jeudi 8 avril 2010

Salif Keita, chantre de la différence

Salif Keita - "Africa"




Salif Keita - Yamore




Salif Keita, chantre de la différence 
Le Figaro musique
Par Olivier Nuc
08/04/2010  
Le chanteur malien, fraîchement primé aux Victoires de la musique, investit l'Olympia lundi prochain.

Après avoir franchi le cap de la soixantaine l'an passé, Salif Keita fait aujourd'hui part de sa plus grande crainte:celle de ne pas ­vivre assez longtemps afin de voir grandir sa dernière fille, âgée de 4 ans.
Comme lui, l'enfant est affligée de l'albinisme qui frappe une partie de la population africaine. «En Afrique, un albinos peut rarement espérer vivre au-delà de 40 ans », avoue-t-il. Le chanteur malien, connu pour ses prises de position et son militantisme, a fait de la question le thème central de son nouvel album, La Différence (Universal Jazz). Après les somptueux ­Moffou (2002) et MBemba (2005), l'album complète une trilogie acoustique qui a valu à l'artiste de conquérir un nouveau public.
Tout récemment, Salif Keita s'est vu décerner une victoire de la musique, catégorie Musiques du monde. Une ­récompense aussi tardive que méritée pour ce chanteur reconnu comme un des plus impressionnants du continent qui l'a vu naître. Descendant du fondateur de l'empire du Mali, Soundjata Keïta, Salif s'est consacré à la musique dès sa majorité, au grand dam de sa ­famille. Au Mali, cette activité réservée à la caste des griots est considérée impure pour la noblesse dont il est issu. Parvenu à s'imposer en dépit de ces deux handicaps, le musicien entend redonner espoir à son peuple.

Boulimique de musiques

Il a depuis longtemps quitté Montreuil, où il vivait dans les années 1980 - alors que la world music battait son plein à Paris - pour rejoindre la campagne malienne. «Ma mission est d'éduquer la population, qui est à 80 % analphabète, pour les sensibiliser à la question des albinos, et empêcher les persécutions dont ils sont l'objet.»
Une superstition très ancienne leur prête des vertus maléfiques, entraînant de nombreux cas de mauvais traitements. Pour Salif Keita, la reconnaissance est d'abord venue de l'étranger. Pourtant, à l'instar du Sénégalais Youssou N'Dour, c'est dans son pays qu'il a installé son studio d'enregistrement et monté les structures qui lui permettent d'aider de jeunes musiciens.
Parallèlement à la sortie de La Différence, sa maison de disques a la riche idée de rééditer des enregistrements des années 1970. À cette époque, Salif Keita chantait au sein de l'orchestre Les Ambassadeurs, qui illumina les soirées de Bamako puis d'Abidjan. Plus de trente ans ont passé, mais l'homme n'a rien perdu de sa passion pour la musique. S'il a un temps succombé à la tentation de publier des disques où sa voix était noyée sous les dernières avancées technologiques, sa carrière a repris ­cette dernière décennie des sonorités acoustiques plus brutes, qui mettent réellement en valeur son timbre éclatant.
«Sur mon prochain album, j'aimerais beaucoup collaborer avec M», explique ce boulimique de musiques, à qui l'on doit un disque de reprises de standards de la chanson française, réorchestrées avec des instruments traditionnels maliens (kora, balafon). Lundi, c'est dans le temple du music-hall parisien qu'il recevra ce qui ressemble fort à un ­sacre. «Jouer à l'Olympia, c'est un plaisir tout particulier, que je suis heureux de vivre», avoue-t-il.

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