les opposants ont pris racine depuis des années, veut se faire entendre. Et voir ses droits garantis. Car les tribus berbérophones, longtemps muselées par Kadhafi, ont largement pris part au renversement du régime de l'ancien «Guide». Sur le terrain, au front depuis le début de la révolution, comme dans les rassemblements de joie à chacune des victoires durement arrachées face à Kadhafi, on y a vu des jeunes gens vêtus de t-shirts frappés du sigle Amazigh ou hissant fièrement le drapeau jaune, vert et bleu du monde berbère. 

Le mouvement sort de l'ombre 
À Tripoli, ce mouvement - impensable sous le régime du dictateur déchu - commence à sortir de l'ombre. Et à s'affirmer, déjà, dans la nouvelle télévision «Libye libre» qui émet depuis la prise de Tripoli. Là, contrairement à l'ancienne télé d'État, le Berbère a pris place dans le débat. C'est déjà le cas en Algérie, au Maroc, mais pas encore en Tunisie. Consciente de son poids en Libye, la communauté berbère s'organise. Et tente d'exister sur le terrain politique et dans les médias. A l'instar de leurs «frères» et voisins du Maghreb, les Berbères libyens veulent aussi voir leur langue (amazigh) reconnue officiellement. Sans remettre pour autant en cause la primauté de l'arabe dans la nouvelle Libye qui se dessine.

Pour afficher leur détermination, ils ont organisé librement, fin septembre, le premier Forum amazigh libyen. L'affiche clamait «Officialisation de la langue amazighe et soutien à l'unité nationale». Pour preuve d'unité, ce forum a débuté avec le nouvel hymne national chanté en arabe et en amazigh. Un geste sans précédent au pays de Kadhafi, qui n'a jamais hésité à réprimer toute opposition, surtout celle venant des tribus berbères qu'il craignait particulièrement, comme le faisait, jadis, le pouvoir algérien sous Boumediene.

Débattre des questions politiques, écrire ou imprimer en amazigh, c'est risquer la prison. En Algérie, plusieurs membres du mouvement culturel berbère ont passé des mois derrière les barreaux sous l'ancien régime du parti unique. 

Longtemps traqués par Kadhafi et fils 
Ces interdits ont été également appliqués par l'ancien dictateur libyen. Ses services de renseignements ayant toujours traqué toutes les élites berbérophones. Pour beaucoup, Kadhafi et fils ont été toujours soupçonneux à l'égard des personnalités réfractaires berbères. Ainsi, sa chute et celle de son régime, devenue effective après de longs mois de lutte, ont été célébrées dans les montagnes du Nefoussa, dans le nord-ouest du pays, comme à Zouwarah, à l'ouest de Tripoli, d'où sont partis les militants très actifs vers le front pour faire la guerre contre l'ancien régime. 

En pointe dès le début de la révolte 
En pointe dès le début de la révolte en février, les Berbères ont combattu comme les Arabes pour mettre fin à quarante-deux ans du régime de l'imprévisible colonel. Renversé, ce dernier, avant d'être tué, a sans doute eu l'écho du festival de musique berbère organisé récemment à Tripoli, faisant résonner des airs longtemps interdits et désormais libres. Et ils continuent chaque jour un peu plus, aidés par leurs frères algériens et marocains, à mieux faire entendre leurs revendications tout en multipliant les manifestations publiques.

Et la Libye était ainsi au centre des discussions lors du 6e Congrès mondial des Berbères qui s'est tenu, début octobre, sur l'île de Djerba, en Tunisie. Chose sûre, minoritaires ou pas en Libye (environ 10 % de la population), les Berbères ne veulent surtout pas rater l'occasion de faire valoir leurs droits et de peser dans l'écriture de la nouvelle Constitution.
  • Ralph Marouani

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