mardi 15 février 2011

Niger : le bout du tunnel de la stabilité politique a-t-il encore reculé ?

Abdoulahi ATTAYOUB

Niger : le bout du tunnel de la stabilité politique a-t-il encore reculé ?
lundi 14 février 2011
photo:Mamane  comedien nigerien/de RFI


Au regard des revirements et autres « combinazione », enregistrés ces dernières semaines, les choses se compliquent au Niger et la stabilité politique n’est manifestement pas pour demain !
Après des élections locales et législatives organisées dans des conditions calamiteuses, force est de constater que le climat politique n’est pas près de s’apaiser. En effet, la précipitation des organes de la transition et la ténacité des vieilles habitudes ont favorisé des situations ubuesques qui faussent considérablement l’expression populaire.
L’invalidation d’un nombre inégalé de listes électorales a empêché une réelle compétition des partis politiques dans de nombreuses régions. Situation imputable, certes, aux organes de la transition pressés de se dégager du pouvoir, mais aussi aux partis politiques eux-mêmes, qui n’ont pas su s’adapter à temps aux nouvelles dispositions constitutionnelles et réglementaires.
Le fait que des partis politiques n’ont pas pu se présenter au suffrage populaire dans leurs propres fiefs électoraux a gravement faussé les résultats des élections législatives et constitué un germe de complications pour les mois et les années à venir. Cela est d’autant plus fâcheux que le paysage électoral est fortement segmenté selon des considérations reconnues par tous et que celles-ci structurent véritablement les rapports de forces politiques. Ceux qui ont été les victimes de cette situation pourraient ne plus l’accepter très longtemps.
Toutes ces approximations ont abouti à un véritable casse-tête pour la junte militaire, qui a vu pointer le spectre d’un retour au pouvoir du MNSD par le jeu démocratique, contrariant ainsi la volonté de certains auteurs et instigateurs du coup d’Etat du 18 février 2010. Le sentiment d’avoir eu à assumer « un coup d’Etat pour rien » aurait alors certainement prévalu.
Et la parade a vite été trouvée par des petites mains travailleuses qui ont imaginé le seul scénario à même de déjouer la tournure que prenaient les choses après les résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Ce scénario, qui consistait à aider au rapprochement du Moden/FA Lumana Africa et du PNDS-Tarayya, a été mis en scène à l’extérieur du pays comme pour apporter une caution sous-régionale censée convaincre les Nigériens de son caractère démocratique et rassurant pour l’avenir. Malgré son caractère troublant, on peut néanmoins penser que chacun des protagonistes a sa propre idée de ce scénario et que cela pourrait avoir son importance pour la suite !!!!
Qu’il soit l’expression d’un calcul bien précis de Hama AMADOU ou de la volonté toute militaire de la junte d’obtenir un résultat qui lui convienne, ce revirement a tout de même un goût suspect de détournement d’un certain ordre naturel des choses. Le peuple a certes la possibilité de voter comme il l’entend au second tour, mais l’effet pédagogique est certainement raté pour la construction d’une image un peu moins nébuleuse de la politique au Niger. Même si tout a été vu en matière de nomadisme politique, il s‘agissait dans ce cas précis de ne pas donner au peuple l’impression que tout est toujours arrangements politiciens et partage du gâteau !
Quelle que soit l’issue du second tour, le pays risque de ne pas connaître de stabilité tant que d’autres élections n’auront pas été organisées dans des conditions plus propices à une véritable compétition entre les différentes forces qui composent le paysage politique. Mahamadou Issoufou, Hama Amadou et… Seyni Omar, en hommes d’expérience et soucieux de faire évoluer le pays vers une vie politique apaisée, doivent certainement penser à reprendre à leur compte les missions que les militaires avaient énoncées pour justifier leur coup d’Etat. En effet, après les difficultés enregistrées sur le dossier de l’assainissement de la vie publique, les ratés sur le terrain de la réconciliation des Nigériens, la junte voit ainsi ses espoirs de restaurer la démocratie gravement compromis par la complexité du jeu politique et son incapacité à inventer autre chose !



Abdoulahi ATTAYOUB
aabdoulahi@hotmail.com
Lyon (France)

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