jeudi 8 septembre 2011




LIBYE : LES TOUAREGS DOIVENT ÊTRE PROTÉGÉS DES REPRÉSAILLES ET DES ARRESTATIONS ARBITRAIRES

7 septembre 2011
Le Conseil national de transition (CNT) doit prendre davantage de mesures pour protéger les Libyens noirs, a déclaré Amnesty International mercredi 7 septembre, à la suite des allégations selon lesquelles des Touaregs ont été arrêtés, menacés et passés à tabac car ils étaient soupçonnés d'avoir combattu aux côtés des forces de Kadhafi.

Certains Touaregs arrêtés à Tripoli auraient été contraints à s'agenouiller face à un mur, avant d'être frappés au moyen de bâtons et fouettés. D'autres ont purement et simplement disparu après leur arrestation à des postes de contrôle ou leur enlèvement dans des hôpitaux par des révolutionnaires armés (thuwwar).

« Le CNT doit mettre fin à de telles pratiques, en particulier celles qui visent des groupes vulnérables comme les Touaregs, et envoyer un message clair indiquant que la torture ne sera plus tolérée en Libye », a indiqué Diana Eltahawy, chercheuse sur l'Afrique du Nord à Amnesty International, qui se trouve actuellement dans le pays.

Touarga, une ville de l'ouest de la Libye, est restée fidèle au colonel Kadhafi et a servi de base à ses troupes. Dans l'esprit des habitants de Misrata, elle est associée à certaines des pires atteintes aux droits humains commises au cours du conflit.

« Il ne fait aucun doute que les forces de Kadhafi ont été impliquées dans des crimes de guerre et de graves violations des droits humains à Misrata, et que certains Touaregs ont combattu à leurs côtés, a ajouté Diana Eltahawy.

« Quoi qu'il en soit, tous les responsables présumés de ces agissements doivent être traduits en justice et subir un procès équitable, et non pas être arrachés à leur lit d'hôpital au motif que tous les Touaregs seraient des “assassins” et des “mercenaires”. La population dans son ensemble ne doit pas en pâtir. »

La plupart des habitants de la région de Touarga, située à une quarantaine de kilomètres de Misrata, ont fui leur domicile en août, avant l'arrivée des thuwwar. Des dizaines de milliers d'entre eux vivent aujourd'hui dans différentes parties de la Libye ; ils ne peuvent pas rentrer chez eux car les relations entre les habitants de Misrata et de Touarga demeurent particulièrement tendues.

Des personnes qui vivent dans des camps de fortune près de Tripoli, où ont trouvé refuge des habitants de Touarga qui ont été déplacés, ont indiqué à Amnesty International qu'elles ne sortaient pas de crainte d'être arrêtées. Elles ont expliqué comment certains de leurs proches et d'autres Touaregs avaient été arrêtés à des postes de contrôles et même dans des hôpitaux de Tripoli.

Le 29 août, des délégués d'Amnesty International ont vu trois hommes, dont un armé, emmener un patient touareg de l'hôpital central de Tripoli pour « l'interroger à Misrata ». Ceux-ci ne disposaient d'aucun mandat d'arrêt.

L'organisation a été informée que d'autres Touaregs – deux hommes au moins – avaient disparu après avoir été emmenés pour être interrogés alors qu'ils se trouvaient dans des hôpitaux de Tripoli.

Un agent d'opération aérienne de 45 ans et son oncle ont été arrêtés le 28 août par des thuwwararmés alors qu'ils faisaient des courses dans le quartier d'Al Firnaj, à Tripoli.

Ils ont été emmenés au quartier général du Conseil militaire à l'aéroport de Mitiga, à quelques kilomètres à l'est de la capitale. Ils ont déclaré à Amnesty International qu'ils avaient été frappés avec la crosse d'un fusil et menacés de mort. Après plusieurs jours à Mitiga, ils sont toujours détenus à Tripoli.

Même dans les camps, les Touaregs ne sont pas en sécurité. Vers la fin du mois d'août, un groupe d'hommes armés est arrivé à bord d'un véhicule et a arrêté environ 14 hommes.

Amnesty International s'est entretenue avec des proches de ces personnes ; aucun ne savait ce qu'il était advenu d'elles ni où elles se trouvaient.

Une femme a déclaré que son mari avait disparu depuis qu'il avait quitté le camp pour aller faire une course dans le centre de Tripoli, environ une semaine auparavant. Elle craint qu'il n'ait été arrêté.

Une autre femme, qui vivait dans le camp avec son mari et leurs cinq enfants depuis une semaine environ, a déclaré à Amnesty International qu'elle était terrifiée à l'idée de rentrer chez elle.

« Si nous retournons à Touarga, nous serons à la merci des thuwwar de Misrata.

« Lorsqu'ils sont entrés dans notre ville en plein milieu du Ramadan [à la mi-août] et ont fait feu, nous avons fui en n'emportant que les vêtements que nous avions sur nous. Je ne sais pas ce qui est arrivé à nos maisons ni à nos autres biens. Maintenant, je suis ici, dans ce camp ; mon fils est malade mais j'ai trop peur pour me rendre à l'hôpital, en ville. Je ne sais pas ce que nous allons devenir. »

Outre les Touaregs, d'autres Libyens noirs – notamment ceux du district de Sabha, dans le centre du pays, et les Africains d'origine subsaharienne – sont toujours particulièrement exposés aux représailles et aux arrestations arbitraires en raison de leur couleur de peau et des allégations répandues selon lesquelles les forces de Kadhafi ont eu recours à des « mercenaires africains » pour réprimer ceux qui soutenaient le CNT.

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