mercredi 7 avril 2010

Niger : le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) au carrefour de l’Histoire.


Abdoulahi ATTAYOUB

Niger : le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) au carrefour de l’Histoire.
mercredi 7 avril 2010


Au carrefour d’une Histoire très courte d’ailleurs, puisque nous fêtons cette année le cinquantième anniversaire de notre indépendance, et fort mouvementée, hélas ! l’Armée devant intervenir régulièrement dans les affaires de l’Etat pour rééquilibrer des dérives ou des dysfonctionnements que le personnel politique civil engendre ou n’est plus capable de réguler.
Au regard de cette instabilité politique désormais chronique, il convient de s’interroger sur les causes réelles qui poussent régulièrement nos dirigeants politiques à s’affranchir des textes qui organisent notre vie publique — textes forcément censés protéger à part égale tous les citoyens nigériens — pour se lancer à corps perdu dans des pratiques privilégiant des intérêts strictement personnels le plus souvent contraires à l’intérêt du plus grand nombre.
Il semble que l’une des raisons de cette incompréhension permanente entre les dirigeants politiques et les citoyens ordinaires, qui divise si fortement la société nigérienne, réside essentiellement dans le peu d’importance que ces mêmes dirigeants politiques, quels qu’ils soient d’ailleurs, accordent aux textes qui fondent notre démocratie. Et aussi dans la conscience que ces dirigeants ont du caractère très relatif de leur légitimité. Les conditions souvent hasardeuses dans lesquelles les institutions des Républiques précédentes ont été mises en place pourraient expliquer une grande partie ce relatif sentiment d’irresponsabilité.
Pour mettre un terme à ce cycle d’instabilités si préjudiciables au bon déroulement de la vie publique et à la gestion des ressources qui pourraient offrir de meilleures conditions de vie si elles étaient consacrées au bénéfice de tous les citoyens, les militaires seraient bien inspirés de prendre la dimension de la responsabilité qu’ils ont choisi de s’assurer. Ils devraient assumer devant le pays la totalité des actes nécessaires à la réconciliation des Nigériens entre eux et avec leur Etat. C’est seulement à cette condition qu’ils pourront prétendre innover et contribuer à doter le pays d’institutions réellement légitimes.
En effet, pour les autorités de transition, la priorité devrait être de doter le pays d’institutions suffisamment légitimes et solides pour assurer un fonctionnement durable et structurant de l’Etat. La question du calendrier est donc secondaire et ne devrait se poser que bien après ce travail accompli. Il est surprenant de constater que certains dirigeants pressent le CSRD de « rendre » le pouvoir au lieu de se pencher sur la meilleure manière de contribuer à l’avènement d’institutions sérieuses et susceptibles de garantir la stabilité du pays. L’empressement de ces leaders politiques à « reprendre » le pouvoir dénote un rapport malsain à la chose publique. Ces politiciens donnent l’impression de privilégier plus la gestion de leur carrière politique que la volonté de chercher à mettre un terme aux errements politiques de ces vingt dernières années.
Le CSRD et le gouvernement doivent se donner le temps nécessaire à la mise en place d’un Conseil consultatif capable de gérer cette transition dont la qualité déterminera la stabilité du pays par la suite. Toute erreur d’appréciation sur la nature de sa mission risquerait d’affaiblir considérablement la Constitution et les institutions à venir.
Quel rôle pour le Conseil consultatif ?
Dans l’esprit de la junte au pouvoir et de la classe politique, le Conseil consultatif aurait pour l’une de ses missions la rédaction des textes, notamment les textes de la nouvelle Constitution. Il semble pourtant plus indiqué que cette tâche revienne à une Assemblée élue qui serait suffisamment représentative pour décider de l’organisation des pouvoirs publics, en premier lieu la loi fondamentale qui régit le fonctionnement de l’Etat. Cette Assemblée s’entourerait des compétences techniques nécessaires à l’accomplissement de cette tâche.

Le Conseil consultatif pourrait donc se donner pour unique mission d’organiser l’élection d’une Assemblée constituante composée des représentants de toutes les sensibilités politiques du pays. Cette Assemblée ayant la légitimité ainsi affirmée pourrait se pencher sur la rédaction d’un texte constitutionnel qui sera soumis au peuple par voie référendaire. Les autres institutions de la République devraient être également l’émanation de cette nouvelle Constitution. Cette solution aurait pour avantage de doter la nouvelle Constitution d’une légitimité à la base, car nous savons par expérience que n’importe quel texte qui sera proposé au référendum sera plébiscité, quelles que soient par ailleurs sa qualité et les conditions de sa rédaction (se référer à toutes les Constitutions depuis la Conférence nationale !).
La Constitution ne peut pas se contenter d’être une simple série d’articles dont l’application suffirait à faire fonctionner un Etat. Elle doit être réellement l’émanation de la volonté du peuple dans toutes ses composantes. Sinon, elle sera toujours perçue comme une série de textes qui pourront être selon les circonstances et les intérêts particuliers transgressés, suspendus, annulés, violés en toute impunité… Dans un pays comme le Niger, la rédaction d’une Constitution ne saurait être qu’un acte technique comme un autre confié à des spécialistes plus ou moins inféodés à des clans politiques dont la conscience de l’intérêt du pays est très loin d’être une évidence au regard de notre histoire récente.

Abdoulahi ATTAYOUB Lyon (France)…
temoust

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