"La question est sur toutes les lèvres à l’heure où le conflit s’enlise", reconnaît Jean-Pierre Maulny, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). "Beaucoup de dirigeants occidentaux s’interrogent sur la légitimité de cette instance".
L’absence de contre-pouvoir libyen laisse pourtant peu de choix aux dirigeants européens et américain. Le CNT est le seul interlocuteur de la communauté internationale. "C’est la seule organisation visible qui résiste", ajoute le spécialiste. Un point de vue partagé par Dominique Moisi, expert du Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (IFRI). "Ils sont forts parce qu’ils sont uniques", affirme l’expert. "Leur atout principal, c’est leur existence. Elle rend caduque la légitimité de Kadhafi".
"Aucune figure charismatique"
Composé de 31 membres, le CNT est constitué d’une grande majorité d’anonymes – avocats, professeurs, médecins. Des civils qui, malgré eux, mettent à mal l’image du Conseil de transition. "Une organisation de résistance fonctionne grâce à deux leviers : une figure charismatique ou une organisation infaillible. Ici nous n’avons ni l’un ni l’autre".
La trésorerie semble également faire défaut aux insurgés libyens. Pour remplir leurs caisses, les rebelles ont donc décidé de s'adresser à leurs alliés occidentaux. La rébellion évalue ses besoins pour les trois prochains mois à trois milliards de dollars pour payer les soldes des insurgés, la nourriture, les médicaments et d’autres fournitures de base. "Ils n’ont pas d’argent et l’économie libyenne menace de s’effondrer", confie Jean-Pierre Maulny.
Dans ce contexte, la communauté internationale hésite à investir de l’argent dans une organisation aussi peu structurée. "Les dirigeants occidentaux refusent de financer des armes sur lesquelles ils n’auraient aucun contrôle", explique le spécialiste.
Cafouillage diplomatique
Seuls la France, le Qatar, l’Italie et la Gambie ont officiellement reconnu ce conseil de résistance comme représentant légitime du peuple. "C’est peu", reconnaît Jean-Pierre Maulny, "trop peu pour peser sur l’échiquier politique mondial".
Est-ce à dire pour autant que le CNT a vocation à disparaître ? "C’est une question prématurée, répond Dominique Moisi. La chute de Kadhafi serait le test ultime. Ce n'est qu'à ce moment là que l’on saura si le mouvement mourra ou si un leader politique émergera…" Même prudence du côté de Jean-Pierre Maulny. "Le CNT tire aujourd’hui sa force de la haine cristallisée autour de Kadhafi, mais demain… Si le régime tombe, le CNT devra préparer l’avenir, proposer une alternative au Guide, gagner le soutien des Libyens… Seront-ils vraiment préparés et structurés ?"
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