vendredi 15 avril 2011

Au Burkina Faso aussi, on veut la tête du président

Monde 15/04/2011 à 15h58 (mise à jour à 19h07)



Des militaires insurgés s'en sont pris au palais présidentiel la nuit dernière à Ouagadougou, après deux mois de contestation.


Par Chloé BOSSARD


Manifestation contre le gouvernement du président Blaise Compaoré, le 8 avril à Ouagadougou. (© AFP Ahmed Ouoba)


Tirs d'armes lourdes en pleine rue, pillages, incendies. La nuit dernière, une nouvelle révolte a embrasé Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, après deux mois d'agitation. Les militaires ont saccagé, puis incendié le domicile du chef d'état-major, avant d'échanger des tirs dans l'enceinte du palais présidentiel pour réclamer une indemnité qu'on leur avait promise. Les mutins ont finalement perçu leur argent ce matin.
Ce regain de violence fait suite à plusieurs semaines de trouble. Fin mars, des soldats s'étaient emparés d'armes de guerre dans certaines garnisons du pays, afin de libérer certains de leurs camarades, emprisonnés pour des viols et des affaires de mœurs. Depuis, des mutineries agitent régulièrement les camps. Lors d'une rencontre avec le président Blaise Compaoré le 31 mars, les représentants de l'armée avaient dénoncé de «mauvaises conditions de vie» et des «problèmes avec la hiérarchie».
Parmi les civils, le mécontentement prend également des allures de rébellion. La mort d'un étudiant des suites de violences infligées par la police, le 20 février, en a été l'élément déclencheur. Des milliers de manifestants ont alors défilé dans les rues, faisant au moins six morts, tandis que des lycéens incendiaient le siège du parti au pouvoir et les résidences de deux ministres. La semaine dernière encore, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes du pays, aux cris de «Blaise dehors !».



(Journal du jeudi)
«Les gens n'ont plus d'espoir»


Selon Alioune Tine, président de la Rencontre africaine de défense des droits de l'Homme, le Burkina Faso «est un Etat militaire qui s'est imposé par la force, avec une façade démocratique» et «les gens n'ont plus d'espoir de voir partir Compaoré par les urnes».
Le Burkina Faso est pourtant considéré par la Communauté internationale comme l'un des pays les plus stables d'Afrique de l'Ouest. Depuis le coup d'Etat qui l'a hissé au pouvoir en 1987, Blaise Compaore a été réélu trois fois avec des scores soviétiques, supérieurs à 80%. Malgré son implication dans des trafics d'armes et de diamants, il s'est imposé peu à peu comme médiateur lors de conflits régionaux. Il a notamment soutenu Alassane Ouattara en Côte-d'Ivoire. Ironie du sort: son protégé vient d'accéder au pouvoir alors que le sien est contesté.

Mais il n'est pas sûr que ses talents diplomatiques puissent lui servir dans son propre pays. Le président burkinabé a brièvement quitté la capitale ce matin pour se réfugier dans sa ville natale, à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. A l'occasion d'une rencontre avec le ministre norvégien de l'Environnement et de la Coopération internationale, Erik Solheim, Blaise Compaoré a cependant déclaré vouloir «engager le dialogue avec toutes les composantes de la société burkinabè».

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