mercredi 22 septembre 2010

Prêche dans le désert

Chronique "Ecologie"

Prêche dans le désert
21.09.10
13h16 • Mis à jour le 21.09.10
 Hervé Kempf (Chronique "Ecologie")
Photo/Fort de Ghat


Cinq Français, un Malgache et un Togolais ont donc été enlevés au nord du Niger, à Arlit, par des inconnus. On ne peut que redouter le danger qu'ils courent, et s'associer à l'angoisse de leurs proches. Tout en pensant aussi aux 70 000 habitants de cette cité minière perdue dans la poussière. A la majorité d'entre eux, qui vivent misérablement dans les "boukakis", les bidonvilles qui entourent la ville bâtie. Aux Touaregs, voyageurs du sable et du soleil, devenus importuns sur le territoire de leurs ancêtres. A la radioactivité issue de quarante ans d'exploitation de l'uranium, et qui se dégage des stocks à l'air libre des résidus miniers. A la malédiction du Niger, pauvre de sa richesse en uranium, qui ne lui a pas apporté le développement, mais le mirage d'une prospérité toujours repoussée sous la tutelle peu discrète de l'ex-colonisateur.

Sept otages, et un mythe qui s'effondre : celui de l'indépendance énergétique. Selon les statistiques officielles, le taux d'indépendance énergétique de la France est de 46 %. Ce chiffre recouvre la production d'électricité nucléaire. Celle-ci requiert de l'uranium. La dernière mine française d'uranium a fermé en 2001. Ainsi, le nucléaire "français" dépend de l'uranium du Niger (pour 40 % de son approvisionnement), du Canada et du Kazakhstan, autant de pays qui n'ont pas jusqu'à présent demandé leur rattachement à la République française, et peuvent être sujets à diverses turbulences.
L'examen des statistiques met à mal un autre mythe, selon lequel le nucléaire aurait libéré la France de la dépendance pétrolière. Non seulement nous importons toujours du pétrole (86 millions de tonnes par an), mais nous en consommons autant par habitant que ces Allemands qui s'obstinent à vouloir sortir du nucléaire : 1,4 tonne par an. En fait, toute l'Europe est dépendante : de l'uranium nigérien, du gaz russe, du pétrole du Proche-Orient, voire demain du soleil saharien. Le mieux, pour limiter les tracas inévitables de cette situation, serait de maîtriser la consommation d'énergie.
C'est ce qu'indique un rapport, "Energy savings 2020" (Economies d'énergie 2020), publié par l'European Climate Foundation, une fondation basée aux Pays-Bas. Ce qu'il dit ? Que l'Europe n'atteindra pas ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre sans une importante politique d'économie d'énergie. Que cette politique économiserait près de 400 millions de tonnes d'importation de pétrole par an. Qu'elle créerait plus d'emplois que le secteur des énergies nouvelles. On prêche dans le désert. On a des chances d'être entendu, ces temps-ci.

Courriel : kempf@lemonde.fr.
Hervé Kempf (Chronique "Ecologie")

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